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— Qu’est-ce que c’est ?

— À vrai dire, je ne sais pas trop… une série de panneaux.

— De quelle grandeur ?

— Je n’en ai aucune idée.

L’ingénieur fronça les sourcils, mais Heather n’aurait pu dire s’il voulait exprimer par là « quelle idiote » ou « encore une qui veut jouer les artistes ».

— C’est un peu vague, soupira-t-il.

Heather lui adressa son plus charmant sourire. Les écoles d’ingénieurs comptaient maintenant cinquante pour cent d’étudiantes, mais Komensky était assez âgé pour se souvenir de l’époque où les ingénieurs étaient tous des hommes frustrés de passer des journées entières sans apercevoir une femme.

— Je suis désolée, dit-elle. Je travaille sur les messages radio des extraterrestres et…

— Je savais bien que je vous avais déjà vue quelque part ! C’est à la télé, mais dans quelle émission ?

La question embarrassa Heather ; elle avait participé à de nombreuses émissions, récemment, mais comment le dire sans paraître prétentieuse ?

— C’était sur Newsworld ? hasarda-t-elle.

— Oui, peut-être. Alors, ce que vous me demandez, ça a un rapport avec les extraterrestres ?

— Je n’en suis pas très sûre, mais je crois bien. Je veux faire une série de carreaux représentant les grilles des messages extraterrestres.

— Combien y a-t-il de messages ?

— Deux mille huit cent trente-deux, au moins, la plupart non décodés. Ce sont les seuls que je veux mettre en carreaux.

— C’est très particulier.

— Je sais.

— Mais vous ne savez pas de quelle grandeur ils doivent être ?

— Non.

— Dans quel matériau les voulez-vous ?

— Avec deux substances différentes.

Elle lui montra son dossier de données. Deux formules chimiques apparurent sur l’écran.

— Pouvez-vous en faire la synthèse ? Il jeta un coup d’œil sur l’écran.

— Bien sûr, cela ne présente aucune difficulté. Mais êtes-vous sûre qu’elles resteront solides à température ambiante ?

Les yeux de Heather s’agrandirent. Elle avait lu tout ce qui avait été écrit sur ces formules chimiques, dix ans auparavant, quand elles avaient été synthétisées pour la première fois, mais elle n’y avait plus guère pensé depuis.

— Je n’en sais absolument rien !

— Celle-ci doit l’être, dit-il en montrant la formule du haut. Quant à celle-ci… bon, on verra. Ces formules viennent des messages extraterrestres ?

Heather hocha la tête.

— Elles figuraient dans les onze premières pages. Ces composants ont déjà été synthétisés, naturellement, mais personne n’a encore pu comprendre à quoi ils pouvaient servir.

Komensky parut impressionné.

— C’est passionnant.

Elle hocha la tête.

— Je voudrais que les bits « zéro » soient faits avec l’une de ces substances, et les bits « un » avec l’autre.

— Voulez-vous que l’un recouvre l’autre ?

— Recouvre ? Non, non, j’aimerais que vous les fabriquiez avec ces deux matériaux.

Komensky se rembrunit.

— Attendez. Il me semble que cette formule est celle d’un liquide, mais il peut produire une croûte dure en séchant. Vous voyez, il y a de l’oxygène et de l’hydrogène. Ils peuvent s’évaporer comme l’eau, et laisser un matériau solide.

— Voilà qui apporterait une solution à un problème important, que j’ai été incapable de résoudre.

— Lequel ?

— Eh bien, j’ai essayé de comprendre à quelle substance pouvaient correspondre les bits « un » et à laquelle correspondaient les bits « zéro ». Les « uns » sont des bits de « dessus », donc ils doivent représenter la peinture… elle doit aller sur le… sur le…

— Le substrat, comme nous l’appelons en science des matériaux.

— Oui, c’est ça… le substrat.

Elle fit une pause.

