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Mais aucune connexion ne se produisit. Kyle n’avait jamais vu le grain de beauté de sa fille.

Il est entré dans ma chambre, il m’a fait enlever ma chemise, il a caressé mes seins, et puis…

Et puis, rien. Kyle n’avait jamais vu Becky les seins nus, du moins jamais après la puberté, quand elle commençait à avoir une poitrine de femme.

Heather se sentit trembler. Ce n’était jamais arrivé, sa fille n’avait jamais subi d’attentat à la pudeur.

Brian Kyle Graves était un homme bon, un bon mari, et un bon père. Il n’avait jamais fait le moindre mal à sa fille. Heather en était convaincue. Elle n’avait plus de doute, enfin !

De grosses larmes roulèrent le long de ses joues, mais c’est à peine si elle s’en rendit compte ; quelques-unes glissèrent entre ses lèvres ; ce goût salé, cette humidité, elle les ressentit comme une intrusion du monde extérieur.

Elle s’était trompée, au point de suspecter son mari. Si elle avait été à sa place, accusée à sa place, il serait resté à ses côtés, il n’aurait jamais douté de son innocence. Mais elle avait douté de la sienne. Elle avait été terriblement injuste envers lui. Bien sûr, elle ne l’avait jamais accusé directement. Mais la honte provoquée par son manque de confiance en lui était insupportable.

Heather fit l’effort de volonté indispensable pour s’extirper de l’espace psychique. Elle enleva la porte cubique et sortit en chancelant dans la lumière violente des projecteurs de théâtre.

Elle s’essuya les yeux, se moucha et alla s’asseoir à son bureau. Le regard fixé sur les rideaux délavés, elle se demanda comment elle pourrait jamais se racheter par rapport à son mari.

Chapitre 31

La sonnette de la porte du laboratoire retentit. Deux étudiants travaillaient avec Kyle. L’un d’eux se dirigea vers la porte, qui glissa silencieusement.

— Je désire voir le professeur Graves, dit l’homme campé sur le seuil.

Kyle leva les yeux.

— Monsieur Cash ? dit-il en traversant la pièce, la main tendue.

— Lui-même… J’espère que vous ne m’en voudrez pas de venir sans rendez-vous, mais…

— Non, non, pas du tout !

— Où pouvons-nous parler tranquillement ?

— Dans mon bureau.

Kyle se tourna vers un étudiant.

— Pietro, voyez si vous pouvez trouver la solution de l’erreur, s’il vous plaît. Je reviens dans quelques minutes.

Le jeune homme hocha la tête. Kyle conduisit Cash par le couloir tournant qui menait à son bureau. Une fois arrivé, il s’affaira pour dépoussiérer la seconde chaise, pendant que Cash admirait le poster représentant les Allosaurus.

— Ne faites pas attention au désordre, dit Kyle.

Cash cala son corps osseux dans la chaise.

— Le week-end est passé, professeur Graves. J’espère que vous avez eu le loisir de réfléchir à l’offre que vous a faite la Banking Association.

Kyle acquiesça.

— Oui, j’y ai pensé.

Cash attendit patiemment.

— Je suis navré, monsieur Cash. Je n’ai vraiment pas envie de quitter l’Université. Elle a été très bonne pour moi pendant des années.

Cash secoua la tête.

— Je sais que vous avez rencontré votre épouse à l’Université, et que vous y avez passé tous vos examens.

— Exactement, affirma Kyle. Je m’y sens chez moi.

— Il me semble que mon offre était très généreuse, dit Cash.

— Tout à fait.

— Mais s’il le faut, je peux vous offrir davantage.

— Ce n’est pas une question d’argent. J’en parlais à quelqu’un d’ici, ce matin. J’aime ce lieu, et j’aime savoir que mes travaux de recherche vont être publiés.

