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— Restez assis, professeur, ordonne Luc avec un abominable sourire.

53

Les traits de Reynier se glacent.

— Retournez vous asseoir, répète Luc en armant son pistolet. Sinon, je vous descends.

Sous le choc, le professeur ouvre la bouche, comme s’il voulait parler. Mais que pourrait-il dire ?

— Luc ! gémit Maud. Mais qu’est-ce qui te prend ?

Sourd aux supplications, le jeune homme fixe Reynier.

— Assis ! s’écrie-t-il.

Armand se laisse lentement retomber sur sa chaise.

— Vous ? murmure-t-il. C’est vous qui…

— Surprise ! ricane Abramov. Mais je t’avais promis que tu saurais qui t’avait trahi !

— Mais c’est impossible…

— Je veux voir vos mains, professeur, ajoute Luc. Mettez-les sur la table…

Reynier obéit, en proie au plus grand désespoir. Cette fois, c’est terminé. Il n’a plus aucune chance de s’en sortir.

— Pourquoi ? demande-t-il. Il vous a payé, c’est ça ?

— Je vous ai déjà dit que l’argent ne m’intéressait pas… Vous avez oublié ?

— Mais alors, pourquoi ?! s’écrie le chirurgien.

Luc vient tout près de lui.

— Patience, professeur. Patience…

— Et pourquoi cette mascarade ? enrage Reynier.

— L’espoir, le désespoir… Le chaud, le froid. C’est pour vous travailler au corps, professeur… Pour vous mettre en condition !

— Espèce de salaud !

— Le seul salaud dans cette pièce, c’est vous, corrige Luc.

— Je vous ai fait confiance et…

— Et vous avez eu tort.

Dans la tête de Maud, c’est un véritable cataclysme.

— Luc, murmure-t-elle, qu’est-ce qui t’arrive ? Tu es devenu fou ?

— Tais-toi !

— Tu es avec ce type depuis le début, c’est ça ? Alors ça veut dire que…

Elle se repasse le film, depuis le jour où elle a rencontré Luc. Le jour de l’attaque, près de la rivière.

— C’est toi qui lui as demandé de m’agresser et de tuer mon chien ? demande-t-elle avec rage.

— Vous auriez dû lui laisser son bâillon, soupire Luc à l’intention d’Abramov.

— Réponds ! hurle Maud.

Il se tourne vivement vers elle, l’air mauvais.

— Évidemment que c’est moi, dit-il. Et maintenant, tu la fermes.

Elle lui a déjà vu ce regard. Glaçant.

Qui prend aujourd’hui une autre dimension.

Abasourdie, elle secoue la tête. Tout cela n’a aucun sens. Elle a le sentiment d’être un animal de laboratoire à qui on inflige une expérience des plus cruelles.

À ses côtés, Amanda ne dit pas un mot. Tête baissée, elle fixe ses pieds nus et gelés. Désirant se faire oublier, se dérober à cette tragédie. Coupable d’avoir tout donné à cet homme qui vient de révéler son vrai visage.

— Bon, reprend Luc, on passe à la suite. Professeur, maintenant que vous avez avoué le meurtre de Dimitri, vous allez nous parler de tout le fric que vous avez détourné.

Le jeune homme remet le caméscope en marche, mais Reynier garde le silence. Fixant seulement l’objectif.

Comme s’il le narguait.

Abramov vient alors rôder autour de Maud et frôle sa braguette. Simple avertissement, mais qui délie aussitôt la langue du chirurgien.

— Je reconnais avoir demandé à plusieurs reprises à des patients de me verser de l’argent en liquide après des opérations. Pratique courante dans nombre de cliniques, ajoute-t-il. Et, bien évidemment, je n’ai pas déclaré ces sommes à l’administration fiscale…

— Mais encore ? balance Luc.

— Je reconnais également avoir surfacturé certains actes à la Sécurité sociale…

— Continuez.

