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— Merci, je me débrouillerai, répondit-elle.

Elle eut l’impression que Paul était déçu mais, apparemment, il avait bien capté le message. Impossible de survivre dans un contexte universitaire si vous n’en étiez pas capable – exception faite de ce type en anthropologie, Bendey, Bailey, quel que fût son nom.

Heather regarda les deux boîtes. Elle allait se bousiller le dos si elle essayait de les transporter toute seule jusqu’à Sidney Smith, et avec cette chaleur. Après tout, c’était idiot de ne pas accepter sa proposition.

— D’un autre côté, commença-t-elle.

Le visage de Paul s’illumina.

— À vrai dire, je ne refuse pas votre aide…

— Je suis à vous dans une minute ! s’empressa-t-il de répondre en sortant du laboratoire.

Il revint peu de temps après, poussant devant lui deux chariots, qui semblaient vouloir se diriger dans deux directions opposées. Heather vint à sa rescousse. Leurs mains s’effleurèrent au moment où elle saisit l’un des chariots.

— Merci, dit-elle.

Paul sourit.

— Je vous en prie.

Il fit rouler le sien jusqu’aux boîtes et en chargea une à l’aide du palan. Il recommença l’opération avec le second chariot.

— Il vous faudra des pinces et des trombones si vous voulez les assembler en cubes.

Il prit une troisième boîte, qu’il avait préparée à l’avance, et la déposa sur celle qui se trouvait dans son chariot.

— Il y a également quelques poignées en verre dans cette boîte. Il lui en montra une.

— Vous en avez déjà vu ? On les utilise pour transporter les panneaux de verre, mais elles peuvent vous être utiles pour manœuvrer vos grands panneaux quand vous les aurez ajustés.

— Vous avez pensé à tout !

— Naturellement, vous savez qu’un véritable tesseract n’a que vingt-quatre faces ?

— Pardon ? fit Heather, interloquée. Mais Kyle m’a dit… Heather eut un accès de panique. Elle ne pouvait pas avoir fait une erreur aussi monstrueuse !

— Oh, quand il est déplié, il apparaît avec quarante-huit faces, mais replié, chacune des faces en touche une autre, ce qui n’en laisse que vingt-quatre. Celle du fond se replie sur celle du haut, les cubes latéraux se replient à l’intérieur, et ainsi de suite. Évidemment, il n’y a aucun moyen de le plier réellement.

Il s’interrompit.

— On y va ? demanda-t-il.

Heather secoua la tête, et ils se mirent en route, poussant chacun un chariot.

Naturellement, une fois qu’ils seraient arrivés à son bureau, elle pourrait le remercier et le laisser partir.

D’un autre côté, il s’agissait de deux mille huit cents tuiles ! Elle allait passer le restant de ses jours à les assembler !

Paul aurait peut-être envie de l’aider ?

Non, non. Elle ne pouvait pas lui demander ça, elle ne pouvait pas passer davantage de temps à ses côtés. Il fallait déjà éclaircir les choses avec Kyle.

Cependant…

Était-ce du domaine du possible ? Comment Heather pourrait-elle jamais avoir la certitude que Kyle était innocent ? Et si elle n’en était pas convaincue, allait-elle se tendre comme une corde de violon chaque fois que Kyle l’effleurerait ?

Elle jeta un coup d’œil à Paul tandis qu’ils marchaient en direction de St. George.

Ses mains enveloppaient la poignée de caoutchouc rouge. De belles mains, fortes. Des doigts longs.

— Vous savez, dit Heather, un peu gênée. Si vous n’avez rien d’autre à faire, je serais contente d’avoir quelqu’un pour m’aider à assembler tout ça.

Il la regarda en arborant un très beau sourire.

— Bien sûr, dit-il. Cela me ferait le plus grand plaisir.

