Sur des meubles bas, divers objets sont alignés dans un ordre parfait. Des statuettes en bois ou en ivoire.
— J’adore l’art premier. Et vous ?
Luc sourit avec morgue lorsqu’il répond :
— Désolé, je ne connais que les arts martiaux.
— Je vois, fait Armand d’un air atterré.
— Mais je suis sûr que vous allez m’initier !
En guise de réponse, le chirurgien l’invite à quitter la pièce.
— Voilà, vous avez fait le tour. En haut, il y a cinq chambres, dont trois sont inoccupées. Mais vous les visiterez plus tard. Parce que Maud doit dormir. Ma femme aussi, d’ailleurs.
— Un système d’alarme ?
— Évidemment.
— Je dois voir le garage.
Armand ne cache pas son impatience et entraîne le jeune homme d’un pas rapide jusque dans l’entrée. Ils ressortent dans le jardin et descendent vers le garage. Immense, lui aussi. À l’intérieur, trois voitures. Le Porsche Cayenne, l’Audi A6 de madame et la Mini de Maud. Au fond, une porte qui mène à la maison.
— Amanda n’a pas de voiture ? demande Luc.
— Non. Elle se déplace en bus.
— La porte, là, elle donne où ?
— Dans le hall, à côté de la bibliothèque.
— Parfait…
Luc s’approche de la porte basculante et inspecte la serrure qui a été forcée deux nuits auparavant.
— Il n’y a pas de système d’alarme pour le garage ? s’étonne-t-il.
— Si, au niveau de la porte qui permet d’accéder au hall d’entrée. Mais je ne déclenche l’alarme que lorsque nous sommes absents, révèle Armand. Bon, je dois vous laisser, on m’attend à la clinique.
Ils ressortent dans le jardin où le soleil leur inflige ses premières morsures.
— Que les choses soient bien claires, monsieur Garnier… Vous n’entrez dans la maison qu’en cas de nécessité.
Luc le fixe avec insistance.
— Mais les choses sont très claires, monsieur Reynier. Ne vous inquiétez pas, je sais où est ma place.
— Je vous paye pour protéger ma fille contre ce fou, mais vous ne devez en aucun cas lui révéler l’existence de ce message.
— J’ai bien compris. Autre chose ?
Armand réfléchit quelques instants avant de continuer.
— Maud est fragile. Surtout en ce moment. Alors… Gardez vos distances avec elle.
Cette fois, Luc sourit.
— Moi qui pensais être le gendre idéal… ! Me voilà bien déçu.
Le visage d’Armand change brutalement. Luc a l’impression qu’il va se jeter sur lui.
— Je plaisantais, monsieur Reynier. Détendez-vous.
— Vous n’êtes pas là pour plaisanter, Luc. Mais pour faire en sorte qu’il n’arrive rien à ma fille. Me suis-je bien fait comprendre ?
Luc prend le temps d’allumer une cigarette avant de répondre.
— Message reçu. Cinq sur cinq.
— Et ne jetez pas vos mégots dans mon jardin, conclut le professeur en montant dans sa Porsche.
Luc est debout, près de la piscine. Il regarde fixement l’eau claire qui exhale une discrète odeur de Javel.
— Vous voulez vous baigner ?
Le jeune homme se retourne.
— Bonjour, madame Reynier.
— Je vous ai déjà dit de m’appeler Charlotte, le reprend-elle aussitôt avec un sourire appuyé.
— Je préfère vous appeler madame… Vous savez pourquoi je suis là ?
— Oui, mon mari m’a prévenue hier soir de votre arrivée. Vous êtes bien installé, au moins ?
— Tout est parfait, dit Luc en admirant les jambes de la maîtresse de maison.
Un short beige et un débardeur à fines bretelles, couleur jaune paille, font ressortir son bronzage irréprochable. Elle est d’une beauté stupéfiante et vénéneuse. On la croirait sortie tout droit d’un film américain des années cinquante. Cheveux mi-longs, méchés de blond. Visage à l’ovale idéal où scintillent ses yeux d’un gris métallique.
— Comment va votre fille ?
— Je suis allée la voir tout à l’heure. Son état n’a guère évolué…
— Il faut lui laisser un peu de temps, vous ne croyez pas ?
— Sans doute… Alors, vous voulez vous baigner, Luc ?
— Je ne suis pas là pour ça, madame.
Charlotte soupire, légèrement agacée.
— Mais merci de me le proposer, ajoute le jeune homme avec un sourire enjôleur.
— Vous savez, mon mari rentre tard. Très tard, même. Il ne vous verra pas dans la piscine, si c’est ce que vous craignez.
— Je ne crains pas votre mari, madame.
À ces mots, le regard de Charlotte change de nuance.
On la dirait subjuguée.
— Mais je suis payé pour faire un travail et non pour prendre du bon temps.
Elle passe à côté de lui, il sent sa main frôler son pantalon.
— Dommage, susurre-t-elle.
Elle enlève ses tongs et s’allonge sur un lit de repos. Même ses pieds sont parfaits, Luc ne manque pas de le remarquer.
— Et si vous alliez me chercher à boire ? dit-elle en fermant les yeux.
— Je ne suis pas payé pour ça non plus, madame.
— Parce que dans la vie, vous ne faites jamais rien gratuitement ? s’amuse Charlotte.
Luc s’approche du bain de soleil et se penche au-dessus de l’épouse du chirurgien.
— Si, mais jamais quand je suis en service.
— Et vous finissez à quelle heure ?
— C’est une information confidentielle, madame.
8
Il a fait le tour du jardin, une nouvelle fois, histoire d’apprivoiser les lieux et de déterminer par où l’auteur du message est passé. En fait, il a pu entrer par beaucoup d’endroits. Franchir un mur de deux mètres n’est pas compliqué, surtout quand on est grand.
Comme l’agresseur de Maud.
Puis Luc installe ses quelques affaires dans le studio, très fonctionnel, mais où il manque la climatisation. Une pièce d’une vingtaine de mètres carrés, avec un coin cuisine et un coin salon équipé d’une banquette. Il y a également une minuscule chambre où le lit prend quasiment toute la place, ainsi qu’une salle de bains.
Il place ses costumes dans l’unique placard, range ses chemises avec soin et planque son arme dans un petit meuble doté d’un tiroir fermant à clef.
À midi, Luc remonte vers la villa en se demandant si Charlotte est toujours en train de bronzer sur son transat… Il esquisse un sourire gourmand en pensant à elle ; il a toujours trouvé que les femmes d’une quarantaine d’années avaient un charme particulier.
Lorsqu’il arrive devant la maison, il a la surprise d’apercevoir Maud sur le perron. Assise sur les marches, elle fume une cigarette. Il en est sûr, elle l’attendait.
Lorsqu’il s’approche, elle se lève.
— Bonjour, Luc…
— Bonjour. Qu’est-ce que tu fais debout ?
— J’avais envie de prendre l’air.
Il remarque qu’elle a passé du fond de teint sur certains de ses hématomes. Des lunettes teintées cachent son œil abîmé.
— Ton père t’a dit ? demande Luc.
— Oui… Ta présence est censée me rassurer…
— Ce n’est pas le cas ?
— Si… Mais ça me gêne un peu, à vrai dire.