Axel pénètre dans la pièce tel un ouragan et se jette sur Maud. La bouteille de Javel atterrit sur le sol et la jeune femme reçoit un coup de poing en pleine figure. Sa tête part en arrière, son crâne rebondit contre la vitre de la douche. Elle s’écroule, à moitié sonnée. Axel la remet debout, la soulevant même du sol. Puis il la plaque contre la paroi de la douche, qui se fend sous le choc.
— Tu veux jouer ? hurle-t-il.
Son visage est effrayant. Ses yeux sombres, cernés de mauve, étincellent de fureur. Ceux de Maud se soumettent aussitôt.
— Je te donnerai de l’argent, murmure-t-elle. Beaucoup d’argent !
— Rien à branler !
— Je te donnerai tout ce que tu veux ! gémit la jeune femme.
— Son nom !
— Luc… Il s’appelle Luc.
— Luc comment ? rugit Axel.
Maud hésite. Quelques secondes.
Alors Axel la secoue. Son crâne heurte à nouveau le plexiglas de la douche. Avec son avant-bras, il écrase sa gorge.
— Arrête ! supplie-t-elle d’une voix à peine audible.
— Son nom !
— Garnier, murmure Maud.
— C’est un putain de flic ?
— Non… C’est le… garde du corps de… mon père… Je peux plus… respirer !
— Dommage qu’il ne soit pas là, hein, Maud ?
Il la saisit par les cheveux, l’entraîne dans le couloir et l’oblige à avancer jusqu’à la chambre. Elle résiste de toutes ses forces, s’agrippe au chambranle de la porte.
— Non ! gémit-elle.
Insensible à ses supplications, le dealer la jette sur le lit, tel un paquet de linge sale. Elle se relève aussitôt, essaie encore de lui échapper. Reçoit un nouveau coup de poing qui lui explose la lèvre.
— Tu as voulu me baiser, hein ? balance Axel.
À genoux sur le sol, Maud se met à pleurer. Du sang coule de sa bouche, jusque sur sa petite tunique blanche à moitié déchirée.
— Me fais pas de mal ! supplie-t-elle entre deux sanglots. Axel, s’il te plaît !
La Ninja arrive enfin à destination. Luc aperçoit la voiture de Maud garée à quelques dizaines de mètres de l’entrée de l’immeuble.
Malheureusement, il ne s’était pas trompé.
Il laisse sa moto sur le trottoir et se précipite jusqu’à la porte de l’immeuble. Il appuie sur toutes les sonnettes à la fois, priant pour que quelqu’un lui ouvre. Plusieurs voix résonnent dans l’interphone et, enfin, la porte se déverrouille…
— Ne me fais pas de mal ! répète Maud.
— Junkie de merde ! hurle Axel.
Il la regarde un instant, les yeux débordants de haine.
Il ne s’attendait pas à la revoir. N’a rien prémédité. Il s’est juste laissé guider par sa colère, ses instincts. Et une féroce envie de vengeance.
Mais en la voyant si vulnérable, sa colère descend d’un cran. S’engouffrant dans la brèche, Maud l’implore à nouveau.
— Axel, pardonne-moi ! Je t’en prie… Je n’ai pas voulu ça, je te jure… !
— Putain de merde !
Il lève le bras, prêt à lui asséner un nouveau coup, mais se retient au dernier moment.
Luc enlève son casque et s’engage à toute vitesse dans l’escalier. Ses jambes iront plus vite que l’ascenseur. Malgré les douleurs qui l’assaillent, il continue à grimper les marches en courant.
Il arrive sur le palier et tente d’ouvrir la porte.
En vain.
Maud est là, enfermée avec ce type, il le sait.
Et il n’a qu’une solution…
— File-moi ton pognon, ordonne le dealer.
Il prend Maud par le bras, l’entraîne jusqu’au salon. Elle fouille son sac et, d’une main tremblante, lui tend l’argent liquide qu’elle a retiré une heure auparavant.