— Je reconnais avoir déposé une partie de cet argent sur plusieurs comptes à l’étranger, au Liechtenstein, au Luxembourg et en Suisse, afin de le soustraire définitivement à l’impôt…

D’un mouvement de la main, Luc lui ordonne d’aller plus loin.

— L’ensemble de ces sommes représente environ… Environ six cent mille euros.

Près d’un million et demi, en vérité. Mais même au pied de l’échafaud, Reynier parvient encore à mentir.

Luc coupe à nouveau le caméscope et Abramov adresse un sourire goguenard à sa proie.

— J’aurais dû te piquer plus d’oseille, enfoiré !

Luc allume une cigarette et observe Armand, prenant un plaisir évident à le voir dans cette humiliante position.

— On dirait que le vent a tourné, hein, professeur ? lance-t-il.

Le chirurgien ne répond pas, essayant de conserver une certaine dignité.

— Allez, poursuivons, fait Luc en écrasant sa clope à même le sol. Maintenant, vous allez nous raconter ce qui s’est passé le 11 janvier 1998…

Dans un réflexe, Maud redresse aussitôt la tête. Cette date remue immanquablement le couteau planté dans son ventre depuis plus de dix-sept ans.

— Je ne dirai plus rien, annonce Reynier. Allez vous faire foutre !

— Vraiment ?

Luc se tourne vers son complice.

— Je suis sûr que vous saurez le décider à parler, monsieur Abramov.

L’homme passe derrière le chirurgien et pose deux énormes mains sur ses épaules tendues à l’extrême. Reynier ferme les yeux, tandis que son ennemi se penche vers son oreille.

— Tu veux vraiment entendre hurler ta fille ?

— De toute façon, vous allez tous nous tuer ! s’indigne Armand.

— Si tu parles, Maud aura la vie sauve, promet Luc. Tu as ma parole.

Maud écoute cet homme dont elle est éperdument amoureuse monnayer sa vie. Cet homme qui l’a serrée dans ses bras. À qui elle a confié les choses les plus intimes.

Comment a-t-il pu la duper à ce point ? Comment a-t-elle pu ne rien voir ?

— Ta parole ? Elle vaut rien, ta parole, enfoiré ! balance le chirurgien.

— Comme tu voudras, dit froidement Luc.

Au signal, Abramov s’écarte de Reynier et saisit Maud par son tee-shirt. Il la soulève du sol sans aucune difficulté. Elle hurle de terreur, ses pieds gigotant désespérément dans le vide.

— Lâche-moi ! gémit-elle. Lâche-moi, putain !

Il la plaque contre le mur, enfonce le canon du Beretta dans son plexus. Si fort qu’elle a la respiration coupée.

— Alors, professeur, reprend Luc, je lui ordonne de presser la détente ou pas ?

— Si je parle, vous ne lui ferez aucun mal ?

— Je t’ai donné ma parole.

— D’accord, laissez-la. Laissez-la, bon Dieu !

Abramov desserre sa poigne mortelle et Maud dégouline le long du mur jusqu’à toucher le sol.

— On t’écoute, fait Luc en appuyant sur la touche du caméscope. C’était un 11 janvier, rappelle-toi…

Les mains de Reynier se mettent à trembler. S’il ne parle pas, sa fille subira le pire. Mais s’il parle…

— On t’écoute ! rappelle Luc en haussant le ton.

— Le 11 janvier 1998, ma première épouse, Sara, est morte…

Reynier prend une longue inspiration avant de continuer.

« C’était un soir, il était à peu près dix-neuf heures. Nous habitions déjà dans notre maison de Grasse, nous l’avions achetée l’été d’avant et avions entamé des travaux importants… »

Il sent le regard de Maud qui pénètre à l’intérieur de lui, jusqu’à toucher son âme.

Que savent ces hommes du drame qui s’est joué il y a plus de quinze ans ?

Des soupçons, des suppositions.