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À ma droite, des armoires de rangement s’alignaient le long du mur, près de quelques chaises. Les armoires étaient fermées, mais quelque chose pouvait très bien se cacher sous les sièges. Je déviai sur la gauche, vérifiai derrière la porte, puis me collai au mur en inspectant la pièce.

Mon bureau est dans le coin du fond, à droite en entrant, dans la diagonale de la porte. Un meuble d’angle… Il y a des fenêtres de chaque côté, et mes rideaux étaient baissés, comme d’habitude. Le vieux ventilateur fatigué grinçait au milieu du plafond.

Je regardai partout, les sens en alerte. Ravalant ma colère, je me forçai à rester sur mes gardes. Je n’aiderais pas Murphy s’il m’arrivait la même chose qu’à elle.

J’avançai lentement, brandissant mon bâton de combat.

J’aperçus les baskets de Karrin et, à en juger par l’angle de ses pieds, j’imaginai quelle était couchée sur le côté. Pas moyen de voir le reste de son corps. Je progressai encore et peu à peu le bureau apparut.

Je gardai mon bâton braqué comme un pistolet.

Murphy gisait sur le sol, la tête reposant sur sa chevelure dorée, les yeux grands ouverts, le regard vide. Elle portait un jean, une veste simple et un blouson de sport. Une tache de sang auréolait son épaule gauche. Son pistolet était à quelques centimètres de sa main. Elle respira un peu avant de gémir sous l’effort.

— Murphy, soufflai-je, les larmes aux yeux, avant de répéter plus fort : Murphy !

Elle bougea. Au moins, elle réagissait à ma voix.

— Du calme, du calme, dis-je. Arrête. N’essaie pas de bouger. Je vais essayer de t’aider.

Je m’agenouillai à ses côtés sans quitter la pièce des yeux. Rien de visible. Je posai mon bâton pour prendre le pouls de Murphy. Il était rapide, irrégulier. Elle ne saignait pas assez pour que ce soit grave, mais j’examinai son épaule. Malgré l’épaisseur du blouson, je sentis l’œdème.

— Harry, murmura-t-elle. C’est toi ?

— Oui, Murph, répondis-je en saisissant le téléphone. Tiens le coup, je vais appeler une ambulance.

Le tiroir du milieu était vide.

— Je n’arrive pas à y croire. Espèce de fumier, souffla péniblement Murphy. Tu m’as tendu un piège.

— Chut, fis-je en composant le numéro des urgences. Tu as été empoisonnée. Tu as besoin de soins.

L’opératrice prit mes coordonnées et je lui précisai qu’il fallait s’équiper de sérums antivenimeux. Elle me demanda d’attendre. Comme si j’avais le temps ! La saloperie qui avait attaqué Murphy rôdait encore dans les parages. Il fallait que je sorte Karrin d’ici et que je récupère le talisman pour pouvoir lutter contre Victor Sells dans son repaire du lac.

Murphy s’agita encore et je sentis quelque chose de froid se refermer sur mon poignet. Je n’en croyais pas mes yeux. À moitié dans le coaltar, elle réussit à boucler l’autre extrémité des menottes autour du sien.

— Tu es en état d’arrestation, souffla-t-elle. Empaffé ! En attendant de passer aux aveux, tu n’iras nulle part.

— Murph ? Mon Dieu, tu ne te rends pas compte de ce que tu fais !

— Oh que si ! répondit mon amie en esquissant son rictus de circonstance. Tu aurais dû venir me voir ce matin… Je te tiens maintenant, Dresden. Pauvre crétin !

J’eus l’impression que le plancher se dérobait sous mes pieds.

— Espèce de connasse têtue des enfers ! Il faut que je te sorte d’ici avant qu’il revienne !

À ce moment, le scorpion surgit de l’ombre, sous mon bureau. Aucune chance de l’écraser sous ma chaussure, car il avait la taille d’un gros terrier, à présent. La carapace ocre luisante, il était d’une rapidité effroyable.

Je me jetai sur le côté en voyant sa queue se détendre. Le dard s’enfonça à quelques centimètres de mes yeux. Un liquide frais éclaboussa ma joue et la peau brûla aussitôt. Du venin !

