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            – Bien sûr. C’est mon ancien portable. Disque dur formaté et nouvelle version du système d’exploitation installé. Il est comme neuf !

            – Je ne sais pas trop… hésita-t-il.

            – Vous pensez que j’essaie de vous rouler ? le taquina-t-elle.

            Matthew lui rendit son sourire. Elle lui tendit sa carte de visite.

            – Écoutez, voilà ce que je vous propose : si dans les six mois, l’ordinateur a le moindre problème, je m’engage à vous le faire réparer. Mon meilleur ami s’y connaît très bien en informatique.

            Matthew regarda le bristol :

            Emma Lovenstein.

            Chef Sommelier

            Imperator

            30 Rockefeller Plaza New York, NY 10020

            – Vous travaillez au restaurant l’Imperator ?

            – Oui, vous y avez déjà mangé ?

            – Dans une autre vie, éluda-t-il en chassant un souvenir qui lui rappelait trop son mariage avec Kate.

            Le shar-pei vint se frotter contre sa jambe et jappa joyeusement.

            – Il s’appelle Clovis et on dirait qu’il vous aime bien ! s’enthousiasma Emma.

            Matt caressa l’animal. Le soleil poudroyait entre les branches.

            – Ma fille rêve d’avoir un petit chien comme le vôtre, sourit-il.

            – Quel âge a-t-elle ?

            – Quatre ans et demi.

            Emma hocha la tête.

            – Vous avez des enfants ? demanda-t-il.

            – Pas encore.

            Il sentit qu’il s’était aventuré sur un territoire intime et battit en retraite.

            – Donc, vous habitez à New York…

            – Et j’y retourne d’ailleurs dans quelques heures, fit-elle en regardant sa montre. J’étais venue donner un coup de main à mon frère, mais il ne faut pas que je loupe mon avion.

            Matthew hésita encore quelques secondes avant de se décider.

            – D’accord, je le prends, affirma-t-il en désignant la machine.

            Il fouilla dans son portefeuille. Il n’avait sur lui que 310 dollars. Gêné, il n’osa pas négocier, mais la jeune femme le mit à l’aise.

            – C’est bon, je vous le laisse à ce prix !

            – C’est très aimable à vous, répondit-il en lui donnant les billets.

            De loin, il fit signe à April qui venait d’arriver sur la pelouse. Emma lui tendit l’ordinateur qu’elle avait emballé dans le carton d’origine.

            – Donc je n’hésite pas à vous appeler si l’ordinateur ne marche pas, conclut Matthew en agitant la carte de visite.

            – Si par hasard vous aviez envie de m’appeler avant, ne vous croyez pas obligé d’attendre que la machine tombe en panne, osa-t-elle.

            Il sourit pour masquer sa surprise, et rejoignit April.

            Ils regagnèrent la voiture. Matthew insista pour conduire et ils regagnèrent Boston, coincés dans les embouteillages. Pas un seul instant il ne cessa de penser à cette Emma Lovenstein.

            *

            Boston

            Quartier de Beacon Hill

            20 heures

            Matthew borda Emily et éteignit les lumières à l’exception de la veilleuse suspendue au-dessus du lit. Avant d’entrebâiller la porte, il embrassa une dernière fois sa fille en lui promettant qu’April passerait lui dire bonne nuit.

            Puis il descendit l’escalier qui menait au salon. Le rez-de-chaussée de la demeure baignait dans une lumière tamisée. Il se pencha à la fenêtre et, pendant un instant, observa les guirlandes électriques qui clignotaient, accrochées aux grilles du parc. Puis il passa dans la cuisine et sortit un pack de bière blonde. Il décapsula une bouteille et s’apprêtait à prendre une nouvelle barrette d’anxiolytique.

            – Hé, beau gosse, fais attention avec ce genre de mélange, ça peut être dangereux ! l’interpella April.

            Chaussée sur des talons vertigineux, elle arborait un ensemble excentrique, mais chic, teinté d’une influence fétichiste. Elle avait noué ses cheveux en chignon, mis un fond de teint nacré qui faisait ressortir son rouge à lèvres couleur sang.

            – Tu ne veux pas m’accompagner ? Je vais au Gun Shot, le nouveau pub près des quais. Leur tête de porc en friture est une vraie tuerie. Et leur mojito, je ne t’en parle même pas ! En ce moment, c’est là que sortent les plus belles filles de la ville.

            – Donc, tu me proposes d’abandonner ma fille de quatre ans pour aller boire des mojitos dans un bar pour lesbiennes satanistes ?

            Agacée, April réajusta son long bracelet manchette griffé d’arabesques pourpres.

            – D’abord, le Gun Shot n’est pas un bar pour lesbiennes, s’énerva-t-elle. Et puis, je suis sérieuse, Matt, ça te ferait du bien de sortir, de voir du monde, d’essayer à nouveau de plaire à des femmes, de faire l’amour…

            – Mais comment veux-tu que je retombe amoureux ? Ma femme…

            – Je ne cherche pas à nier le traumatisme que tu as connu avec Kate, Matt, mais si tu veux surmonter cette épreuve, il faut que tu avances, que tu te secoues, que tu te donnes au moins une chance de retrouver le goût de vivre.

            – Je n’y suis pas encore prêt, affirma-t-il.

            – Très bien, je n’insiste pas, capitula-t-elle en boutonnant son cardigan et en claquant la porte derrière elle.

            Resté seul, Matthew fouilla dans le congélateur et dénicha un carton couvert de givre. Il enfourna la pizza dans le four, régla le minuteur et trouva refuge sur son canapé. Il avait besoin d’être seul. Il ne cherchait personne pour le comprendre, personne pour le consoler. Il voulait juste cuver sa douleur, avec pour seuls compagnons son fidèle tube de médocs et sa chère Corona.

            Pourtant, dès qu’il ferma les yeux, l’image de la jeune femme du vide-grenier lui apparut avec une précision étonnante. Ses cheveux ondulés, son regard rieur, ses jolies taches de rousseur, son sourire malicieux, sa voix mutine lorsqu’elle lui avait lancé :

            Si par hasard vous aviez envie de m’appeler avant, ne vous croyez pas obligé d’attendre que la machine tombe en panne.

            Tout à coup, l’évidence s’imposa : il avait très envie de revoir cette femme.

            Il se redressa et s’installa sur le comptoir en bois de la cuisine où il avait posé son portefeuille qui contenait la carte de visite :

            Emma Lovenstein… Et si je l’appelais, là, tout de suite, pour l’inviter au restaurant ?

            Il hésita un instant. Elle devait être dans l’avion pour New York, mais il pouvait tout de même lui laisser un message.

            Il composa les premiers chiffres de son numéro sur son téléphone, puis s’arrêta net. Ses mains tremblaient.

            À quoi bon continuer ?se demanda-t-il, toujours assailli par les mêmes doutes. Pas la peine de se raconter d’histoire. Il ne croyait plus au couple, à la complicité, aux émotions partagées. Il sentit la colère monter en lui.

            Quatre ans…

            Il avait vécu quatre ans avec une étrangère, une criminelle, une femme malfaisante qui l’avait manipulé comme un pantin.