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— C’est probablement les phéromones, dit Stone en fronçant les sourcils d’un air entendu.

— Appelle ça comme tu veux, mais c’est effrayant. C’est comme quelqu’un qui sortirait tout droit de Star Trek.

— Star Trek ! reprit Stone dédaigneusement.

Il termina sa quatrième bière.

— Ne me parle pas de Star Trek !

— C’était mieux que ce putain de Quincy ! affirma Kyle.

— Oui, mais la synchronisation n’était pas au point !

Stone se mit à rire.

— Peut-être qu’elle l’aurait été si les auteurs avaient été des femmes et qu’elles aient vécu ensemble !

— Bon sang, Stone, de quoi parles-tu ?

— Dans La colère de Khan, tu n’as jamais remarqué qu’au moment où Shatner ordonne au vaisseau de descendre au-dessous de 10 000 mètres, le vaisseau descend mais les propulseurs ne s’allument pas ?

— Tu plaisantes, ils ne peuvent pas avoir fait une erreur pareille ! s’insurgea Kyle.

— Vérifie toi-même ! Tu as une copie du film ?

— Oui. Ma fille Mary m’avait offert le coffret complet de Trek pour Noël, il y a quelques années.

— Alors, regarde-le, tu verras.

Le lendemain, mardi 1er août 2017, Kyle appela Heather et lui demanda s’il pouvait passer la voir le soir même.

Dès qu’il arriva, il se dirigea tout droit vers le salon et se mit à passer la bibliothèque en revue.

— Qu’est-ce que tu cherches ? demanda Heather.

— Ma copie de Star Trek II.

— Celle avec les baleines ?

— Non, celle-là, c’est la IV. La II, c’est avec Khan.

— Ah oui !

Heather se lança dans sa plus belle imitation de William Shatner : « Khannnnn ! »

— Elle est sur cette étagère-là, dit-elle en la lui indiquant. Kyle traversa la pièce et trouva la vidéo qu’il cherchait.

— Tu permets ? dit-il avec un signe de tête vers la télévision suspendue au mur.

Heather acquiesça. Après avoir glissé la cassette dans le lecteur, il alla s’installer sur le canapé en face de l’écran. Il prit la télécommande et fit défiler le film en avant.

— Qu’est-ce que tu cherches ? s’étonna Heather.

— Un gars que je connais, en anthropologie, m’a dit qu’il y avait une erreur dans le film : une scène dans laquelle les propulseurs devraient s’allumer mais qui restent éteints.

Heather eut un sourire indulgent.

— Dis-moi tout ! Tu es sur le point de révolutionner la planète par tes recherches en informatique quantique, et tu t’inquiètes de savoir si les propulseurs de Star Trek se sont allumés ?

— Attends, j’y suis presque !

« Les portes du pont s’ouvrent en chuintant. Chekov entre, un bandage sur l’oreille. L’équipage le regarde exactement comme si un parasite venait de s’extirper de sa tête en rampant. Dans la séquence suivante, Chekov révèle Uhura, Sulu, Saavik, Kirk et Spock, tous vêtus de ces uniformes en serge rouge qui les font ressembler aux Mounties. Kirk quitte sa chaise centrale et se dirige vers Spock. Ils sont poursuivis à travers la nébuleuse de Matara par Khan Noonien Singh, qui a détourné un vaisseau interstellaire de la Fédération.

— Il ne va pas s’arrêter maintenant, observe Kirk, les yeux rivés sur l’écran principal rempli de parasites provoqués par Nébula. Il m’a suivi jusqu’ici. Il va refaire son apparition. Mais d’où ?

Spock lève les yeux de son scanner.

— Il est intelligent, mais inexpérimenté. Sa typologie indique une pensée en deux dimensions.

Il dit cela en haussant ses sourcils broussailleux et en jetant à Kirk un coup d’œil complice. Un petit sourire crispé flotte sur les lèvres de Kirk. Il retourne à son poste de commandes et fait un geste en direction de Sulu :

— Arrêt total !

Adossée au mur, Heather observait Kyle avec un sourire amusé tout en sirotant un verre de vin blanc. Elle savait que son mari considérait William Shatner comme un acteur extraordinaire – il y avait quelque chose d’attachant dans le manque total de goût de Kyle. Mais après tout, il pense aussi que je suis belle, se dit-elle. On ne devrait jamais être trop prompt à vouloir élever les critères des autres.

— Alors, ces propulseurs ? s’enquit-elle une fois que Kyle eut éteint la télévision.

— Stone a raison ! Ils n’étaient pas allumés. Je n’en reviens pas !

— J’ai toujours aimé Khan, dit Heather avec un sourire.

Elle alla s’asseoir sur le canapé.

— Un type qui devient complètement dingue quand sa femme meurt… ça devrait toujours être comme ça.

Kyle la regarda tendrement.

Cela faisait maintenant un an qu’il vivait seul, pourtant ni l’un ni l’autre n’avait envisagé que cette situation puisse s’éterniser. Il n’avait été question que de quelques semaines, le temps de respirer une bouffée d’air, de prendre un peu d’indépendance.

Et puis, soudain, Becky était partie.

Et Heather s’était retrouvée seule elle aussi.

D’une certaine façon, il lui semblait désormais avoir moins de raisons de ramener Kyle à la maison, et l’idée de reconstituer la famille lui paraissait moins urgente.

La famille… elle ne lui avait jamais donné de nom. Ce n’était pas les Graves, ce n’était pas les Davis. Non, c’était « la famille », tout simplement.

Heather regardait Kyle. Le vin l’avait réchauffée. Elle l’aimait vraiment. Ce n’avait jamais été comme cette amourette avec Josh Huneker. Ses sentiments pour Kyle avaient toujours été plus profonds, plus importants, et sa relation plus satisfaisante, à plusieurs niveaux. Même s’il était resté, sous de nombreux aspects, un petit garçon. D’ailleurs, son attachement à Star Trek, comme un million d’autres choses en lui, l’attendrissait et la faisait fondre.

Elle s’approcha de lui, posa sa main sur la sienne.

Il la recouvrit de son autre main en lui souriant.

Heather lui rendit son sourire.

Et ils se rejoignirent dans un baiser.

Ils avaient échangé des baisers sans conviction pendant l’année écoulée, mais celui-ci s’attarda. Leurs langues se rencontrèrent.

L’éclairage se tamisa automatiquement lorsque Kyle éteignit la télévision. Ils se rapprochèrent l’un de l’autre.

C’était comme avant. Ils s’embrassèrent encore, puis il lui mordilla le lobe de l’oreille et passa sa langue sur son contour ourlé.

Et tout à coup, sa main trouva ses seins. Il en fit rouler le bout entre le pouce et l’index à travers le tissu de son chemisier.

Elle se sentait chaude… le vin, le désir contenu, la nuit d’été.

Sa main descendit, effleura son ventre et glissa le long de sa cuisse, entre ses jambes.

Comme tant de fois auparavant.

Soudain, elle se tendit, les muscles de ses cuisses se crispèrent.

Kyle leva les yeux.

— Qu’y a-t-il ?

Elle le regarda droit dans les yeux.

Si seulement elle pouvait savoir. Si elle pouvait en avoir la certitude.

Elle détourna son regard.

Kyle soupira.

— Je suppose qu’il vaut mieux que je m’en aille, dit-il.

Heather ferma les yeux et ne tenta rien pour l’empêcher de partir.