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Le sourire d’Armand disparaît. Celui de Luc s’affirme.

— Je comprends… C’est bien payé, garde du corps ?

— Ça dépend de la mission, du client et des références de l’APR. Mais ça va.

Reynier lève la main et Amanda accourt aussitôt.

— Resservez-lui un café, ordonne-t-il.

Elle s’exécute, avec le sourire.

— J’aurais très bien pu le faire, dit Luc. Mais merci, mademoiselle.

— Je vous en prie.

Elle repart dans le fond de la pièce, de son pas rapide et discret. Luc la suit avec un regard appuyé. C’est alors que Charlotte revient dans le salon et s’assoit près de son mari.

— Ce jeune homme est garde du corps, annonce le professeur.

— Garde du corps ? répète sa femme. Ça alors… Incroyable !

Habitué à ce genre de réaction à l’évocation de son métier, Luc se contente d’un sourire.

— Et qui protégez-vous en ce moment ? demande-t-elle, un brin émoustillée. À part ma fille, je veux dire ! ajoute-t-elle.

— Une collection de bijoux anciens.

— Vraiment ?

Luc sent son regard qui le détaille soudain avec plus d’intérêt, moins de condescendance.

— Je t’expliquerai, coupe son mari. Maud est d’accord pour qu’il aille la voir quelques instants ?

— Oui, elle vous attend, confirme Charlotte.

— J’y vais, dit Luc en se levant.

— C’est au premier étage, la chambre au bout du couloir. Je vous accompagne ?

— Ce ne sera pas nécessaire, madame, assure Luc.

— Arrêtez de m’appeler madame, j’ai l’impression d’avoir cent ans ! Appelez-moi Charlotte, voulez-vous ?

— Je trouverai le chemin tout seul, Charlotte.

Armand se lève à son tour.

— Je viens avec vous, décrète-t-il. C’est préférable.

Le ton ne souffre aucune repartie, Luc lui emboîte le pas. Ils montent à l’étage, Armand frappe trois coups discrets à la porte et une petite voix les invite à entrer. La pièce est plongée dans la pénombre, les volets étant entrebâillés. Maud est dans son lit, le drap remonté jusqu’au menton.

La chambre est immense, haute de plafond, et Luc sent ses pieds s’enfoncer dans une épaisse moquette. Un dressing, un bureau, une bibliothèque et, plus étonnant, un imposant bouddha en bois au pied du lit.

— Ma chérie ? M. Garnier est là…

— Bonjour, Maud.

— Bonjour…

Elle a une voix faible, tout juste audible.

— Prenez le fauteuil, là, dit-elle.

Luc obéit et s’installe tout près du lit. Ses yeux s’habituant à la semi-obscurité, il commence à distinguer plus nettement le visage de la jeune femme. Lèvre supérieure enflée, œil au beurre noir, pansement sur le front, estafilade sur la joue. Son cou est noirci d’ecchymoses. Et encore, il ne peut pas voir le reste.

Armand est debout près de la porte, telle une vigie.

— Papa, tu peux nous laisser ?

— Mais…

— Papa, s’il te plaît.

Sans un mot, mais visiblement à contrecœur, le père consent à quitter la chambre.

— Comment vous sentez-vous ? demande Luc.

Il imagine le médecin dans le couloir, l’oreille collée à la porte.

— J’ai connu mieux, répond Maud avec un triste sourire.

— Je m’en doute. Vous auriez peut-être dû rester à l’hôpital, non ?

— Je n’en avais pas très envie. Et puis mon père préférait que je rentre. Il est toubib, il peut s’occuper de moi.

— Je sais, nous avons fait connaissance ! dit Luc à voix basse.

— Je vois… Il ne vous a pas trop emmerdé, au moins ?

— Non, pas de souci.

Soudain, son bras gauche émerge de dessous les draps et elle lui tend la main. Luc hésite et, finalement, la prend dans la sienne.

