Le blond-chauve n’avait encore jamais connu un truc pareil de toute sa petite existence vespasienne. Une belle chatte triple zéro dans la catégorie belon, savait-il seulement que ça existait ? La Gretta, serviable en plein, la lui livre à domicile. Directo du producteur au consommateur.
Tu verrais le goinfre à l’établi, avec sa moustache de phoque pubère ! On jurerait qu’il mange sa soupe, faire plaisir à sa maman. Une langue fourrée pour le facteur ! Une autre pour la tante Hortense ! L’insatiable a noué ses deux mains sur la nuque de Smith afin que leurs quatre lèvres s’écrasent à sa convenance.
Le glouton, ce manège l’étouffe. Il lui faut une certaine dose d’oxygène s’il veut conduire sa manœuvre à terme. Alors il fait « Abbrouiiivchtttff » et puis également « Arrrrouhahooo ». Il onomatopète, éructorâle, vagine bien éperdument.
Mais la frénétique le tient formellement plaqué dans ses moulasseries. Ne se gaffe pas qu’il suffoque authentiquement. Prend ses râles d’agonie pour des râles de jouissance. Reusement, chez ces névropathes, la pâmade est prompte. Elle lui virgule l’écume des jours dans les badigoinsses, puis le lâche.
Cézigmuche choit sur le plancher, à demi évanoui. Je m’empresse, le ranime dans les meilleurs délais. Il a la bouille scintillante, le porcin. Il époumone, bronchage. Son regard tourne comme sur le cadran des appareils à sous. Il parvient à stabiliser deux citrons.
Perdu !
Le calme qui finit toujours par avoir gain de cause revient. Le chef des relations humaines (et comment !) reprend pied dans l’existence.
— It was good, my dear ? s’inquiète Gretta.
Tu parles ! Il en gode encore dans ses brailles. Conséquence de son début d’asphyxie ?
Le plus simple est « d’éradiquer » la gêne. Pas se paumer en vains commentaires.
— Vous disiez donc, cher ami, à propos du vol que l’enquête laissait à désirer ?
Il secoue sa hure écarlate :
— Tout à fait.
— Précisez votre point de vue, je vous prie…
Il hésite, essuie sa bouche vernissée avec son mouchoir et déclare en trébuchant de la jacte :
— Il semblait que les enquêteurs ne se soient pas rendu compte des réalités.
— Qu’entendez-vous par là ?
— Ils ont fait comme si l’uranium pouvait être transporté aussi aisément que des diamants, oubliant que la cargaison, avec son emballage de plomb, pèse plusieurs tonnes !
— C’est une remarque que je me fais volontiers depuis que je suis sur l’affaire.
— Ça vous intéresserait de constater de visu ce qu’est le conditionnement de cette matière ?
— J’allais vous le demander, ainsi que de nous conduire au local où elle était entreposée au moment de sa disparition.
Il se lève et je me rends compte que l’excellent homme protubère follement du bénouze, à croire qu’il a planqué une enclume de forgeron dans son slip. Pris d’une grande compassion masculine, je murmure à Gretta en lui montrant la perduration découlant de ses manœuvres :
— Vous ne pouvez le laisser sortir dans cet état : il s’agit d’un cas de conscience.
— Il est vrai, fait l’Allemande, je n’avais pas constaté les retombées de mes attouchements ; il doit en posséder une de très fort calibre, ne pensez-vous pas ?
— Je prends le pari pour un membre de vingt-huit centimètres, garde non comprise. Bon, je vous attends à la réception.
Le local des entrées, sans doute parce qu’il est entièrement vitré, offre une température beaucoup plus élevée que le bureau du phoque. Une délicieuse réceptionniste à la peau d’ébène, à la bouche et aux ongles mauves, noue des rapports épisodiques avec le clavier d’une I.B.M. Elle me lorgne par-dessus sa machine comme je la visionne par-dessus son machin.
Je lui souris.
Elle répond par un coup de gyrophare provenant de ses trente-deux ratiches carnassières.
— C’est vrai que vous vous appelez « Fleur » ? demandé-je en montrant la plaque posée devant son guichet.
— Tout à fait vrai.
— Je peux sentir ? enchaîné-je en reniflant.
Elle rit, amusée, flattée, humide déjà ?
J’avance mon tarbouif dans son créneau.
— Jamais respiré quelque chose de plus subtil, assuré-je. On se croirait dans un jardin botanique à la période des orchidées.
Pas moyen de savourer mon compliment car un grand cri s’échappe du bureau que je viens de quitter. Faudrait un spécialiste de bandes dessinées pour te l’écrire, avec des caractères gros commak et des étoiles tout autour. Y a de l’agonie dans ce hurlement. Il issuse d’une catastrophe, pas possible autrement. C’est démoniaque, enférique !
À cette clameur surgie du cosmos, succèdent des imprécations folles.
Je bondis dans le bureau de Smith.
Le trouve en train de s’entremettre au bénéfice de Gretta. Celle-ci est accoudée au bureau et messire Boubouroche l’entreprend lévrier afghan. C’est ça qui la fait gosiller, la Chleuse.
N’à force de débattre, tupérer, soubresauter, la vampireuse se dégage d’une étreinte qui ne paraît point de son goût. Messire Dupanais finit par être expulsé de son brancard humain et reste tout plantigrade devant le puits d’amour à Gretta. Soufflant nasal, tremblant des cannes, une magistrale hébétude peinte sur ce qui lui tient lieu de physionomie.
Mon regard captateur décrit une plongée jusqu’à son panais, alors une gerbance affreuse me tord l’estom’ de la cave au grenier. C’est que le gazier des relations humaines détient un braque inconcevable. Il t’est sans doute arrivé de feuilleter ces vieux bouquins traitant de maladies vénériennes, illustrés de planches en couleurs franchement abominables, susceptibles de te faire passer à tout jamais le goût de l’amour et (surtout) de ses aimables dérivés.
Imagine que cet excellent Smith possède un chibre comme je n’en ai jamais vu dans les ouvrages suce-mentionnés. Un tubercule, plutôt qu’un sexe. Longueur vingt-cinq centimètres, diamètre seize ; tu m’entends-t-il ? Ce « bidule » (je ne trouve pas qualificatif plus approprié) est tordu, noueux, pustuleux, hérissé de protubérances cornues, plus acérées que des épines d’acacia. Elles ont gravement lésé la boîte à outils de la Fräulein, un peu comme si on lui avait enquillé dans la babasse un épieu garni de fil barbelé.
Le gros sac a le plantoir sanguinoleur. La mère Dübitsch chiale en poussant des plaintes capables de faire sangloter un tortionnaire serbe.
Je dompte ma répulsion pour me pencher sur la plaie qui, doré-de-l’avant, lui tiendra lieu de sexe. Charogne ! Comment qu’il nous l’a arrangée, le mec ! Un magma ! Tu sais ce qu’est un magma ? Non ? Eh bien ça ! Faudrait la driver d’urgence sur une clinique ; et une vraie, avec des médecins capables d’appliquer sur de telles lésions autre chose que du beurre de cacao ou du sirop de canne à sucre.
— Vous n’avez pas quelque pommade ? demandé-je au déchiqueteur de moules.
— Non.
— Du savon ?
— Aux toilettes !
Il désigne la porte. Je chope la fille meurtrie dans mes bras et l’y porte. Premiers secours aux écorchées vives ! Le lavabo ! Une savonneuse à l’eau tiède. Parfois, c’est le genre de préliminaires qui m’ébrouent les sens. Mais dans un cas aussi désespéré ils me nauséifient.