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Ils m’ont cherchée partout. Il paraît que je m’étais cachée au fond du jardin, dans une sorte de cabane que papa m’avait construite. Il m’a récupérée et ramenée à la maison. C’est après qu’il a retrouvé maman. Dans la nuit, elle était tombée dans la piscine. Comme l’eau était froide et qu’elle ne savait pas bien nager, elle s’est noyée… Par ma faute. »

Maud s’arrête de parler, durement éprouvée par sa terrible confession.

— C’est comme si je l’avais tuée, murmure-t-elle.

— Non ! répond Luc. Tu ne dois pas penser ça. C’est absurde.

— Pourquoi, absurde  ? Je ne l’ai pas voulu, mais en allant me cacher dans le jardin, en pleine nuit, j’ai provoqué sa mort.

— Ton père te l’a reproché ?

— Jamais, non. Il m’a raconté tout cela quand j’avais une dizaine d’années. Quand j’ai voulu savoir… Au début, il m’a juste dit qu’elle s’était noyée et qu’il n’avait pas réussi à la réanimer. Mais j’ai insisté. Je lui ai demandé des détails. Alors, il m’a raconté.

— Il n’aurait pas dû. C’est criminel de dire ça à une enfant !

— Le psy a dit que c’était mieux qu’un mensonge ou qu’un non-dit. Parce que quelque part au fond de moi, je le savais. Je l’ai toujours su… Le souvenir de cette nuit est là, quelque part en moi. Enfoui dans ma mémoire. Depuis que je sais, j’ai souvent rêvé que je me noyais. Et je ne me suis plus jamais baignée dans cette maudite piscine… Ni dans celle-là ni dans une autre, d’ailleurs. Mon père a voulu rester dans cette maison, malgré le drame. Il dit que c’est parce que maman avait choisi elle-même cet endroit. Parce qu’elle rêvait que j’y grandisse. Il dit que rester là, c’est une façon de réaliser ses volontés. D’honorer sa mémoire…

Luc allume une nouvelle cigarette, en propose une à Maud. Lorsqu’elle l’allume, ses doigts tremblent un peu.

— Merci de m’avoir écoutée, dit-elle.

Luc prend sa main et y dépose un baiser.

— Merci à toi de m’accorder tant de confiance, répond-il d’une voix troublée. Il te reste de la famille, du côté de ta mère ?

— Ma grand-mère, Aurélia.

— Tu t’entends bien avec elle ?

— Je ne l’ai plus jamais revue.

— Pourquoi ?

— Papa m’a dit qu’elle avait pété les plombs après le décès de sa fille… Qu’elle était devenue hystérique. Qu’elle disait que j’étais une enfant maudite, qu’elle m’accusait d’avoir provoqué l’accident et qu’elle ne voulait plus me voir. Plus jamais…

— Une enfant maudite  ? Elle était vraiment devenue cinglée !

— Sans doute.

— Tu sais où elle vit ?

— D’après papa, elle est dans un hôpital psychiatrique. Elle y a été internée moins d’un an après la mort de maman.

Elle se lève et le regarde fixement.

— On y va ?

— Tu veux rentrer ? suppose-t-il en se mettant debout à son tour.

— Non. Je veux retourner là-bas.

Elle attrape la main de Luc et ils marchent en direction du pont. Ils arrivent bien vite au petit sentier qui monte vers le parking, ce fameux raccourci qu’elle empruntait à chacune de ses balades. Dès qu’ils commencent à gravir le chemin, Luc sent qu’elle serre sa main plus fort. Bientôt, ils voient se dessiner la bâtisse en ruine devant eux.

En pleine journée, l’endroit est moins inquiétant. Pourtant, Maud a du mal à respirer.

Pourquoi ce pèlerinage ? Luc ne comprend pas vraiment, se contente de suivre sa protégée.

Près de la maison délabrée, Maud lâche sa main et s’accroupit. Son doigt effleure une pierre. Une tache rouge se dessine en son milieu.

