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              3 - Aujourd’hui, en décembre 2011, je n’ai aucune possibilité d’entrer physiquement en contact avec Emma…

            Malheureusement, elle est morte.

              4 -… mais l’inverse n’est pas vrai !

            Il songea à cette possibilité : si elle le voulait, l’« Emma de 2010 » pouvait à tout moment prendre un avion pour Boston et rencontrer le « Matthew de 2010 ». Le ferait-elle ? Vu l’entrain qu’elle mettait à répondre à ses messages, c’était fort peu probable.

            Nerveux, il jeta un coup d’œil à l’écran d’ordinateur. Toujours aucune nouvelle de la sommelière. Il essaya de se mettre dans la tête d’Emma : une femme intelligente, mais déstabilisée par ses émotions. Il la devinait fragile, effrayée et incrédule face à la situation. Lui avait la vidéo de Vittorio et la conversation avec son frère pour se convaincre de la réalité de ce qu’il vivait. Mais Emma n’avait pas ces éléments. Elle devait le prendre pour un fou et c’est pour cette raison qu’elle ne répondait pas à ses appels. Il devait trouver un moyen de la convaincre.

            Mais lequel ?

            Il regarda par la fenêtre. Joggeurs et vélos se partageaient la piste qui longeait la rivière, tandis que sur l’eau, les avirons fendaient les flots sous les cris des oies sauvages.

            Le diners’était vidé depuis son arrivée. Sur la table en formica qui jouxtait la sienne, Matthew remarqua le journal qu’avait laissé un des clients. C’était le New York Timesdu jour. Il ramassa le quotidien et une idée prit forme dans sa tête. À l’aide de la webcam de l’ordinateur, il photographia la une du journal – en mettant bien la date en évidence – et envoya le cliché à Emma accompagné d’un petit mot :

            De :Matthew Shapiro

            À :Emma Lovenstein

            Emma,

            Si vous aviez besoin d’une preuve que je vis en 2011, la voici.

            Faites-moi signe.

            Matt

            *

            New York

            Emma parcourut le courrier et cliqua pour ouvrir la pièce jointe. Elle zooma pour agrandir la photo et secoua la tête. Rien n’était plus facile aujourd’hui que de truquer un cliché sur Photoshop…

            Ça ne prouve rien, espèce de taré !

            *

            Boston

            Le tonnerre gronda. Le ciel s’était couvert brusquement et un déluge s’abattit sur le diner. En quelques minutes, une foule bruyante envahit le restaurant pour se protéger de la pluie.

            Les yeux rivés sur son écran, Matthew ignora l’agitation.

            Toujours pas de réponse.

            Visiblement, Emma n’avait pas été convaincue par la photo. Il fallait qu’il trouve autre chose. Et vite.

            Il se connecta au site Internet du New York Timeset lança une recherche dans les archives du quotidien. En quelques clics, il mit la main sur l’information qu’il cherchait.

            Cette fois, Emma Lovenstein ne pourrait plus l’ignorer…

            *

            De :Matthew Shapiro

            À :Emma Lovenstein

            Je vous dérange encore une fois, Emma.

            Même si vous ne me répondez pas, je suis certain que vous êtes devant votre écran…

            Vous aimez le sport ? Le basket ? Si c’est le cas, vous savez sans doute qu’il y a aujourd’hui (je parle de « votre » aujourd’hui) un match très attendu : l’affrontement entre les Knicks de New York et les Celtics de Boston.

            Branchez votre radio ou allumez votre télé sur Channel 9, et je vous apporterai la preuve que vous attendez…

            Matt

            Emma sentit son rythme cardiaque s’accélérer. Chaque courrier de Matthew lui donnait l’impression que les mâchoires d’un étau se refermaient sur elle, menaçant de la broyer. Mais l’excitation se mêlait aussi à la peur. Elle rabattit l’écran, prit son ordinateur portable sous le bras et quitta son bureau pour emprunter l’ascenseur jusqu’à l’étage inférieur où se trouvait l’espace de repos du personnel de l’Imperator. Elle poussa la porte et entra dans une vaste salle aux murs clairs, meublée de tables en bois blond, de sofas et de fauteuils Wassily.

            Emma salua les gens qu’elle connaissait : quelques employées qui papotaient en lisant des magazines sur un canapé moelleux, un groupe plus « masculin » qui s’était réuni autour du grand écran plat accroché au mur pour regarder… un match de basket.

            Emma s’installa à une table, brancha la prise de son ordinateur puis se leva pour aller se chercher une boisson au distributeur. Elle ouvrit sa canette en se rapprochant de la télévision.

            « La partie vient tout juste de reprendre au Madison Square Garden,s’enthousiasmait le journaliste. À l’orée de ce dernier quart-temps, les Knicks de New York mènent par 90 à 83. Depuis le début de la partie, les deux équipes nous offrent un face-à-face passionnant. Les joueurs des différentes formations rivalisent de… »

            Un nœud se forma dans le ventre d’Emma. C’était bien le match auquel avait fait allusion Matthew. Elle retourna s’asseoir pour suivre un peu à l’écart le déroulement de la partie. Après quelques minutes, un nouveau mail apparut sur l’écran de son ordinateur.

            De :Matthew Shapiro

            À :Emma Lovenstein

            Vous avez trouvé un écran ou un poste de radio, Emma ?

            Pour l’instant, New York est largement devant, n’est-ce pas ? Si vous regardez le match dans un bar ou un endroit public, je suis même certain que les hommes autour de vous sont déjà persuadés que leur équipe gagnera…

            Elle interrompit la lecture du mail pour lever la tête en direction du groupe d’employés scotchés devant le match. Rigolards, ils se tapaient dans les mains et applaudissaient à chaque point marqué par leur équipe. Visiblement, ils étaient aux anges. Elle poursuivit :

            … Pourtant, c’est Boston qui va l’emporter sur le score de 118 à 116. À la toute dernière seconde. Souvenez-vous bien du score, Emma :

            New York 116 – Boston 118

            Vous ne me croyez pas ?

            Regardez donc votre téléviseur…

            Son cœur cognait dans sa poitrine. Maintenant, ce type lui faisait vraiment peur. Crispée, les membres tétanisés, elle se leva difficilement de sa chaise et s’approcha pour suivre la fin du match en adressant des prières muettes pour que la prévision de Matthew ne se réalise pas.

            « Nous entrons à présent dans les cinq dernières minutes. New York mène toujours par 104 à 101. »

            Elle vécut les derniers moments de jeu avec appréhension. Pour dissiper son anxiété, elle essaya de respirer profondément. Il restait moins de deux minutes de temps de jeu et New York menait toujours.

            Une minute trente.

            Un panier des Celtics remit les deux équipes à égalité, 113 partout, puis un enchaînement de deux tirs à trois points de chaque côté rééquilibra la balance : 116 – 116.

            Emma se mordit la lèvre. Il restait moins de dix secondes lorsque Paul Pierce, l’un des joueurs de Boston, perça habilement la défense et se débarrassa de son adversaire par un stepback avant d’adresser un shoot… et de marquer deux points.