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N’empêche que j’irai au bout de mon propos. Duck est devenu mon papa ? Soit : je cours remettre mes culottes courtes.

Je suis presque à l’ascenseur lorsqu’il me rejoint. Il met la main sur mon bras comme un Rital en promenade le fait à un copain.

— Savez-vous que je viens de congédier Tina ? me dit-il. Cette écervelée s’était mise à vamper mes invités.

Je ne réponds rien.

Malgré le grand respect qu’il m’inspire, j’ai envie de lui balancer mon poing entre les favoris.

FAIS-MOI CE QUE J’AIME

Je me rappelle une définition de mots croisés : « Ovide y est mort ».

La réponse était : « Constanta ».

Et voici qu’un avion à hélices me dépose, venant de Bucarest, sur l’aéroport de Constanta. La population, un peu fanée dans sa mise, est apparemment joyeuse. Tous les ports ensoleillés connaissent une sorte d’allégresse. Celui-ci, bien que situé au bord de la mer Noire, est coloré. Un taxi déglingué accepte de me conduire à l’hôtel Bella Vista, lequel se trouve en dehors de la ville, sur la partie balnéaire où s’est développée une forte infrastructure hôtelière.

Au premier coup d’œil je réalise que le Bella Vista constitue le top niveau de l’endroit. Six étages modernes : larges baies vitrées, jardin pseudo tropical, terrasse où s’étend une plantation de parasols bleus, personnel en tenue. L’admirable portrait du président de la République orne le mur derrière le comptoir d’acajou où un réceptionniste en veston noir et cravate perle m’accueille, aimable comme un employé des pompes venu prendre « les » mesures.

Il s’informe des miennes d’un œil jaugeur, se saisit de mon passeport qu’il feuillette avec une attention douanière.

Ensuite, il cramponne ma réservation, en détache le coupon, puis presse un timbre harmonieux qui fait un joli « cling clinggggg ! » dans le hall. Un grand type habillé de maigre, avec une veste d’esclave et des bacilles de Koch en vadrouille dans ses soufflets, vient cramponner ma valdingue et m’entraîne.

Il paraît malade et soucieux, ce qui est assez complémentaire. Pas un mot. Il m’a oublié. Une fois devant le 408, il dépose la lourde, entre le premier, dépose ma valoche, puis la clé et se retire sans attendre de pour-liche.

La pièce est conventionnelle. Meublée par les Grands Magasins du cru dans le style hôtel de passe pour beaux quartiers. Couvre-lit en satin couleur scarabée, meubles en faux acajou, rideaux chétifs, moquette à motifs géométriques. La salle de bains est contiguë et exiguë. Le lavabo commence à goutter et le bidet est allé faire une course. On l’a remplacé par une truellée de plâtre, ce qui tient moins de place et permet des ablutions oignardes plus modestes.

Qu’à peine je déballe mon bagage, on toque. Une fille brune, emmanchée d’un grand pif renifleur entre avec son passe, une brassée de linges sous le bras.

Elle s’affaire un instant dans la salle de bains puis se retire sur un bref salut.

Lorsque je pénètre dans la partie sanitaire, j’aperçois un billet posé devant la glace du lavabo. Je lis : Hôtel, chambres 438-40-42 — Plage, cabine 106.

Bon, ça démarre bille en tête. Je ne suis pas seul. Voilà qui est réconfortant. Je reconnais la classe de l’Organisation Big Between. Au moment où je déboule dans la fosse d’orchestre, tous les instrumentistes sont en place. Je n’ai plus qu’à manœuvrer ma braguette magique. Donc, je me trouve au même étage que ma « cliente ». Et sa cabine, sur la plage, est la 106. Nanti de ces précieux renseignements, je vais pouvoir gagner du temps.

Ma solitude m’étourdit un peu. Dans « l’île », je menais une existence formidablement orchestrée. J’étais pris en charge. Mon emploi du temps m’échappait. J’avais le statut d’un pensionnaire en traitement dans un établissement de santé. On me traitait, effectivement, et plutôt mal parfois. Maintenant, tout a changé : c’est à bibi de jouer !

