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clef et décisif quand on voulait quelque chose d'un flic. Il eut Vandoosler en ligne quelques minutes plus tard.

– Que se passe-t-il? dit Vandoosler. Tu as mis la main sur quelque chose?

Marc réalisa à ce moment qu'il n'avait mis la main sur rien du tout.

– Je ne crois pas, dit-il. Mais demande à ton Breton où est parti Relivaux et quand il doit rentrer. Il a forcément dû déclarer son absence à la police.

Marc attendit quelques instants. Il avait laissé exprès la porte ouverte pour que le type entende tout ce qu'il disait et il n'avait pas l'air surpris. Il était donc au courant de la mort de Sophia Siméonidis.

– Note, dit Vandoosler. Il est parti ce matin en déplacement professionnel pour Toulon. Ça a été vérifié auprès du ministère, ce n'est pas une blague. Le jour de son retour n'est pas fixé, ça dépend du tour que prend sa mission là-bas. Il peut revenir demain comme lundi prochain. Les flics peuvent le joindre en cas d'urgence via le ministère. Mais pas toi.

– Merci, dit Marc. Et de ton côté?

– Ça pioche sur le père de la maîtresse de Relivaux, tu te souviens, Elizabeth. Son père est en tôle depuis dix ans pour avoir lardé de coups de couteau un amant supposé de sa femme. Leguennec se dit qu'ils ont peut-être le sang chaud dans la famille. Il a reconvoqué Elizabeth et il la travaille là-dessus, savoir de quel côté elle penche. Exemple paternel ou modèle maternel.

– Parfait, dit Marc. Dis à ton Breton qu'il y a une sacrée tempête dans le Finistère, ça lui fera peut-être une distraction, s'il aime les tempêtes.

– Il le sait déjà. Il m'a dit «tous les bateaux sont à quai. On en attend dix-huit qui sont encore en mer».

– Très bien, dit Marc. À plus tard.

Marc raccrocha et revint vers le type maigre.

– J'ai le renseignement, dit-il. Venez avec moi. Marc tenait à faire entrer le type chez lui pour savoir

au moins ce qu'il attendait de Pierre Relivaux. C'était sûrement une affaire de boulot, mais on ne savait jamais. Pour Marc, Genève impliquait nécessairement des affaires de boulot, très emmerdantes d'ailleurs.

Le type suivit, toujours avec ce petit espoir dans le regard, ce qui intrigua Marc. Il le fit asseoir au réfectoire et, après avoir sorti deux tasses et mis du café à chauffer, il prit le balai et frappa un bon coup au plafond. Depuis qu'on avait pris l'habitude d'appeler Mathias de cette manière, on tapait toujours au même endroit, pour ne pas bousiller le plafond sur toute sa surface. Le manche du balai laissait des petites cupules dans le plâtre, et Lucien disait qu'il faudrait le rembourrer avec un chiffon et de la ficelle. Ce qui n'avait toujours pas été fait.

Pendant ce temps-là, le type avait posé sa sacoche sur une chaise et regardait la pièce de cinq francs qui était clouée sur la poutre. Ce fut sans doute à cause de cette pièce que Marc entra sans préambule dans le vif du sujet.

– On cherche l'assassin de Sophia Siméonidis, dit-il, comme si cela pouvait expliquer la pièce de cinq.

– Moi aussi, dit le type.

Marc versa le café. Ils s'assirent ensemble. C'était donc bien ça. Il était au courant et il cherchait. Il n'avait pas l'air triste, Sophia n'était pas une intime. Il cherchait pour une autre raison. Mathias entra dans la pièce et prit place sur le banc avec un petit signe de tête.

– Mathias Delamarre, présenta Marc. Moi, c'est Marc Vandoosler.

Le type était obligé de se présenter.

– Je m'appelle Christophe Dompierre. J'habite Genève.

Et il leur tendit une carte, comme il l'avait fait tout à l'heure.

– Vous avez été très aimable de rechercher ce renseignement pour moi, reprit Dompierre. Quand rentre-t-il?

– Il est à Toulon, mais le ministère ne peut dire la date de son retour. Entre demain et lundi. Ça dépend de son boulot. Nous, on ne peut pas le joindre en tous les cas.

Le type hocha la tête et se mordit les lèvres.

– Très ennuyeux, dit-il. Vous enquêtez sur la mort de Mme Siméonidis? dit-il. Vous n'êtes pas… inspecteurs?