Paul et Heather arrivèrent enfin de l’autre côté du campus, après avoir soufflé quelques minutes sur un banc du parc. Ils remontèrent la rampe jusqu’à l’entrée de Sidney Smith Hall. Un étudiant costaud, juste en face d’eux, portait une veste en cuir bleu marquée « Kolmex » au dos. Heather se dit que son statut de joueur de football devait être très important pour son image personnelle pour qu’il porte une veste en cuir au milieu du mois d’août. Elle espérait qu’il allait au moins leur tenir la porte, mais il la laissa se refermer bruyamment derrière lui. Paul haussa les sourcils et partagea avec Heather un regard qui en disait long sur les jeunes d’aujourd’hui. Il bloqua son chariot pour pouvoir ouvrir la porte.

Ils arrivèrent bientôt au bureau de Heather.

— Vous partagez votre bureau avec quelqu’un ? remarqua Paul en jetant un coup d’œil autour de lui.

Heather acquiesça. Même les universités avaient leur ordre hiérarchique.

— Je ne suis qu’un professeur associé, dit-elle. J’ai pris plusieurs années de disponibilité pour m’occuper de mes filles – je suppose qu’il faut que je me rattrape. C’est Omar Amir qui partage mon bureau. Il est en vacances.

Heather fit sortir la boîte du chariot en la poussant du pied sur la plate-forme, puis elle s’affala sur une chaise pour reprendre son souffle. Elle secoua légèrement la tête et parcourut la pièce du regard. Ils allaient être obligés de déplacer le bureau d’Omar, quelle joie ! En le poussant contre la bibliothèque, il y aurait suffisamment de place sur le sol couvert de moquette pour commencer à assembler le puzzle des extraterrestres.

Paul s’était assis sur la chaise d’Omar. Ils discutèrent un moment, avant d’entreprendre le déménagement du bureau. Ensuite, Heather fit un tirage papier du plan du programme assisté par ordinateur pour le premier panneau. Elle ouvrit la première boîte de carreaux et s’assit sur la moquette, les jambes en tailleur. Paul s’installa à un mètre d’elle, mais une légère odeur de transpiration arriva aux narines de la jeune femme. Cela faisait un bout de temps qu’elle n’avait pas senti la transpiration d’un homme.

Ils se mirent à assembler les carreaux. C’était gratifiant de voir les motifs, qui sur chaque carreau semblaient être dus au hasard, correspondre parfaitement d’un carreau à l’autre.

Tout en travaillant, elle pensait vaguement aux noms que Paul avait employés pour le joint posé au bord des tuiles : languette et rainure. Plusieurs bonnes blagues lui vinrent à l’esprit, mais elle les garda pour elle.

Vers 20 heures 30, Paul et Heather commandèrent une pizza et deux Coca Cola ; Heather constata avec plaisir qu’ils s’étaient tout de suite mis d’accord pour la garniture de la pizza. Avec Kyle, il fallait toujours s’attendre à une longue série de négociations.

Paul tendit sa carte bancaire au livreur, mais Heather insista pour payer. Autre constatation agréable, il accepta avec naturel.

À 22 h 30, l’assemblage des quarante-huit grands panneaux était presque terminé. Chacun mesurait environ soixante-dix centimètres de côté. Ils prenaient appui contre le bureau d’Omar.

Maintenant, il fallait construire ce fichu engin. À l’aide des trombones et des pinces que Paul avait apportés, ils connectèrent les côtés. Au bout d’un moment, ils obtinrent huit cubes.

Globalement, les marques de peinture – qui brillaient légèrement comme du mica – ne composaient toujours pas un dessin reconnaissable, mais elles semblaient flotter à la surface des boîtes, formant une grille compliquée qui évoquait des circuits imprimés.

En se guidant sur le plan assisté par ordinateur, ils continuèrent à réunir les cubes en un ensemble plus important. Le plafond n’étant pas assez haut, ils ne pouvaient pas redresser l’objet et ils durent le monter horizontalement, l’axe, composé de quatre cubes, étant incliné presque parallèlement au sol.