— Y a deux mille, murmure-t-elle. C’est tout ce que j’ai…
Il lui arrache les billets, la pousse violemment. Elle atterrit sur le canapé puis glisse jusqu’au sol, ayant encore trop de mal à tenir debout.
— Barre-toi ! Et ne reviens plus jamais ici ! Sinon, je t’écorche la gueule, t’as compris ?
— Oui… Oui…
Luc tire à deux reprises dans la serrure, file un violent coup de pied dans la porte et s’engouffre dans l’appartement, arme au poing.
À l’entrée du salon, il s’immobilise et braque son Glock en direction du dealer.
— Si tu bouges, t’es mort.
Il regarde Maud, par terre près du divan. Sa jupe remontée jusqu’à mi-cuisse, sa tunique déchirée et tachée de sang. Son visage marqué par les coups.
Son regard terrorisé.
Il sent monter en lui une haine bestiale. Incontrôlable.
— Qu’est-ce que tu lui as fait, espèce de fumier ?
Axel ne répond pas, hypnotisé par le canon de l’automatique.
Luc sait que les coups de feu ont alerté les voisins. Il sait que la police ne tardera pas à arriver. Qu’il devrait attraper Maud et quitter au plus vite l’appartement.
Pourtant, il continue à pointer son flingue sur le dealer. Son index a déjà commencé à presser la détente.
Maud se relève sans geste brusque et prend son sac.
— Viens, dit-elle. On y va !
Luc regarde toujours Axel. Comme s’il allait le dévorer. Maud attrape doucement son poignet, tente d’abaisser son bras. Mais soudain, il la repousse sans ménagement et s’avance vers le dealer.
— Qu’est-ce que tu lui as fait ? hurle-t-il. Réponds !
Il lui assène un coup de pistolet sur la tempe, le faisant tomber à ses pieds, puis pose le canon du Glock sur son front.
— Réponds ou je te descends !
Luc semble en transe. Capable de tout.
— Je lui ai rien fait, putain ! gémit Axel.
— Arrête, Luc ! ordonne Maud. Laisse-le, je t’en prie !
Elle s’approche à nouveau de lui, avec prudence. Des tics nerveux assaillent son visage. Elle sent qu’il est au bord de la rupture.
— Luc, s’il te plaît… Viens, on s’en va.
Sa main se met à trembler. Des gouttes de sueur perlent sur son front.
— Luc !
La voix de Maud s’éloigne. Une autre prend sa place.
Celle de Marianne.
— Luc, calme-toi, je t’en supplie… Il ne m’a rien fait, je te jure. Rien de grave. Viens avec moi.
Luc sent sa rage fondre lentement, comme la dernière neige au printemps. En douceur, Maud parvient enfin à abaisser son bras vengeur.
— Tirons-nous… Les flics vont arriver.
Il attrape la main de la jeune femme et l’entraîne vers la sortie.
47
— Qu’est-ce qu’on va dire à mon père ? s’inquiète Maud.
— Fallait y penser avant, balance Luc.
Ils se sont arrêtés juste avant la propriété. Luc est descendu de sa moto et a rejoint Maud dans sa voiture. Avec ce qu’il a acheté dans une pharmacie, il tente de minimiser les dégâts sur son visage.
— Il aurait pu te tuer, ajoute-t-il.
— Je suis désolée. Tu dois me trouver tellement…
— Pitoyable ?
Elle encaisse en silence tandis qu’il colle un petit pansement sur sa pommette.
— Pour ton père, tu n’as qu’à lui dire que tu t’es fait attaquer par un type qui voulait te piquer ton sac… Que tu as résisté, qu’il t’a frappée… Et que finalement, il a pris l’argent, a jeté ton sac par terre. Que tu m’as appelé et que je suis venu te chercher.
Elle hoche la tête.
— Merci, dit-elle d’une voix penaude.
— Bon, on y va, maintenant. Sinon ton paternel va faire une attaque.