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Il repasse devant Luc qui se tord de douleur. Dont les mains sont pleines de sang. Puis il enjambe le cadavre d’Amanda. Horrifiée, Maud se ratatine contre le meuble. Abramov la soulève du sol, elle se fait aussi lourde que possible. Mais elle ne peut lutter contre sa force colossale.

— Ne fais pas ça ! implore Luc. Pas elle…

Maud lâche un hurlement de terreur. Crier, c’est vraiment tout ce qu’elle peut faire. Supplier cet assassin ne servirait à rien, elle l’a compris depuis longtemps.

Mourir le jour de ses vingt et un ans. Sous les yeux de son père.

Voilà ce qui l’attend.

Et aucune prière n’y changera rien.

Armand essaie désespérément de se détacher. Ses yeux sont ceux d’un dément.

— C’est moi qu’il faut tuer ! s’époumone-t-il. C’est moi que tu dois tuer !

Abramov le fixe en silence, profitant de chaque seconde de la souffrance terrible qu’il lui inflige.

— Dimitri était un enfant sage, murmure-t-il. Il était intelligent, travaillait bien à l’école… Il était tout pour moi.

— Tue-moi ! implore Armand. Laisse-la, je t’en supplie !

Abramov tourne lentement la tête de la droite vers la gauche.

— Toi, c’est de désespoir que tu vas crever, augure-t-il avec un sourire démoniaque.

Il plaque Maud sur la table, approche la lame de son visage terrorisé.

Dans son dos, Luc se concentre.

Bientôt, il perdra connaissance. Il ne lui reste plus beaucoup de temps.

D’une main, il continue à comprimer sa blessure. De l’autre, il prend appui sur le sol.

Les chevilles attachées, les poignets ligotés dans le dos, Maud ne peut quasiment pas bouger.

— Comment veux-tu mourir, mon petit cœur ? demande Abramov.

Il abandonne soudain son couteau, fait remonter ses mains sur sa poitrine, jusqu’à son visage. Puis les serre brutalement autour de son cou. Maud se cambre, ses jambes s’agitent dans le vide. Des râles paniqués franchissent ses lèvres, sa poitrine se soulève. En vain.

Plus d’air.

Plus d’espoir.

Juste la peur, panique.

Crever à vingt et un ans.

Étranglée par un fou.

Reynier continue de hurler.

Comme si ça pouvait couper les mains d’Abramov.

Comme si ça pouvait changer le cours des choses. Empêcher sa fille de mourir.

À cause de lui.

Déformé par la haine, son visage n’a plus rien d’humain.

Abramov continue à serrer la gorge de Maud.

Et son horrible faciès sera la dernière chose qu’elle verra.

Puisant dans ses ultimes forces, Luc se relève. Il s’est mordu la lèvre jusqu’au sang pour s’empêcher de crier.

Près de l’évier, la bouteille de digestif. Luc la saisit et la lance en direction du tueur. Abramov reçoit le lourd projectile à l’arrière du crâne. Sous le choc, sa poigne se desserre. Il titube, pivote vers son ancien complice.

Toujours achever son ennemi avant de lui tourner le dos. Un soldat ne devrait jamais l’oublier.

D’un mouvement aussi rapide que précis, Luc lui assène un coup de poing dans la gorge. Abramov percute la table et tombe à genoux. Il porte les mains à son cou, cherchant de l’air à son tour.

Luc regarde l’homme qui s’étouffe à ses pieds. Puis, en y mettant ce qui lui reste d’énergie et de rage, il lui envoie un coup de pied en pleine figure.

La nuque du tueur se plie vers l’arrière, son corps suit le mouvement. Étendu sur le dos, ses yeux se révulsent, ses mains et sa bouche se crispent.

Luc sait qu’il vient de porter un coup mortel. Que l’homme ne s’en relèvera pas. Pourtant, il pose encore son pied sur sa gorge. Et appuie de toutes ses forces, jusqu’à entendre un craquement sinistre.

