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En l’écoutant, je sens que mes burnes jonctionnent avec ma glotte et que mon anus est apte à servir de pressoir à huile. Ah ! le foutu connard ! Ah ! le pauvre écrémé du bulbe ! Tu te rends compte que je me croyais dans un book de Xavier de Montépin !

Je chiquais les redresseurs de torts ! Le Jean Valjean de service avec une Cosette safranée ! Marre-toi, mon drôle ! Offre-toi la fiole du Sana de mes grosses deux ! J’avais levé une petite pute, me proposais un bonheur de carte postale ! Elle a dû y croire un moment, cette môme, puisqu’elle m’a suivi. Mais elle a vite pigé que ça n’était pas possible, nous deux, qu’elle ne pouvait plus rebrousser chemin…

Je me tourne vers mes péones. Béru lutine une vachasse dont les loloches ressemblent à deux ballons captifs. Quant à Jérémie, il a la charité de ne pas rigoler. Il sait que je traverse un instant cuisant. Le sort qui me fait un affront. Bon, c’est arrivé à d’autres. Ça m’arrivera sans doute encore. Nous sommes des bipèdes exposés. Il y a des cataclysmes en préparation, des épidémies dévastatrices au banc d’essai. Tout le monde en prend plein sa pauvre gueule, le moment venu.

— Que devrons-nous dire à madame lorsqu’elle reprendra conscience ? s’informe l’infirmier en me voyant tourner les talons.

— Nous repasserons demain, réponds-je.

Je tire de mes hardes quelques talbins aux couleurs inappétissantes. Les lui présente.

— Soignez-la bien, vieux ; cette femme, c’est tout ce qui me reste !

Il enfouille et promet.

23

On arque un moment dans cette localité indécise. Les maisons y sont aussi hétéroclites que les hommes. Drôle de creuset où la mayonnaise existentielle a mal pris. Un bled ayant la pelade et pas grande âme. Il réunit des créatures disparates qui semblent se faire tarter à attendre la fin du monde. Ce genre de patelin existe un peu partout, n’importe les méridiens et parallèles, les conditions climatiques, le prix du beurre et la propagation des maladies incurables.

— Vous auriez-t-il pas les crochetons ? questionne Béru.

Il nous a devancés de deux pas sur le trottoir, s’est retourné et à présent nous affronte d’un air matois. On devine qu’une réponse inconforme à ses espérances constituerait une marque d’hostilité caractérisée.

— Le coup est jouable, convient Jérémie, si toutefois on parvient à dégauchir un coin à bouffe convenable.

Il dit et reçoit dans les miches une poussée de bas en haut égale au poids de sa paire de couilles déplacée.

Un gamin noir vient de le percuter, poursuivi par une dame de sa race vêtue d’une robe sans manches très élégante, en simili-léopard, dont les taches ne reproduisent pas seulement le pelage de ce fauve mais aussi des traces de vin, de sauce tomate, de jaune d’œuf et de graisse, la palme revenant à une admirable traînée de flux menstruel merveilleusement imité, laquelle me fait songer à une toile de Georges Mathieu intitulée « Nuit de noces au Pitzberg ».

Notre surprise est touchante quand nous reconnaissons dans l’aimable bambin celui qui, hier, se trouvait chez la pauvre mamie Ferguson.

Il nous remet également et renonce à jouer la belle. Sa pourchasseuse s’abstient de le houspiller et nous apprend qu’elle est sa mère.

Bérurier, ne perdant jamais longtemps de vue les considérations gastronomiques, nous conseille de solliciter de cette exquise personne l’adresse du meilleur restau de l’endroit. C’est un peu comme si, à Genevilliers, tu demandais la boutique Cartier la plus proche à un marchand de montres sénégalais.

Je répercute néanmoins sa question et, à ma stupeur teintée d’incrédulité, la jeune femme nous entraîne vers un bâtiment de deux étages, sans doute le plus haut de la cité. D’en bas, on peut voir des tentes bleues sur un toit plat.

