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Il soulève la doublure. Cachées dessous, tracées à l’encre à l’intérieur du sac, on distingue les signatures de Chantal et Pietro ainsi qu’un petit dessin de chien et une signature d’enfant, Ric. À côté, il est écrit : « Que ce projet nous porte enfin chance ». Ric a les larmes aux yeux.

— Tu sais tout, Julie. Je suis venu ici pour reprendre ce qui appartenait à mes parents et traîner ceux qui les ont tués en justice. Je n’avais pas prévu de tomber sur toi. J’ai même cru que je pourrais renoncer à ma vengeance pour vivre avec toi, mais la promesse que je me suis faite pour mes parents était trop forte. Alors j’ai préparé ce vol avec toi dans les jambes.

— Tu n’as plus besoin de ce cambriolage maintenant.

— Non. Grâce à toi et aux risques que tu as pris.

— Que vas-tu faire ?

— Raconter l’histoire à la presse, à la justice, en espérant être entendu.

Il semble épuisé. Comme si la pression qu’il subissait depuis des années retombait, s’échappait de lui. Il me regarde :

— J’ai envie de pleurer, j’ai envie de chanter, j’ai envie de me jeter sur toi pour t’embrasser.

« Je n’aime pas quand tu pleures. Je t’ai entendu au mariage de Sarah, je n’aime pas trop quand tu chantes. Par contre… »

— Julie, est-ce que tu veux bien vivre avec moi ?

« Oui ! »

— Oui.

Le reste ne concerne que nous, mais je dois quand même vous confier que je vous souhaite à tous d’éprouver un jour ce que j’ai ressenti à ce moment-là. Je dois aussi vous avouer que désormais on peut donner des leçons aux chats et que nous, on n’a pas besoin de buissons. Malgré tout ce que l’on peut se dire quand ça va mal, cette vie est notre plus grande chance. Il est 21 h 23 et je suis vivante.

76

Je sais ce que vous allez dire, mais je vous jure que ce n’est pas moi. Lundi dernier, alors que l’abject petit commercial dealer de faux médicaments venait de faire laver sa décapotable à la station-service, un individu cagoulé a surgi pour lui déverser un seau de crottes de chien sur la tête alors qu’il redémarrait. L’agresseur s’est enfui et n’a pas pu être identifié. L’intérieur de la voiture n’a pas pu être nettoyé. Je n’y suis pour rien. J’ai bien parlé de mon idée à mes amis et, dans la liste des suspects, figurent Xavier, Steve, Ric et même Sophie, mais je ne sais pas encore lequel est le coupable.

Je me suis réinscrite à des cours par correspondance et Mme Bergerot m’aide pour l’économie. Elle et Mohamed ne se chamaillent plus depuis qu’il a été hospitalisé d’urgence pour un malaise et qu’elle s’est précipitée à son chevet. Ils ne peuvent plus faire semblant, tout le monde se moquerait d’eux. Julien et Denis ont parié qu’ils finiraient ensemble.

On n’a plus jamais revu M. Calant. Théo, le fils de la libraire, s’est un peu calmé depuis qu’il a une copine, et sa mère va mieux. Lola continue le piano, elle donne un concert dans trois semaines. On a tous prévu d’y aller.

Albane Debreuil a accepté un règlement amiable pour étouffer le scandale qui aurait encore affaibli son entreprise. Dans un mois, il y aura une vitrine dans le musée qui présentera les parents de Ric et leur travail.

Pour les vacances, Sophie part en Australie. Le père de Brian est mort. Malgré la honte qu’elle éprouve à profiter de cette triste nouvelle, elle se réjouit qu’il envisage de venir s’installer ici.

Léna a eu un accident de voiture mais elle n’a rien. Les experts ont dit que ses seins lui avaient sauvé la vie. Je ne sais plus quoi penser.

Géraldine est enceinte de Mortagne. Elle est malade comme une bête, elle vomit toutes les heures. L’agence pue, même les clients se plaignent. La dernière fois, elle a dégueulé sur la fougère de Mélanie. Comptez sur moi, je lui ai bien redit qu’un enfant, c’était un miracle.