Abramov ne bouge plus. Ne bougera plus jamais.

Ne reviendra pas vivant de sa dernière mission.

Luc s’accroche à la table et un rideau noir tombe soudain devant ses yeux.

Il plonge tête la première dans un abîme profond et silencieux.

Reynier fait basculer la chaise et tombe avec elle. Une fois à terre, il parvient à se libérer. Aussitôt, il se précipite vers Maud et attrape le couteau laissé sur la table. Il coupe les cordes qui l’entravent, la prend dans ses bras.

— Maud, ma chérie ! Respire, respire, je t’en supplie. Doucement, doucement…

Les yeux exorbités, Maud tente de recouvrer une respiration normale avec l’impression que sa gorge n’est plus assez large pour laisser passer l’air.

— Respire, ma chérie, murmure Armand. Respire, je t’en prie… Voilà, c’est bien.

Enfin, un filet d’oxygène atteint ses poumons avec un bruit effrayant. Quelques secondes plus tard, le sang afflue à nouveau vers son cerveau. Elle reste prostrée deux longues minutes dans les bras de son père, puis le repousse soudain brutalement. Elle se précipite vers Luc, s’agenouille à côté de lui.

— Appelle les secours ! hurle-t-elle à son père.

— Y a pas de réseau, ici ! rappelle Armand.

— Ah oui ? Et comment Luc a pu envoyer le mail et les vidéos, alors ?

Reynier récupère le portable éteint, posé sur le rebord de la fenêtre.

— Merde, y a un code pin ! vocifère-t-il au bout de quelques instants.

Maud hésite puis caresse le visage de Luc. Il ouvre les yeux, la cherche pendant un instant.

— Maud…

— Accroche-toi… On va appeler les secours ! Donne-moi juste le code pour déverrouiller le téléphone.

— Je… Je sais plus, murmure Luc.

— Essaie de te souvenir ! implore Maud.

— J’y… arrive pas…

— Merde, mais c’est pas vrai !

Reynier la rejoint et presse ses deux mains sur la plaie béante. En un instant, elles sont recouvertes de sang. Il soulève délicatement le tee-shirt et son œil expert évalue immédiatement les dégâts.

Irréversibles.

— La lame a touché le foie, annonce-t-il. C’est fini.

Luc parvient à agrafer le regard du chirurgien.

— Ne me… touche pas, murmure-t-il. Ne me touche plus… jamais.

— Tu as entendu ce qu’il a dit ? assène Maud. Ne le touche pas ! Va plutôt chercher des secours !

— Le temps que j’arrive au village, il sera trop tard, prédit le professeur.

Il s’écarte du jeune homme, se traîne à même le sol jusqu’au mur le plus proche et s’y adosse. Il est à bout de forces.

En face de lui, le message, écrit à l’encre rouge.

Aujourd’hui, je te tue.

Sur ses mains, le sang de Luc.

Le même que celui qui coule dans ses veines.

Il ferme les yeux, pose son crâne douloureux contre le mur.

Maud est toujours penchée sur Luc, elle a pris une veste en coton qui traînait sur le dossier d’une chaise et comprime la blessure. Sans même le regarder, elle s’adresse à Armand d’une voix cinglante.

— Qu’est-ce que tu attends, putain ? Va chercher les secours !

— C’est inutile, répond son père.

— Assassin ! rugit Maud entre ses dents. Je vais y aller, moi !

— Non, fait Luc en la retenant par le poignet. C’est trop tard, il a raison… Reste près de moi… Me laisse pas… Me laisse pas, s’il te plaît !

D’une main tremblante, il fouille dans la poche de son jean, essaie d’en sortir quelque chose.

Mais chaque geste est une épreuve surhumaine.

— Maud, aide… moi…

Elle récupère une feuille pliée en quatre dans la poche du pantalon.