— Dis à c’ t’ p’ tite mère que j’ l’invite à tortorer av’c son chiard ! décide le Gros, en grande magnificence.

Cette propose plonge la gentille femme dans l’effarement ; mais Sa Majesté se faisant pressante, elle nous suit.

En parvenant sur la terrasse divisée en compartiments intimes, nous nous apercevons qu’il s’agit d’un restau japonouille.

Notre Gargantua déteste ce genre de nourriture. Le poisson cru coupé en fines lamelles c’est pas son ordinaire à mon choucrouteux avide de potées auverpiotes, cassoulets toulousains et autres bœufs mirontons. La bouffe-chichi, même en amuse-gueule, il la tolère mal. Je le rassérène en lui commandant triple porcif. En outre, le vin d’Afrique du Sud, déjà testé, ne désoblige point trop son palais. Et puis, en Namibie comme en Namibie, hein ?

Pendant qu’il s’explique avec ces denrées peu familières, nous faisons la causette à notre invitée. Elle s’appelle Véra Kivivra et son fils Zanzi. Son mari est aux travaux forcés à perpétuité pour avoir dérobé un diamant brut de dix carats dans la mine où il travaillait. La jeune femme assure tant bien que mal leur matérielle en confectionnant des Cotons-Tiges dont les Bantous font une grosse consommation à cause des insectes amateurs de cérumen qui se complaisent dans leurs conduits auditifs.

En fait, elle n’est pas bête, cette gerce. Courageuse dans l’adversité, disait ma grand-mère, laquelle se nourrissait de biscottes trempées dans du lait et de lieux communs. Elle élève son bambin de son mieux, et tant pis si elle fouette du corporel quand elle a ses doches.

Moi, insidieux comme une belette, je dévie la converse sur sa voisine, la vieille Ferguson. Elle est toute chagrine qu’on l’ait assaisonnée, Poupette ; mais ça ne la surprend pas. L’a toujours été un peu brindzingue, mémère. Foirineuse, même sur le tard, quand l’époque des poires blettes s’est amenée. À son âge se croyait encore promise à un avenir doré sur tronche.

Ses vieux ans ont été éclairés par la venue de son pensionnaire, le séduisant Toutanski. Un drôle de Bite-en-fer dans son genre, cézigus, capable d’enfourner mémé à la hussarde et de se faire vénérer l’asperge après lui avoir ôté son dentier. Parfois il amenait du trèpe chez l’Allemande et tout le monde embroquait la brave Margaret à tour de rôle. Ceux qui ne la tiraient pas frappaient dans leurs mains. Une vraie folie ! Il arriva à plusieurs reprises que l’organisateur des réjouissances conviât une autre dame à la rescousse : l’épouse du chef des relations humaines de la mine de Crakburn, une charmante créature frisottée qui grimpait au paf avec vaillance et s’engouffrait tout ce qui érectait dans la crèche ! Ça tournait à l’orgie.

Cette révélation m’ouvre la comprenette concernant la manière dont le Polak s’y est pris pour accéder au système d’ouverture de la fameuse lourde. Manœuvrée de première par l’ami Nautik, sa bergère a arraché le secret à son gros Bite-en-daube. Je te parie qu’il ne s’en est même pas aperçu.

On se défrime d’un air entendu, Jéjé et moi. Voilà qui me remet de ma déconvenue avec la môme Shan-Su. L’existence, c’est commak, mon pote. Quand t’es dans la scoume, attends qu’il fasse soleil ; et quand tu t’éclates, attends la pluie d’étrons ! On navigue sans relâche entre azur et gadoue. Lorsque t’as bien pigé ce cycle inévitable, tu te fous de tout : du soleil comme de l’orage.

Cela étant, on n’a pas perdu l’argent de leurs repas à Kivivra et son chiard.

Soucieux d’aprofiter[12] jusqu’au bout de notre invitée, j’oriente la conversation sur le meurtre de Margaret Ferguson.

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12

Aprofiter, verbe du premier groupe. Se conjugue comme « aimer ».