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… Maud parvient soudain à entrouvrir la bouche. Avec une violence inouïe, elle mord la chair ennemie.

Le sang coule jusque dans sa gorge.

Alors, elle hurle de toutes ses forces…

Charlotte continue à gémir sous les assauts de son mari.

Elle ferme les yeux. Enfin, ce n’est plus le visage d’Armand qu’elle imagine au-dessus du sien.

C’est celui de Luc.

… Maud ouvre les yeux.

Son corps est couvert de transpiration. Son souffle est court, haletant. Son cœur bat n’importe comment, ses mains serrent les draps humides.

D’un geste tremblant, elle allume la lumière.

Personne. La chambre est déserte. Pourtant, elle aurait juré…

Elle a l’impression que le lit est un fragile esquif au milieu d’une mer démontée.

Putains de somnifères !

Elle retombe sur le dos, garde les yeux rivés au plafond, la lumière allumée. Maud voudrait se rendormir mais lutte pour ne pas replonger tête la première dans cet atroce cauchemar.

Pendant quelques secondes, elle songe à appeler Luc. Puis elle se résigne ; la honte serait trop forte.

Chaque nuit, il est là.

Chaque nuit, il revient.

Pour l’achever.

Maud voudrait se rendormir. Mais les bruits écœurants qui proviennent de la chambre d’à côté l’en empêchent. Malgré elle, son cerveau plaque des images ignobles sur la bande-son.

Son père en train de baiser Charlotte.

Maud a envie de vomir. Alors, elle attrape son portable, sélectionne un album à la va-vite et se colle les écouteurs dans les oreilles.

Depuis longtemps, elle vendrait son âme au diable pour ne plus les entendre.

Cette nuit, la chaleur est étouffante.

Pas un brin d’air.

Allongé au milieu de son lit, Luc écoute l’appel monotone d’une chouette esseulée.

Son pistolet, chargé, est posé sur la table de chevet.

Marianne est allongée près de lui, en chien de fusil. Elle le regarde, silencieuse et préoccupée.

Trois nuits d’affilée que Luc ne dort pas. Alors, il avale un calmant. Histoire de rêver deux ou trois heures.

Rêver.

À un autre passé.

Un autre avenir.

Une autre vie.

Un autre lui.

La chouette crie toujours. À intervalles réguliers.

L’homme escalade le mur d’enceinte de la propriété…

11

L’impression qu’on tape sur son crâne avec une masse.

Luc se réveille brusquement et réalise qu’on tambourine à la porte de son studio. Il bondit hors du lit, enfile un jean à la va-vite et se précipite vers la porte d’entrée.

Armand Reynier est sur le seuil. Vu sa mine renfrognée, il n’a pas dû se lever du bon pied. Luc n’a pas le temps d’ouvrir la bouche, le professeur le bouscule et entre dans la pièce comme s’il donnait l’assaut.

— Bonjour, monsieur, marmonne Luc en se frottant les yeux.

— Je vous réveille ? balance Reynier d’un ton perfide.

Le jeune homme consulte sa montre. Six heures et demie. Cela faisait bien longtemps qu’il n’avait pas aussi bien dormi.

— Qu’est-ce qui se passe ? demande-t-il d’une voix enrouée.

Armand vient se coller à quelques centimètres de lui.

— Il se passe qu’on a eu de la visite cette nuit, monsieur le garde du corps…

— Hein ?

— Il est revenu.

Luc reste bouche bée. Armand pose brutalement ce qu’il tient dans la main sur la table basse.

— J’ai trouvé ça punaisé sur la porte du garage. Lisez, ordonne-t-il.

Luc récupère la feuille, la déplie lentement, comme si elle pouvait lui exploser entre les mains. Un message, comparable au précédent, confectionné grâce à des lettres découpées dans un journal.

— C’était un 19 septembre, rappelle-toi…

Le jeune homme relève la tête vers son employeur.

— Ça évoque quoi, pour vous, le 19 septembre ?

— C’est l’anniversaire de Maud, répond le chirurgien.

Luc baisse à nouveau les yeux vers le message. Concis, mais explicite.

— Maud est née le 19 septembre 1994, ajoute Reynier.

— Rien d’autre ne s’est passé un 19 septembre ? insiste Luc.

— Non, rien d’autre. Ça me semble clair : ce fou est obsédé par ma fille. Et il rentre chez moi quand bon lui semble.

Le professeur fait quelques pas dans le studio avant de revenir à la charge.

— Je me demande bien pourquoi je vous paye ! crache-t-il à la figure de Luc.

— Doucement, monsieur Reynier… D’abord, vous ne m’avez pas encore payé. Et puis je ne suis pas un chien de garde. Je ne peux pas passer toutes mes nuits couché devant le portail à aboyer quand quelqu’un entre.

— Je n’ai plus de chien, rappelle Armand. Parce que ce taré l’a massacré… Vous vous souvenez ?

Luc s’assoit sur une chaise et passe une main dans ses cheveux ébouriffés.

— Bien sûr que je m’en souviens puisque j’étais là… C’est moi qui ai empêché ce salopard de violer Maud et sans doute de la tuer… Vous vous souvenez ?

Le bec cloué, Reynier s’assoit à son tour et les deux hommes gardent le silence un moment.

— Il a foutu ça sur la porte du garage parce qu’il ne peut pas pénétrer dans la maison, dit soudain Luc. Il veut nous mettre la pression, nous faire peur. Il faudrait vraiment appeler la police pour qu’ils fassent des rondes la nuit… Peut-être même qu’ils accepteront de laisser une voiture en planque près de votre maison.

— Si je vous ai embauché, c’est pour ne pas avoir les flics dans les pattes, rappelle le chirurgien.

Luc se relève et récupère deux tasses dans le placard.

— Un café ?

— Je veux bien…

— Vous vous levez toujours aussi tôt ?

— Oui. À part le dimanche…

Luc insère une dosette de café dans la machine et réprime un bâillement.

— Serré ou long ?

— Serré.

Il appuie sur le bouton, observe d’un œil fatigué le café qui coule dans les tasses transparentes.

— Du sucre ?

— Non.

Le jeune homme se rassoit face à son patron et plonge un sucre dans son café. Tout en tournant la cuillère, il réfléchit.

— Pourquoi avez-vous peur des flics ? demande-t-il soudain.

Le chirurgien le dévisage avec une fureur contenue.

— Je n’ai pas peur des flics, corrige-t-il. Et je crois vous avoir déjà expliqué la situation, non ?

— Les poulets ne sont pas des contrôleurs fiscaux, monsieur Reynier. Ils n’iront pas fouiller les comptes de la clinique.

Comme Armand ne répond pas, Luc enfonce le clou.

— Je sens que vous me cachez des choses.

— Vous savez ce qu’il y a à savoir, tranche le professeur. Je vous demande simplement d’assurer notre sécurité.

— Ça ne marche pas comme ça, monsieur. Rien, à ce jour, ne prouve que l’auteur de ces messages est bien celui qui a agressé Maud.

— Mais…

— Écoutez-moi, ordonne Luc.

Il reprend le message déposé la nuit même, le relit à haute voix.

— C’était un 19 septembre, rappelle-toi… On ne rappelle pas à quelqu’un sa propre date de naissance, ça n’a pas de sens ! souligne le jeune homme.

— C’est un fou, voilà tout.

D’un mouvement de tête, Luc rejette la théorie avancée par Reynier.