Deux personnes jouaient de la musique, reliées à une guitare et à un ensemble de toms, et elles n’étaient vraiment pas mauvaises.
Jeanine n’aimait pas trop traîner là nue. Elle était partie dans l’espace avec ses parents après que Dan avait quitté la montagne, mais à bord d’une arche stellaire. Qu’elle avait abandonnée au bout d’un an ou deux pour revenir en temps mort sur terre à bord d’une capsule de survie. Elle finirait – ou pas – par s’habituer à la vie dans l’espace.
« Eh bien, a fait Dan.
— Ouaip », ai-je répondu, singeant son laconisme.
Il a souri.
« Le moment est venu. »
Des larmes salines sphériques se sont formées au coin des yeux de Jeanine. Je les ai essuyées, les expédiant dériver dans la bulle. Je m’étais vraiment pris d’affection pour elle, d’une affection fraternelle, depuis que je l’avais vue déambuler regard ébahi dans le Royaume Enchanté. Il ne s’agissait pas d’amour – pas pour moi, merci bien ! – mais de camaraderie et de sentiment de responsabilité.
« À dans 10 puissance 100 ans », a dit Dan avant de se diriger vers le sas. Je l’aurais suivi si Jeanine ne m’avait pas pris la main.
« Il déteste les adieux qui s’éternisent, a-t-elle dit.
— Je sais », ai-je répondu avant de regarder Dan partir.
L’univers vieillit. Moi aussi. Ma sauvegarde aussi, en attente dans un espace de stockage distribué et redondant sur Terre, prête pour le jour où l’espace, l’âge ou la stupidité me tueront. Elle s’éloigne avec le temps, et je rédige ma vie à la main, lettre destinée à la personne que je serai quand on me restaurera dans un clone, quelque part, tôt ou tard. Il est important d’informer qui je serai alors des événements de cette année, et il va me falloir de nombreuses tentatives pour réussir à la raconter correctement.
En attendant, je travaille sur une autre symphonie, qui contient une bribe de « Grim Grinning Ghosts » ainsi qu’un hommage à « It’s A Small World After All » et surtout à « There’s A Great Big Beautiful Tomorrow »{Respectivement : « Le monde est petit, après tout » et : « Un avenir magnifique et radieux nous attend. »}.
Elle plaît beaucoup à Jeanine, mais qu’est-ce qu’elle y connaît ? Elle n’a même pas cinquante ans.
Nous avons tous deux encore longtemps à vivre avant de savoir quelque chose.