– Non. C'était notre voisine et on s'intéressait à elle. Nous espérons un résultat.

Marc se rendait compte qu'il prononçait des phrases très convenues et le regard de Mathias le lui confirma.

– M. Dompierre cherche aussi, dit-il à Mathias.

– Quoi? demanda Mathias.

Dompierre l'observa. Les traits tranquilles de Mathias, le bleu maritime de ses yeux durent le mettre en confiance car il s'installa mieux sur sa chaise et retira son pardessus. Il se passe quelque chose sur le visage de quelqu'un, qui dure une fraction de seconde, mais qui suffit à savoir s'il s'est décidé ou non. Marc savait très bien capter cette fraction et il considérait que cet exercice était plus facile que de savoir faire grimper un trottoir à un caillou. Dompierre venait de se décider.

– Vous allez peut-être pouvoir me rendre un service, dit-il. Me faire signe aussitôt que Pierre Relivaux rentrera. Est-ce que cela vous ennuierait?

– Ça sera facile, dit Marc. Mais que lui voulez-vous? Relivaux dit ne rien savoir de l'assassinat de sa femme. Les flics l'ont à l'œil mais pour le moment, rien de bien sérieux contre lui. Vous savez quelque chose de plus?

– Non. J'espère que c'est lui qui sait quelque chose de plus. Une visite reçue par sa femme, un truc comme ça.

– Vous n'êtes pas très clair, dit Mathias.

– C'est que je suis encore dans le noir, dit Dom-pierre. Je doute. Je doute depuis quinze ans et la mort de Mme Siméonidis me donne l'espoir de trouver ce qui me manque. Ce que les flics n'ont pas voulu entendre à l'époque.

– À l'époque de quoi? Dompierre s'agita sur sa chaise.

– C'est trop tôt pour parler, dit-il. Je ne sais rien. Je ne veux pas commettre d'erreur, ce serait grave. Et je ne veux pas qu'un flic s'en mêle, vous comprenez? Aucun flic. Si j'y arrive, si je trouve cette marche qui manque, j'irai les voir. Ou plutôt, je leur écrirai. Je ne veux pas les voir. Ils m'ont causé trop de tort, à moi, à ma mère, il y a quinze ans. Ils ne nous ont pas écoutés quand il y a eu cette affaire. C'est vrai qu'on n'avait presque rien à dire. Notre petite conviction. Notre misérable croyance. Et ça, c'est rien pour un flic.

Dompierre remua l'air avec sa main.

– J'ai l'air de tenir un discours sentimental, dit-il, un discours en tout cas qui ne vous concerne pas. Mais j'ai toujours ma misérable croyance, plus celle de ma mère, qui est morte. Ça m'en fait deux à présent. Et je ne vais pas laisser un flic me les balayer. Non, plus jamais ça.

Dompierre se tut et les regarda tour à tour.

– Vous, ça va, dit-il après son examen. Je crois que vous n'êtes pas du genre à balayer. Mais je préfère attendre un peu avant de vous demander un appui. J'ai été voir le père de Mme Siméonidis le week-end dernier, à Dourdan. Il m'a ouvert ses archives et je pense avoir mis la main sur quelques petites choses. Je lui ai laissé mes coordonnées pour le cas où il trouverait de nouveaux documents, mais il n'a pas semblé m'écouter du tout. Il est assommé. Et l'assassin m'échappe toujours. Je cherche un nom. Dites-moi, vous êtes ses voisins depuis longtemps?

– Depuis le 20 mars, dit Mathias.

– Ah, ça ne fait pas beaucoup. Elle ne vous aura sans doute pas fait ses confidences. Elle a disparu le 20 mai, n'est-ce pas? Avant cette date, quelqu'un est-il passé la voir? Quelqu'un d'inattendu pour elle? Je ne parle pas d'un vieil ami ou d'une connaissance de salon. Non, quelqu'un qu'elle ne pensait plus revoir ou même quelqu'un qu'elle ne connaissait pas?

Marc et Mathias secouèrent la tête. Ils avaient eu peu de temps pour connaître Sophia mais on pouvait demander aux autres voisins.

– Il y a pourtant quelqu'un de très inattendu qui est venu la voir, dit Marc, les sourcils froncés. Pas quelqu'un en fait, mais quelque chose.