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Mais je ne pouvais pas compter sur la Confrérie. À cause de l’intolérance débile du gardien, j’étais suspect. Le Conseil se réunissait lundi à l’aube. Certains de ses membres m’écouteraient sûrement, mais ils étaient encore en route, à ce moment précis. Impossible d’appeler à l’aide ceux qui étaient de mon côté. En somme, je n’avais plus le temps de joindre mes alliés habituels.

Conclusion, j’étais tout seul. Ça fait un choc.

J’allais affronter Victor Sells, un des plus puissants sorciers que j’aie jamais rencontrés, dans son propre sanctuaire, la Maison du Lac. En outre, j’allais devoir le vaincre sans violer les lois des arcanes. Je n’avais pas le droit de le tuer par magie, mais il fallait quand même que je l’arrête.

Cela dit, que je le défie ou pas, j’avais toutes les chances de mourir. Alors, tant pis ! Si je devais périr, ce ne serait sûrement pas dans mon pieu, en train de gémir. Si Victor Sells voulait la peau de Harry Blackstone Copperfield Dresden, il fallait qu’il en mérite chaque centimètre carré !

Cette décision me remonta le moral. Au moins, j’avais un objectif et une direction. Mais il me fallait aussi un avantage – un as dans la manche à sortir contre Sells. Une surprise.

Maintenant que j’en savais plus sur lui, je comprenais mieux la magie avec laquelle il m’avait attaqué la veille. Elle était puissante, mortelle même, mais sans grand raffinement ni contrôle. Victor était fort, c’était un mage naturel, mais il manquait d’entraînement. Si j’avais eu un de ses cheveux – quelque chose à utiliser contre lui ! J’aurais peut-être dû fouiller sa salle de bains, mais mon instinct me soufflait qu’il n’était pas aussi imprudent. Quiconque s’attache à utiliser ce genre de sort contre des gens devient doublement paranoïaque quand il s’agit de s’en protéger.

Mais j’avais quelque chose ! Son talisman scorpion, dans le tiroir de mon bureau ! C’était même un objet auquel il tenait. Je pouvais l’utiliser pour créer un lien avec lui et lui renvoyer son pouvoir dans la gueule, sans me salir les mains.

Il me restait un espoir, je n’étais pas encore mort. Pas du tout !

Le taxi s’arrêta dans une station-service, et, avant d’aller téléphoner, je lui demandai de m’attendre une minute. Si je mourais ce soir, je voulais m’assurer que tous les chiens de l’enfer tomberaient sur le râble de Victor Sells.

J’appelai Murphy au commissariat.

Il y eut plusieurs sonneries, puis on décrocha.

Il y avait une sacrée friture sur la ligne et j’eus du mal à reconnaître mon interlocuteur.

— Bureau de l’inspecteur Murphy, Carmichael à l’appareil.

— Carmichael, criai-je. Ici Harry Dresden ! Je dois parler à Murphy !

— Comment ? répondit le flic, sa voix presque couverte par les grésillements. (Ce putain de téléphone craquait au plus mauvais moment.) Je ne vous entends pas. Murphy ? Vous voulez parler à Murphy ? Qui est-ce ? C’est toi, Anderson ?

— Harry Dresden ! Je dois parler à Murphy !

— J’entends rien, Andy. Écoute, Murphy n’est pas là, elle est allée perquisitionner le bureau de Dresden.

— Quoi ?

— Le bureau de Dresden ! Elle a dit qu’elle n’en aurait pas pour longtemps. Écoute, la communication est affreuse, essaie de rappeler plus tard.

Il raccrocha.

J’appelai mon bureau en tremblant. La dernière chose qu’il me fallait, c’était Karrin furetant dans mon bureau et confisquant des trucs. Si elle saisissait le scorpion comme preuve, j’étais fichu. Je n’aurais jamais le temps de tout lui expliquer. En plus, si on se rencontrait, elle serait tellement furieuse qu’elle risquait de me foutre en taule pour la nuit ! Et, dans ce cas, je serais mort le lendemain matin.