— C’est le sang de Charly, murmure-t-elle.

Elle se met à pleurer et Luc pose une main sur son épaule. Elle se redresse et, soudain, son corps se raidit d’effroi. Elle est tournée vers la maison, ses yeux hurlent de terreur.

Luc se retourne précipitamment et aperçoit alors la silhouette à contre-jour.

— C’est lui, murmure Maud.

12

Un homme, de grande taille, se tient debout près de la maison. Gêné par le soleil, Luc fronce les sourcils. Il ne distingue aucun détail, seulement sa silhouette massive.

— Ça m’étonnerait que ce soit lui, dit-il à voix basse.

— Si ! J’en suis sûre ! fait Maud d’une voix déformée par la peur.

— Calme-toi, je suis là. Reste derrière moi.

Luc continue de fixer l’homme, immobile telle une statue de pierre, à une trentaine de mètres d’eux. Lui aussi regarde dans leur direction.

Alors, Luc prend la clef de la voiture dans la poche de son pantalon et la passe discrètement à Maud. Puis il murmure :

— Je vais aller voir…

— Non !

— Toi, tu restes là. Et si jamais ça tourne mal, tu cours jusqu’à la voiture et tu files, ajoute-t-il d’une voix posée. Compris ?

— Non, n’y va pas ! supplie Maud. Partons !

— Fais ce que je te dis.

Il l’oblige à lâcher sa main et elle reste pétrifiée au milieu du sentier, tandis qu’il s’approche de la silhouette.

— Salut, mon petit cœur ! Tu as amené ton garde du corps, aujourd’hui ?

Maud cesse de respirer. Son instinct ne l’avait pas trompée.

Luc pose la main sur la crosse de son pistolet.

— Je suis armé.

— Vraiment ? Et tu vas tirer sur moi ? raille l’homme. T’as envie de finir en prison ?… Tu te prends pour un flic, mon garçon ?

Maud tremble de la tête aux pieds.

— Reviens, Luc ! On s’en va ! s’écrie-t-elle.

L’homme se met à rire.

— Reviens, Luc ! On s’en va ! imite-t-il d’une voix moqueuse. Mais non, reste là, voyons ! On n’a pas terminé, la dernière fois…

— Tu ne vas rien terminer du tout, prévient Luc. C’est moi qui vais t’achever.

— Ouh ! Me voilà mort de peur ! Eh bien qu’est-ce que tu attends ? Approche ! Moi, je n’ai plus rien à perdre… Et toi ?

Luc dégaine son pistolet et le braque vers l’agresseur.

— T’as raison, dit-il. Je n’ai pas le droit de te buter. Mais si je te tire dans les jambes, je ne risque pas grand-chose…

Il arme son Glock, le bruit fait sursauter Maud.

— Et je ne vais pas m’en priver.

En même temps que Luc appuie sur la détente, l’homme se jette sur le côté, derrière le mur de la bâtisse.

— Va-t’en ! hurle Luc à l’intention de Maud.

Aussitôt, elle se met à dévaler le sentier en courant. Pourtant, après quelques mètres, elle s’arrête net et se retourne. Elle voit Luc qui monte vers la bâtisse, l’arme pointée devant lui. Elle se réfugie derrière un arbre, incapable d’abandonner le jeune homme. Comme si, en partant, elle le condamnait à mort. Elle serre la clef de la voiture dans sa main, sent les larmes inonder ses joues.

— Luc ! gémit-elle.

Il tourne la tête et, d’un geste de la main, lui enjoint encore de s’éloigner. L’homme en profite pour surgir de derrière la maison et se jeter sur lui. Le pistolet est projeté à plusieurs mètres. Les deux hommes sont à terre, Maud réprime un hurlement. L’inconnu, en position de force, assène plusieurs coups de poing à Luc, qui tente de se dégager. Il parvient enfin à repousser son agresseur et se relève prestement. Les deux hommes se retrouvent face à face. Le géant sort un poignard de sa poche.