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— Vraiment ? Je sais me faire discret, je t’assure. Et puis je m’en irai dès que les flics auront chopé ton agresseur.

Il lui confie un petit papier avec son numéro de portable.

— Mon téléphone restera allumé vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Et je ne serai jamais loin.

Elle prend le morceau de papier, le met dans sa poche.

— Merci, Luc. J’espère que ce n’est pas un calvaire pour toi d’avoir accepté ce boulot…

— Un calvaire  ? Qu’est-ce que tu vas chercher ! Ton père me paye, et plutôt bien. Je suis logé dans un endroit sympa et je suis chargé d’assurer la sécurité d’une fille adorable. Que demander de plus ?

Elle sourit bêtement et baisse la tête, embarrassée.

— J’ai croisé ta mère tout à l’heure…

— Charlotte n’est pas ma mère.

Luc fronce les sourcils.

— C’est ma belle-mère.

— Pardon, je l’ignorais.

— Elle a épousé mon père quand j’avais douze ans. Et elle se prend pour ma mère, du coup !

— Je vois. Et ta vraie mère, elle est où ?

— Loin, répond Maud. Très loin…

Luc sent qu’il vient de rouvrir une plaie. Qui était là, juste à fleur de peau.

— J’espère que Charlotte ne t’a pas emmerdé.

— Pas le moins du monde, prétend Luc. Pourquoi dis-tu ça ?

Maud hausse les épaules et écrase sa clope.

— Dès qu’elle voit un mec, elle a tendance à…

— Tendance à quoi ?

— Ben à le draguer !

Luc sourit.

— Elle a des amants ? demande-t-il à voix basse.

— Je ne crois pas, non ! chuchote Maud. C’est juste pour se faire remarquer… Mon père est plutôt du genre jaloux. À mon avis, elle se tient à carreau.

— Si elle fait ça, c’est peut-être parce qu’elle n’est pas très heureuse, souligne le jeune homme.

— Je sais pas… Peut-être. Et à vrai dire, je m’en fous un peu.

— Tu ne l’aimes pas ? s’étonne Luc.

Elle hausse à nouveau les épaules et s’abstient de répondre. Luc ôte ses lunettes de soleil et, pour la première fois, Maud découvre la couleur de ses yeux en plein jour. Verts, pailletés d’or.

— Tu veux déjeuner ? Amanda a préparé des cannellonis. C’était mon plat préféré…

— C’était  ?

Maud détourne la tête un instant.

— Je n’ai plus trop d’appétit…

— C’est normal. Mais avec le temps, tu iras mieux.

— En tout cas, Amanda les réussit très bien, tu verras. Viens, suis-moi, ajoute la jeune femme en ouvrant la porte.

Luc reste sur le perron.

— Ton père a été clair : je ne dois pas partager vos repas.

— Hein ?

— Tu as très bien entendu. Je déjeunerai dans mon studio.

— Mais…

— Ne t’en fais pas, ça ne me dérange pas.

Il rebrousse chemin et Maud le regarde s’éloigner.

— Luc ?

— Oui ? répond-il en se retournant.

— Je… Je suis heureuse que tu sois là. Près de moi. Je crois que c’est le plus beau cadeau que mon père m’ait fait.

— Merci, dit simplement le jeune homme.

— Tu sais, il n’est pas aussi mauvais qu’il en a l’air… Il faut juste le connaître.

Luc hoche la tête.

— Tout se passera bien, fais-moi confiance, conclut-il.

* * *

— Je vous présente M. Garnier. C’est notre garde du corps.

Charlotte vient de dire ça avec une sorte de fierté ridicule. Luc tend la main au jardinier, qui le dévisage d’un air incrédule.

— Garde du corps ? répète bêtement M. Ferraud.

— Oui, Sébastien. Je sais que ça a de quoi surprendre, mais Maud s’est fait agresser il y a quelques jours. Et Luc est là pour la protéger tant que ce malade mental ne se sera pas fait arrêter par la police. Vous comprenez ?

— Mon Dieu… Elle va bien ?

— Pas trop, non, répond Charlotte. Mais elle est en vie, c’est l’essentiel.

Le jardinier est un homme qui doit avoir entre trente-cinq et quarante ans. Petit trapu aux mains rugueuses et à la poigne virile. Sa chemise ouverte laisse apparaître un torse abondamment velu sur lequel repose une épaisse chaîne en argent, ornée d’un étrange et ostentatoire pendentif en métal.

— Si vous voyez quelqu’un rôder autour de la maison, prévenez-moi, ajoute Luc.

— Oui, bien sûr… Je le ferai, oui.

Charlotte s’éloigne et Luc entraîne le jardinier un peu plus loin.

— Nous craignons que cet homme soit obsédé par Maud, dit-il.

— Obsédé ?

— Oui… Il pourrait revenir pour finir le travail.

— Finir le travail ?

Luc soupire. Il a l’impression de causer à un volatile qui aurait troqué ses plumes contre des poils.

— Il voulait la tuer et n’en a pas eu le temps, précise-t-il.

— Mon Dieu… quelle histoire !

Luc se demande si Ferraud est aussi stupide qu’il en a l’air.

— Vous travaillez ici depuis longtemps ?

— Je suis arrivé à la fin de l’automne, répond Sébastien.

— OK, je vous laisse bosser… Et n’oubliez pas : si vous voyez quoi que ce soit d’anormal, appelez-moi.

— Bien sûr, mais… vous habitez ici ?

— Là, répond Luc en désignant son studio.

— D’accord.

Le jeune homme s’éloigne, laissant le jardinier à ses mauvaises herbes. Il retourne dans son appartement et, cinq minutes plus tard, quelqu’un frappe à sa porte. C’est Amanda et ses fameux cannellonis. Mieux qu’un room service.

— Fallait pas vous déranger, dit Luc en guise de merci.

— Je suis là pour ça. Je vous apporte votre déjeuner un peu tard, mais…

— Aucun souci.

Luc pose son plateau sur la petite table basse.

— Vous restez un moment avec moi ? propose-t-il.

Elle accepte, apparemment avec plaisir. Luc se dit qu’il est un peu l’attraction du jour. Il prend une chaise, lui laissant le canapé.

Sur le plateau, elle a posé un pichet de vin, une petite bouteille d’eau et un dessert.

— Je ne savais pas si vous vouliez du rouge ou du rosé, s’excuse-t-elle.

— Ni l’un ni l’autre. Je ne bois pas lorsque je suis en service.

— Ah oui, je comprends. Un peu comme les flics, finalement.

— Si vous le dites ! rétorque Luc.

Il prend deux verres dans le placard.

— Mais vous, vous avez le droit !

Il lui sert un verre de rosé, elle le remercie d’un sourire.

— Ce n’est pas trop dur de bosser ici ?

— Ça va, jure la gouvernante.

— Vous pouvez parler, vous savez, je serai muet comme une tombe ! ajoute Luc avec un clin d’œil.

Elle se met à rire, commence à se détendre.

— C’est vrai que les patrons ne sont pas faciles tous les jours, mais bon… j’ai connu pire !

— Ça ne fait pas longtemps que vous travaillez pour les Reynier, n’est-ce pas ?

— Non, à peine six mois.

— Et vous faisiez quoi, avant ?

— La même chose, mais chez une autre personne.

— C’est délicieux, félicitations ! Mais je vais avoir du mal à garder la ligne si vous me faites ça tous les jours !

Elle rit à nouveau, se ressert du vin.

— J’ai préparé ce plat pour faire plaisir à Maud. Il faut qu’elle mange, cette pauvre petite ! Mais elle a à peine touché à son assiette…