Mon réflexe de survie avait fait rouler mes bâtons, et je tentai de me tortiller pour les attraper. Les menottes de Murphy m’en empêchant, nous grimaçâmes tous deux à cause de la morsure des bracelets. Je sentis le poli de ma crosse sous le bout de mes doigts, mais il y eut un nouveau bruit de course. La créature allait m’attaquer dans le dos. Le bâton glissa hors de portée.

Je n’avais pas le temps de lancer un sort. J’arrachai un tiroir de mon bureau et parvins de justesse à me retourner pour le placer entre l’aiguillon et moi. Il y eut un souffle d’air suivi d’un bruit mat. Larme s’était fichée dans le bouclier improvisé. Une pince s’attaqua à mon pantalon, arrachant un morceau de viande par la même occasion, je hurlai.

Je lançai au loin le tiroir et le scorpion qui y était toujours accroché. Ils s’écrasèrent à quelques mètres de moi.

Karrin délirait, totalement inconsciente de la situation. Sûrement l’effet du poison.

— Ce n’est pas la peine, Dresden. Je te tiens maintenant. Inutile de te débattre. Mets-toi à table !

— On ta déjà dit que tu compliquais un peu les choses de temps en temps, Murphy ?

Je me rapprochai pour passer ma main enchaînée sous son dos en rabattant son autre bras. J’allais essayer de la transporter, mon bras droit sous son bras gauche, unis par la paire de menottes.

— Mon ex-mari, gémit-elle.

Je clopinai en direction de la porte. Une douleur lancinante montait de ma jambe blessée et du sang coulait.

— Que se passe-t-il ? (La peur et la confusion déformaient la voix de Murphy.) Harry, je ne vois plus rien.

Et merde ! Le poison la tuait. En général le venin du scorpion brun d’Amérique du Nord est aussi dangereux que celui d’une abeille, mais les abeilles lambda ne font pas la taille d’un chien. En plus, Murphy n’était pas très épaisse. Si le dard lui avait inoculé beaucoup de toxine, elle avait peu de chances de s’en tirer. Elle avait besoin de soins. Maintenant.

Avec les mains libres, j’aurais récupéré mes bâtons et livré bataille. Attaché à Karrin, je préférai ne pas tenter le coup. Même si j’arrivais à me protéger, la bestiole pouvait piquer Murphy de nouveau et la tuer net. Je n’étais pas dans la meilleure position pour trouver ses clés, et je n’avais pas le temps de les essayer une par une. De même, les seuls sorts assez puissants pour briser les menottes rapidement avaient toutes les chances de me tuer avec les éclats, et je n’avais pas le temps de lancer un sort d’évasion plus délicat.

Bon sang, papa, si seulement tu avais vécu assez longtemps pour m’apprendre à me sortir d’une paire de menottes !

— Harry, répéta Karrin, je n’y vois rien…

Sans répondre, je la poussai vers la porte. Un concert de craquements résonna dans mon dos. En me retournant, je m’aperçus que le scorpion, le dard toujours coincé dans le bois du tiroir, commençait à le mettre en pièces avec ses pinces et ses pattes. Je repris ma progression vers le couloir et parvins à fermer ma porte d’un coup de pied. Les jambes de Murphy ne la soutenaient pas beaucoup, et notre différence de taille n’arrangeait rien. Je devais lutter pour la tenir debout et la faire avancer.

Nous étions arrivés au bout du couloir. À ma gauche l’ascenseur, à ma droite, l’escalier.

Je m’arrêtai un instant pour souffler un peu. J’essayai d’oublier le bruit de bois brisé provenant de mon bureau, Karrin s’était effondrée contre moi et je ne savais même pas si elle respirait encore. Je n’aurais jamais la force de la porter dans les escaliers. Aucun de nous deux n’était plus capable d’un tel effort. L’ambulance n’allait pas tarder et, si je n’étais pas en bas pour lui confier Murphy, je pouvais aussi bien la laisser agoniser ici.

Je déteste l’ascenseur. Pourtant, je l’appelai. L’affichage commença son décompte, en route pour le cinquième étage.