— Merci, murmure Maud. Merci, Luc…

Une larme coule sur sa joue, le jeune homme lui sourit même si sa gorge est nouée.

— Vous n’avez pas à me remercier, dit-il. J’étais juste là au bon moment, au bon endroit…

— Sans vous, il m’aurait tuée. J’en suis sûre. Il m’a dit qu’il me connaissait, qu’il savait tout sur moi !

Luc attrape la boîte de kleenex sur le chevet et lui en donne un. La jeune femme essuie ses larmes, Luc récupère sa main.

— Vous êtes en sécurité, maintenant.

— Il est toujours en liberté, rappelle Maud. Je suis sûre qu’il n’est pas loin… Qu’il va revenir !

— Mais non, voyons… Jamais plus il n’osera vous approcher.

— Qu’est-ce que vous en savez ?

— En tout cas, il ne vous agressera pas chez vous. Ce n’est pas de cette façon qu’il agit, visiblement…

— Vous vous y connaissez ?

— Pardon ?

— Vous connaissez ce genre de malades ?

— Non, mais c’est une simple question de logique.

— Je crois que je n’aurai plus le courage de sortir de la maison, dit-elle en se remettant à pleurer.

— Laissez-vous du temps, conseille Luc d’une voix douce. Et puis peut-être que les flics vont lui mettre la main dessus.

— Ça m’étonnerait !… Je n’ai même pas pu le décrire avec précision… Et vous ?

— Pas mieux.

Ils restent quelques instants sans parler mais ne se quittent pas des yeux. Maud aimerait se réfugier dans ses bras, comme après l’agression. Elle était choquée, mais se souvient pourtant avoir ressenti une drôle d’émotion lorsqu’il l’a portée jusqu’à sa voiture.

— Comment vais-je pouvoir te remercier ? murmure-t-elle soudain.

— Un sourire suffira, assure le jeune homme.

Alors, elle sourit. Légèrement. Puis elle décide de se redresser et Luc découvre alors un énorme hématome sur son épaule droite.

— Il t’a bien amochée, ce fumier…

— Les bleus, c’est rien. Le pire, c’est là, dit-elle en collant son index sur son front. C’est ce qui se passe dans ma tête. Tu te rends compte que je ne l’ai pas croisé par hasard ? Qu’il m’attendait, moi  ? Qu’il me surveillait depuis des jours ou des semaines ?

Elle pleure à nouveau, Luc reprend sa main dans la sienne.

— Le plus terrible, c’est de l’imaginer en train de me regarder, de m’épier… Il est peut-être dans le jardin !

— Je comprends ce que tu ressens. Mais je crois que ça passera avec le temps.

Elle tourne la tête vers la fenêtre. Luc la trouve encore plus jolie que la veille, malgré les traces immondes sur son visage. Il aime ses longs cheveux châtain foncé, qui se marient à la perfection avec ses yeux, aussi bleus que ceux de son père.

— J’ai fait des conneries dans ma jeunesse, dit-elle sans le regarder. Mais je crois que je ne méritais pas ça…

— Ta jeunesse  ? répète Luc avec un sourire. Tu es encore bien jeune !

— Enfin, pendant mon adolescence, je voulais dire.

— Personne ne mérite ça. Ni toi ni quelqu’un d’autre… C’était quoi, ces conneries  ?

Elle a toujours le visage tourné de l’autre côté. Ses lèvres se pincent, comme si elle regrettait d’avoir ouvert la bouche.

— Tu me raconteras une autre fois, propose Luc. On n’est pas obligés de tout se dire au premier rendez-vous !

Maud le regarde, ébahie. Mais face à son sourire de gamin, elle se détend.

— Tu habites à Nice ? demande-t-elle.

— Oui. Dans le quartier de Cimiez.

— Tu es étudiant ?

— Ah non, j’ai passé l’âge…

— Tu as quel âge ?