— Mais l’impact sur l’industrie bancaire…

— Je comprends bien qu’il y ait des problèmes potentiels. Mais croyez-vous que mon intention soit de provoquer le chaos ? De l’eau coulera encore sous les ponts avant que la sécurité des cartes à puce ne soit vraiment menacée. Écoutez, je crois qu’il serait préférable que vous considériez les choses de cette façon : vous venez d’être averti que les ordinateurs quantiques sont vraisemblablement sur le point de trouver la solution ; maintenant, vous pouvez travailler sur une nouvelle solution de décodage. Vous avez survécu à l’an 2000, vous survivrez bien à cela, j’en suis persuadé.

— J’espérais, dit Cash, conclure cette affaire de la manière la plus rentable possible.

— En m’achetant.

Cash resta un instant silencieux.

— Il y a beaucoup de choses en jeu ici, professeur. Quel est votre prix ?

— Pour mon plus grand bonheur, monsieur Cash, je viens de découvrir que je n’en ai pas.

Cash se leva.

— Tout le monde en a un, professeur. Tout le monde.

Il se dirigea vers la porte.

— Si vous changez d’avis, contactez-moi.

Et il sortit.

Heather devait convaincre de la vérité la seule fille qui lui restait. Si elle voulait réunir sa famille, elle devait commencer par Becky.

Mais cela faisait naître une question encore plus cruciale.

Quand Heather allait-elle rendre publique sa découverte de l’espace psychique ?

Au début, elle avait voulu la garder secrète en attendant de développer une théorie suffisamment solide pour être publiée.

Mais maintenant qu’elle tenait cela.

Elle n’avait encore rien divulgué publiquement. Il lui aurait suffi, pour préserver ses droits, d’envoyer un brevet au groupe de presse de l’Alien Signal Center. Plus tard, il y aurait des articles de journaux revus par ses pairs, mais si elle le souhaitait, rien ne l’empêchait d’annoncer sa découverte dès maintenant.

Selon Platon, une vie non analysée ne valait pas la peine d’être vécue. Mais il faisait allusion à l’introspection.

Quel être humain pourrait vivre en sachant qu’à tout instant, n’importe qui aurait la possibilité de venir fouiller dans ses pensées ? Qu’adviendrait-il de l’intimité ? Des secrets des affaires ? De la justice criminelle ? Des relations sociales ?

Il fallait s’attendre à un bouleversement terrible, et Heather n’était vraiment pas convaincue qu’il serait bénéfique à l’humanité.

Mais au fond, ce n’était pas la raison pour laquelle elle gardait sa découverte secrète, si noble que pût être cette préoccupation pour l’intimité des autres, bien qu’elle aimât croire qu’elle accordait quelque intérêt à cette question ; excepté en ce qui concernait Kyle, elle avait repoussé la tentation, elle n’avait pas pénétré dans la pensée de ceux qu’elle connaissait personnellement.

Non, la véritable raison pour laquelle elle n’avait pas publiquement annoncé cette découverte était beaucoup plus simple ; elle aimait, du moins pour l’instant, être la seule à posséder le pouvoir que cette découverte lui conférait. Elle avait quelque chose qui n’appartenait qu’à elle, et qu’elle n’avait pas envie de partager, du moins pas tout de suite.

Elle n’était pas très fière de cette constatation, mais c’était la vérité. Superman avait-il passé la moindre seconde à tenter d’imaginer comment il pourrait donner des pouvoirs surnaturels au reste de l’humanité ? Non, bien sûr. Il avait simplement profité de la chance. Alors, pourquoi sa priorité à elle serait-elle de partager sa découverte ?

Il fallait déjà qu’elle trouve dans l’espace psychique tout ce qui correspondait directement aux archétypes jungiens. Elle ne pouvait pas désigner une partie quelconque du maelström et déclarer qu’il représentait la source des symboles humains ; impossible de montrer une bande d’hexagones et de dire qu’elle abritait, par exemple, l’archétype du héros guerrier. Cependant, le simple fait de réfléchir à ce qu’elle allait faire de sa découverte lui donnait un aperçu de son propre psychisme.