J’ai la nostalgie de Félicie. Voilà un bail que je ne l’ai vue, ma chérie. Je l’ai appelée depuis l’île, une ou deux fois, mais le temps commence à me sembler long.

Pas le loisir de glisser dans les mélancolies : quelqu’un tambourine à ma porte.

Je vais ouvrir et me trouve face à une jeune femme brune, à l’air énergique, portant une blouse blanche et un stéthoscope autour du cou. Plus un badge épinglé à sa poche supérieure sur lequel est écrit en blanc sur fond rouge « Dr. Tanaresco ».

Elle a le regard droit et sombre, la bouche assez comme j’aime, apte à devenir un exquis collier à paf.

— Bonjour, me dit-elle en français avec un délicieux accent ; je viens à propos de votre traitement.

Oh ! bon, j’avais oublié que je suis censé séjourner à Constanta pour y suivre une cure contre les rhuma-tismes.

Elle entre et va déposer sur la table une chemise de plastique jaune.

— Je dois procéder à un examen général avant de vous faire commencer la cure.

— Naturellement.

— Déshabillez-vous.

— C’est un ordre agréable à entendre, venant d’une jolie femme, fais-je.

Elle réprime un bout de sourire gros comme ça : juste la pointe !

Mécolle, me voilà en dessapage express. Tourne-main ! Ça va plus vite qu’au Crazy Horse.

Pendant que j’active, elle consulte le dossier jaune.

— Vous avez déjà fait deux poussées de rhumatismes articulaires ?

— En effet, docteur.

— Vous n’avez jamais eu de problèmes au plan cardiaque ?

— Pas encore, mais je sens que ça pourrait venir.

« Dois-je conserver mon slip ou souhaitez-vous avoir un panorama complet du personnage ? »

— J’ai dit nu !

— Vos ordres sont des désirs, docteur !

Je me décarpis complet.

— Et maintenant, qu’est-ce qu’on fait ? je questionne avec une véritable fausse innocence.

— Allongez-vous sur le lit.

Je m’y jette comme sur un trampolinge, ne rebondis que de deux centimètres et attends ses investigations. Le docteur Tanaresco s’enquille les petites olives de son stéthoscope dans les manettes qu’elle a fines, diaphanes et bien ourlées. Prévenante, elle frotte la partie chromée de l’instrument contre sa manche pour la chauffer et se met à m’ausculter. Elle est penchée sur moi et sa blouse bâille à m’en décrocher la mâchoire. J’aperçois des choses vachement plus fascinantes qu’une conférence sur l’habitat des pygmées d’Afrique et de l’Insulinde.

« Tiens, me dis-je en aparté moderne, il y a des lustres, voire même des suspensions, que je n’ai pas encouru une gifle féminine ; perdrais-je l’habitude de vivre dangereusement ? »

Et voilà-t-il pas que ma main gauche se laisse couler du lit, qu’elle se plaque sur le mollet de la doctoresse et qu’elle entreprend de le caresser en gagnant du terrain.

Crois-moi ou va te faire raffoler chez les Grecs, mais la personne concernée ne marque aucune réaction. Elle continue de m’investiguer les éponges, le guignol, les bronches et toute la zone nord pendant que ma sinistre lui rend la politesse en gagnant sa culotte par petites étapes feutrées.

— Vous n’avez jamais eu de souffle au cœur ?

— Je sens que ça démarre, docteur.

Ça y est, je lui ai franchi le mont de Vénus. Mes doigts, follement adroits, se faufilent par la brèche d’une fossette et poursuivent leur avance triomphale. Car sa culotte, crois-moi, c’est pas le Mur de Berlin.

— Du point de vue alimentaire, buvez-vous beaucoup d’alcool ?

— J’ai complètement cessé depuis un mois.

— Et avant ?