— Eh bien, je lui demande, vous attendez quoi ? Que je vous dise merci ?
Comme une automate, elle fait un pas. Un pas en avant comme le font les gonzesses avec bibi… Et ce pas, mes petits rats, la met si près de San-Antonio que vous ne pourriez glisser votre feuille d’impôts entre nous deux.
Je prends ses hanches et je commence à la peloter, histoire de vérifier qu’elle n’a pas d’armes. Mais non, elle n’en a pas. Du moins pas d’autres que ses charmes…
Ce qu’elle peut être enamourée, la donzelle ! Oh ! madame… Comme si j’avais commencé à la guider dans les vertiges de l’amour. Pour ce genre d’ascension, je suis toujours premier de cordée, nature !
Ces petites Allemandes, la mort les excite… Elle est pâmée parce que nous avons deux cadavres à nos pieds, dont celui de son jules, et qu’elle mesure mieux l’ardeur de la vie… la fougue de son sang dans cette nécropole miniature…
Mais le petit San-Antonio n’est pas un sadique… J’ai pas besoin de porter mon alcôve dans les cimetières pour jouer le grand air d’Adam et Eve…
Alors, je la prends dans mes bras, juste comme Tristan ferait à Iseut… Et je la porte dans la pièce du dessus…
Et si Tristan avait fait comme moi, à partir de maintenant, il ne lui serait pas arrivé tous ces pépins !
CONCLUSION
— Vous prenez un cigare ?
Lorsque le grand patron vous pose cette question, c’est comme si Napoléon vous pinçait l’oreille.
Je ne peux m’empêcher de rougir, ce qui, n’est-ce pas ? est l’indice d’un cœur pur.
— Volontiers, boss.
Je puise un barreau de chaise dans son coffret.
— San-Antonio, fait-il, il y a une chose que je ne m’explique pas…
— Je sais…
— Que voulait vous faire avouer Muller ? Il avait récupéré l’invention, puisqu’il tenait le complice de la Roumaine. Et puisque, de son propre aveu, ce garçon avait parlé…
— Voyez-vous, chef, je dis, ce pauvre type n’était pas si bêta que cela. En essayant de refiler l’invention à Muller après l’échec de l’ambassade, il essayait de sauver les meubles.
— Comment cela ?
— Le détonateur ne marchait pas… Sans quoi, il aurait certainement tenté de le fourguer à une nation, c’est-à-dire à de gros moyens financiers… Mais, je vous le répète, l’appareil ne fonctionnant pas, tout ce qu’il pouvait espérer faire, c’était traiter avec Muller. Pour vendre le détonateur à une puissance, il aurait dû donner une démonstration de son efficacité. C’était impossible. Alors, il avait une chance avec l’homme aux cheveux gris, car ce dernier récupérait un bien qu’il avait eu l’occasion d’apprécier.
« C’était valable comme argument. Hélas pour le gars, Muller connaissait trop bien l’appareil. Il s’est aperçu de la supercherie… »
C’est là que je l’attends, le boss.
— L’autre matin, dis-je, après l’agression dont j’ai été victime chez moi, j’ai demandé à Grignard, du labo, de me fabriquer d’urgence un autre disque identique à celui que je détenais, mais avec néanmoins assez de variante pour qu’il ne fonctionne pas. Car, jusqu’à ce que je sache son utilisation, je croyais qu’il s’agissait d’une espèce de clé secrète. J’avais compris que des gens tenaient à cela puisque, de l’aveu même de Gerfault, cela représentait une fortune. Or il ne fait pas bon avoir une fortune sur soi. Les damoches au pèze se font faire des copies de leurs diams pour sortir. J’ai fait de même et bien m’en a pris. Maintenant, si vous tenez à avoir le vrai, vous n’avez qu’à soulever la plaque de verre de votre bureau… Je l’ai glissé dessous, l’autre matin, tandis que vous donniez des instructions au planton…
Il est trop flagada pour parler.
— Du coup, c’est la France qui hérite du détonateur, je fais. Pour une fois !
« Vous permettez que je garde ce cigare pour mon dessert, patron ? »