Quant à moi, comment vous dire ? Peut-être qu’un jour quelqu’un rigolera en voyant écrit « Julie Patatras » sur une boîte aux lettres, mais je m’en fiche. Ric est là. Tous les soirs, je m’endors une heure après lui parce que je veux pouvoir le regarder. Il est bien l’homme que je crois. Il m’aide à savoir qui je suis. Je me doute que la vie ne sera pas simple, je sais qu’il y aura toujours des abrutis, des cyniques, des épreuves et des injustices. Je sais que les choses sont rarement comme elles devraient l’être, mais je crois du plus profond de mon âme qu’à nous tous, on doit pouvoir survivre à cette chienne de vie.

Portez-vous bien. Aimez. Risquez. Ne renoncez jamais. Affectueusement,

Julie.

PS : Ne laissez pas les chats vous convaincre que les bonnets péruviens vous vont bien.

FIN

Et pour finir…

Une des dernières fois où mon père et moi nous sommes assis pour parler, nous étions sous un tilleul, face à une vallée, dans le Lot, et il m’a dit quelque chose que je n’oublierai jamais : « Les hommes sont stupides et les femmes sont folles, mais lorsqu’ils se rencontrent, cela donne parfois des choses très belles. »

Dans ma vie, rien n’est jamais venu démentir cette révélation.

Fils adoptif, je sais que les liens les plus forts ne sont pas uniquement ceux du sang. Les êtres à qui je tiens tellement, aussi bien dans ma famille que parmi mes amis, m’en apportent tous les jours la preuve. Je sais que ce monde ne m’attend pas et qu’être utile est encore le meilleur moyen de ne plus jamais être abandonné.

Je fais ce métier pour rencontrer. J’espère divertir, surprendre et, de temps en temps, apporter un regard qui pourrait être constructif. Je suis donc comme tous ceux de mon espèce, ambitieux sans en avoir toujours les moyens, de bonne volonté en sachant rarement comment m’y prendre. Je ne suis pas celui qui jettera la première pierre. J’ai plutôt le profil à me la prendre…

Depuis que je suis gamin, j’observe, j’écoute et, presque malgré moi, je n’oublie pas grand-chose. Parce qu’une famille m’a recueilli, parce que des familles m’ont accueilli, parce que vous me laissez être le témoin de vos existences, aujourd’hui je peux sans problème me tenir devant vous et dire que je suis faible, que je suis imparfait, mais que je suis définitivement des vôtres et que — sauf exception ! — je vous aime.

En pur mec, je dois aussi confesser que, si ce sont mes semblables qui m’ont le plus souvent fait avancer, ce sont quasiment toujours des femmes qui m’ont empêché de tomber ou qui m’ont aidé à me relever. Alors mesdames, mesdemoiselles, cette histoire est pour vous, vous qui ne voyez souvent que nous et que nous ne voyons jamais assez, vous sans qui aucun homme digne de ce nom ne fera rien de grand dans sa vie.

Merci d’avoir fait le chemin avec moi jusqu’à cette page. Chaque livre m’apporte de nouvelles rencontres, de nouveaux soutiens, et cette force — capable de résister à n’importe quelle infamie comme aux cynismes imbéciles — doit être partagée.

Alors du fond du cœur, à toi Janine Brisson, Martine Busson, Mathilde Bouldoire, Marie « Mimi » Camus, Sandrine Christ, Catherine Costes, Chantal Deschamps, Géraldine Devogel, Germaine Fresnel, Élisabeth Héon, Cathy Laglbauer, Hélène Lanjri, Gaby Le Pohro, Gaëlle Leprince, Christine Mejecaze, Christiane Mitton, Céline Thoulouze, Yvette Turpin, Isabelle Béalle-Tignon, Catherine Würgler, je vous dédie ce livre et je vous remercie. Je n’oublie pas Hélène Bromberg, Alice Coutard, Jacqueline Gilardi et Charlotte Legardinier. Je vous connais amies, sœurs, mères, admirables, bouleversantes, parfois folles (c’est papa qui le dit !), courageuses, amoureuses, abattues, éperdues, d’une patience que nous les hommes ne comprendrons jamais mais sans laquelle nous sommes condamnés. Embrassez vos magnifiques familles pour moi.