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— Mais si jamais il…

— Faites ce que je vous dis, ordonne Luc en haussant le ton. Je n’ai pas de temps à perdre !

Il attrape son sac à dos et, quelques minutes plus tard, il enfourche sa Ninja, enfile son casque et s’élance sur la route à une vitesse hallucinante.

* * *

Même si elle n’a pas pris rendez-vous, Maud espère qu’il sera là.

Et qu’il aura de quoi la satisfaire.

Elle vient de laisser sa voiture au bout de la rue et se dirige vers l’immeuble. Obnubilée par l’héroïne et le manque, elle ne songe même pas un seul instant qu’il est dangereux pour elle de marcher seule dans la rue. Son agresseur est loin, déjà. Le sale type qui fait chanter son père a déserté son esprit.

Seule compte la poudre blanche.

Seule compte la faim, insatiable.

Arrivée devant l’entrée, Maud s’immobilise. Elle sait qu’Axel sera furieux que Luc lui ait rendu visite, mais dès qu’elle sortira l’argent de son sac, il redeviendra doux comme un agneau. Aucun doute sur ce point. Car la seule chose qui intéresse Axel, c’est le fric.

Puis elle tente d’imaginer le mensonge qu’elle servira à Luc. Il ne doit pas savoir qu’elle est venue ici. Savoir à quel point elle est faible.

Surtout, ne pas le décevoir.

Elle sonne et patiente.

— Oui ?

— Bonjour, Axel… C’est Maud.

Un long silence.

Avant que la porte ne s’ouvre.

Maud s’engouffre dans l’ascenseur, cherchant toujours ce qu’elle va bien pouvoir inventer. Elle se dit qu’elle ira lui acheter un cadeau. Quelque chose de cher, quelque chose de beau. Elle lui racontera que c’est pour ça qu’elle s’est tirée en catimini. Pour lui faire une surprise.

Contente de sa trouvaille, elle frappe trois coups à la porte de l’appartement. Elle devine qu’Axel regarde par le judas avant d’ouvrir. Lorsqu’elle le voit, elle reste stupéfaite un instant.

On dirait qu’il a pris un train.

En pleine gueule.

Il a un énorme pansement sur le nez, deux coquards à la place des yeux et la jambe gauche coincée dans une attelle.

— Merde, murmure-t-elle. Qu’est-ce qui t’est arrivé ?

Le dealer la laisse entrer et referme derrière elle.

À double tour.

— J’ai fait une mauvaise rencontre, répond Axel.

— Putain…

Il la fixe droit dans les yeux. Et ce qu’elle voit dans son regard la glace jusqu’aux os.

— Toi, ici… Quelle charmante surprise ! murmure-t-il avec un terrifiant sourire.

46

— Tu n’as pas amené ton mec avec toi, aujourd’hui ? demande Axel. Ce n’est pas très prudent, tu sais…

— Mon mec ? Mais de qui tu parles ?

Axel allume une cigarette, tout en continuant à la fixer.

— Je parle du type qui est venu me défoncer la gueule avant-hier… De celui qui m’a pété le nez et le genou… Du mec qui m’a braqué avec son flingue. Tu ne vois toujours pas de qui je parle ?

Enfin, Maud comprend. Dans son crâne, une bombe explose. Pendant un instant, elle devient sourde. Et muette. Pourtant, il faut très vite trouver quelque chose à dire.

— Mais… Je ne… Je ne suis pas au courant, bafouille-t-elle en reculant. Je te jure que je n’étais pas au courant…

— Ah bon ? Et comment il a fait pour trouver mon nom et mon adresse ?

Encore quelques pas en arrière.

Reculer l’échéance. Le moment où il va se jeter sur elle.

C’est alors qu’elle remarque les cartons. Empilés contre le mur et dans le couloir. Visiblement, Axel est sur le point de déménager. De prendre le large.

Peut-être en laissant un cadavre derrière lui.