Le téléphone sonna et Karrin décrocha. La ligne était d’une pureté cristalline.

— Bureau de Harry Dresden.

— Murph ! Merci, mon Dieu ! Il faut qu’on parle !

— Trop tard, Harry… Tu aurais dû passer ce matin.

Je l’entendis bouger et ouvrir des tiroirs.

— Bon sang, Murph ! Je connais le meurtrier ! Écoute, fous le camp d’ici, c’est peut-être dangereux !

Je m’étais préparé à lui mentir, mais en prononçant ces mots, je compris que j’avais sûrement raison. Je croyais avoir vu le talisman bouger. Et je n’avais sans doute pas rêvé.

— Dangereux, grogna-t-elle en renversant mes stylos et en fouillant dans les tiroirs du haut. Je vais t’en donner du dangereux ! Se foutre de ma gueule, ça, c’est dangereux ! Je ne joue pas, moi ! Je ne te fais plus confiance !

Le talisman était dans le tiroir du milieu.

— Murphy ! Donne-moi une dernière chance ! Quitte cette pièce !

Il y eut un silence. Je l’entendis inspirer profondément. Puis elle reprit d’un ton des plus professionnels :

— Pourquoi, Dresden ? Qu’est-ce que tu caches ?

Je l’entendis ouvrir le deuxième tiroir.

Il y eut un claquement et Karrin lâcha un juron. Le combiné tomba sur le sol. J’entendis des coups de feu, des ricochets et un cri.

— Bordel ! m’égosillai-je. Murphy !

Je raccrochai brutalement avant de courir vers le taxi.

— Hé, mec, y a pas le feu ! lança le chauffeur.

Je claquai la porte, lui donnai l’adresse du bureau, et lui envoyai tout le fric qui me restait avant de lâcher :

— Il faut que j’y sois depuis cinq minutes !

L’homme cligna plusieurs fois des yeux.

— Que des tarés ! Les tacos récoltent que des tarés !

Sur ces mots, il démarra dans un crissement de pneus.

Chapitre 22

L’immeuble était fermé le dimanche. Je cassai presque la clé en ouvrant la porte. Sans perdre de temps avec l’ascenseur, je montai les marches quatre à quatre.

Cinq étages ! Je mis moins d’une minute, mais je détesterai chacune de ses secondes jusqu’à la fin de mes jours. Arrivé à mon étage, j’avais les poumons en feu et la bouche sèche. Je courus vers mon bureau. Le couloir était calme et silencieux. Seuls le panneau de l’issue de secours et la lumière du soleil éclairaient l’endroit. Les ombres s’allongeaient un peu partout.

Ma porte était entrouverte. Mon souffle pourtant rauque ne parvenait pas à couvrir le grincement du ventilateur. La grande lumière n’était pas allumée, mais la lampe de bureau, si. Un filet doré fusait jusque dans le couloir. Je m’arrêtai sur le palier, tremblant tellement que j’avais du mal à tenir mes bâtons.

— Murphy ? Murphy, tu es là ?

Ma voix était cassée, sans aucune puissance.

Je fermai les yeux, tendis l’oreille et crus entendre deux bruits.

Le premier était une respiration laborieuse accompagnée d’un gémissement. Murphy. Le second était un crissement de chitine. L’air empestait la poudre. La colère m’envahit. La créature de Sells avait blessé mon amie. Il était hors de question de rester là à ne rien faire !

J’ouvris la porte de la pointe de ma crosse et entrai silencieusement, bâton de combat tendu, des mots de pouvoirs sur mes lèvres.

Juste en face de ma porte, j’ai disposé une table qui propose des prospectus comme « Les sorcières ne flottent pas si bien que ça » ou « La magie en l’an 2000 ». J’en avais écrit certains et je les réservais aux curieux qui voulaient en savoir plus sur la magie. Je glissai mon bâton dessous. Rien. Je me relevai pour observer les alentours.