— Est-ce que ça vous paraît compliqué à réaliser ?

— Eh bien, encore une fois, cela dépend de la grandeur des carreaux.

— Ils ne sont pas tous de la même taille, mais les plus grands eux-mêmes ne doivent pas dépasser quelques centimètres. Il faut que je puisse les assembler.

— Les assembler ?

— Oui, les poser côte à côte. Si on arrange correctement chaque groupe de cinquante-neuf carrés, ils forment un carré parfait – et on ne peut obtenir cela qu’en les disposant d’une seule manière.

— Pourquoi ne pas fabriquer directement les grands panneaux plutôt que les carreaux individuels ?

— Je ne sais pas. Les carreaux eux-mêmes ont peut-être une signification. Je ne veux pas me contenter d’une hypothèse.

— Comme pour les bits de « dessus » qui vont « sur » le substrat ? dit-il d’un ton taquin.

Heather haussa les épaules.

— C’était une supposition comme une autre.

Il hocha la tête, lui accordant ce point.

— Ainsi, vingt-huit centaines de carreaux font combien d’ensembles de carreaux plus importants ?

— Quarante-huit.

— Et qu’allez-vous faire avec ces carreaux ?

— Je vais les assembler en cubes – puis assembler ces cubes en un hypercube déplié.

— Oh ! C’est impressionnant !

— Assez, oui.

— Bon. Voulez-vous que l’objet fini soit suffisamment grand pour que vous puissiez vous glisser à l’intérieur d’un de ces cubes ?

— Non, ce ne sera pas…

Elle s’interrompit.

Après tout, aucune échelle n’était spécifiée nulle part. Apparemment, les dimensions de cette construction n’étaient suggérées dans aucun message.

« Faites-le de n’importe quelles dimensions, semblaient dire les extraterrestres. Faites-le à vos dimensions ! »

— Oui, oui, ce sera parfait ! Suffisamment grand pour que je puisse m’y introduire.

— Bon, d’accord. Nous pouvons fabriquer les carrés qui formeront le substrat, pas de problème. Vous les voulez de quelle épaisseur ?

— Je n’en sais rien. Aussi minces que possible, je suppose.

— Je peux les faire d’une molécule d’épaisseur, si vous voulez.

— Non, pas aussi minces. Ils doivent tenir ensemble. Un millimètre ou deux, plutôt.

— Pas de problème. Nous avons une machine qui fabrique des panneaux de construction en plastique pour l’École d’Architecture ; elle est assez facilement modifiable pour produire les carreaux dont vous avez besoin. Est-ce que vous préférez qu’ils aient un bord lisse, ou qu’ils aient une rainure et une languette pour qu’ils puissent s’ajuster ?

— Vous voulez dire qu’ils pourraient former un grand morceau solide ?

Komensky acquiesça.

— Ce serait formidable.

— Et l’autre produit chimique, on le recouvre de peinture ?

— Je croyais que je serais obligée de le faire à la main, dit Heather.

— Bien sûr, vous pourriez le faire, mais nous avons des pulvérisateurs microscopiques programmables qui peuvent travailler à votre place, à condition que la substance ait un taux de viscosité suffisamment bas. Ces pulvérisateurs, nous nous en servons pour peindre des motifs sur les panneaux que les étudiants en architecture nous commandent – vous voyez, des contours de brique, ou des petits points pour représenter les rivets, des trucs comme ça.

— Ce sera parfait. Pour quand pouvez-vous le faire ?

— Pendant l’année scolaire, nous sommes généralement très pris, mais en été, nous avons beaucoup de temps libre. Nous pouvons nous y mettre immédiatement. Il y a toujours deux ou trois étudiants qui traînent par là. Je vais en faire travailler un sur ces produits. Comme je vous l’ai déjà dit, leur composition paraît assez simple à première vue, mais nous n’en aurons la certitude que lorsque nous essaierons vraiment de les synthétiser.