— Je sais pas… j’ai pas de mec ! J’y suis pour rien !

— Vraiment ? Pourquoi il a dit qu’il venait de ta part, Maud chérie ?

— Il… Il travaille pour mon père ! explique-t-elle. Il a trouvé la came et…

— Et tu m’as donné, conclut Axel. Mauvaise idée.

— Non ! J’ai rien dit, je te jure !

Axel écrase sa clope dans le cendrier.

— Tu sais ce qu’on leur fait, aux balances ? demande-t-il en relevant la tête.

Autoroute, file de gauche.

Sur le compteur de la Kawasaki, l’aiguille frôle les deux cents kilomètres à l’heure.

Chaque seconde compte.

Il sent l’angoisse façonner une énorme boule dans sa gorge.

A-t-elle fait la connerie de retourner là-bas ?

Il en est certain.

Arrivera-t-il à temps ?

Ça, Luc l’ignore.

Maud est dos au mur. Axel prend un évident plaisir à la regarder patauger dans son bain de terreur. Il s’approche, sans aucune hâte, traînant sa jambe gauche. Mais même blessé, il sera plus fort qu’elle. Maud le sait.

En cet instant où sa vie va basculer, peut-être s’achever, elle hésite entre se détester et détester Luc. Qu’est-ce qui lui a pris de tabasser Axel ?…

Quand il est à la bonne distance, le dealer attrape la jeune femme par son chemisier et l’attire brutalement contre lui.

— À cause de toi, je ne remarcherai jamais normalement… Et je suis obligé de me tirer d’ici.

— Je n’ai pas voulu ça ! gémit Maud.

— Tu m’as balancé, espèce de salope… Et tu vas me le payer.

Maud réagit enfin et se débat si fort qu’elle échappe à son étreinte mortelle. Elle se rue dans l’entrée et s’acharne sur la porte.

Impossible de l’ouvrir.

— Tu cherches les clefs ? ricane Axel.

Elle se retourne, il est là. Elle envoie alors un coup de pied dans sa jambe blessée et il s’écroule en hurlant. Elle se sauve à nouveau, se réfugie dans la salle de bains et pousse aussitôt la petite targette.

Quelques secondes plus tard, Axel assène un violent coup d’épaule dans la porte.

Les yeux de Maud supplient le loquet qui menace déjà de céder. Elle cherche son téléphone dans la poche de sa jupe en jean. Sauf qu’il est dans son sac à main. Resté sur le canapé du salon.

— Putain de merde ! gémit-elle.

Nouveau coup violent. La cloison tremble si fort qu’un cadre s’en décroche et se fracasse aux pieds de Maud.

Dans quelques secondes, deux minutes au mieux, l’ultime rempart cédera.

— Sors de là, connasse ! hurle Axel.

Avec des gestes paniqués, Maud ouvre le meuble au-dessus du lavabo, jette tout par terre, à la recherche d’une paire de ciseaux, de quelque chose qui pourra lui servir d’arme.

Troisième choc dans la porte. Comme si un bélier enragé venait de la percuter.

Le bois autour du loquet se fend dangereusement. Une des vis sort de son logement et est propulsée jusque dans le lavabo.

Maud continue à vider les meubles. Un rasoir électrique, une brosse à cheveux, un coupe-ongles petit format…

— Merde, merde, merde !

Sous le lavabo, elle trouve des produits ménagers et saisit une bouteille de Javel.

Elle n’a pas le temps de retirer le bouchon.

La porte vient de céder dans un épouvantable fracas.

La Ninja file à toute vitesse sur la Promenade. Au loin, un feu passe au rouge. Luc s’apprête à le griller lorsqu’il aperçoit une voiture blanche avec un gyrophare sur le toit. Il freine brutalement et s’arrête juste à côté du véhicule de police.

Ce n’est vraiment pas le moment de se faire serrer par les flics.

Alors, il attend le signal.

Jamais un feu ne lui a paru rester rouge aussi longtemps…