Et parce que je me sens massacreur, soudain, j’ai envie de courir écrire d’eux, pour bien les dire tels qu’ils sont, sans rien oublier, mais j’en oublie. J’en oublierai toujours. Ils sont pires ; bien pires. Pires qu’ils m’apparaissent. Leur substance m’échappe, je ne conserve d’eux que des bribes, l’essentiel reste en eux. Faut se cacher, plus les voir. Quand ils écrivent je réponds pas. Ah ! la somptuosité du silence ! S’ils me traquent, je change le sujet coûte que coûte, ou alors les envoie chier avec gros fracas. En leur hurlant qu’ils me brisent les couilles, que cons à un tel point, ils doivent obligatoirement aller se faire sodomiser par n’importe qui, n’importe quoi pourvu que ça soit gros et que ça aille loin. Et quand je parviens à changer le cap de la converse, je les entraîne sur des choses insolites. Je leur parle de Virginie Guillet, de La Tour-du-Pin. Ils croient à une poéteuse à cause de « La Tour-du-Pin », fatal. Je leur explique que Virginie Guillet, faut l’agiter avant l’emploi, la tenir à l’abri du gel. Virginie Guillet, c’est une partie de ma vie. L’étiquette a été modifiée, mais la formule est inchangée. Elle a connu des tribulations, Virginie Guillet (la véritable). Le temps n’est pas simple. Mais elle existe toujours. Elle a eu d’abord pour successeur M. Paul Strassarino, son employé et héritier. Les motivations de ce legs, je les perçois pas en plein, j’imagine, je constate. Paul Strassarino, de Jallieu, tu te rappelleras ? Ensuite, M. Barrier a acquis de l’hospice de Jallieu, qui était légataire universel des époux Strassarino, la marque et la recette de ce produit préparé dans son laboratoire aux Abrets (Isère). Et de nos jours, Virginie Guillet, la grande, la seule, la VÉRITABLE est entre les mains de S. Chabert (comme le colonel) de Saint-André-le-Gaz. Je te donne pas son téléphone, tu serais capable de l’emmerder pour rien.
Oui, ces blêchards malséants, nauséabonds, scatophages, pour les dérouter, que dis-je : les dissiper, je leur raconte la Véritable Virginie Guillet de La Tour-du-Pin. Et puis les époux Strassarino, et maintenant, S. Chabert de Saint-André-le-Gaz (dont cause Daninos dans le Major Thompson, je crois me souvenir). Je leur raconte bien Virginie Guillet, sa présentation, son goût, ses vertus, la manière qu’il faut l’agiter avant l’emploi, cette chérie.
Ils ouvrent de grands yeux. Ils me croient dingue. Et comme je le suis, je prends mon panard.
Un jour, j’écrirai la vie édifiante de Virginie Guillet. En attendant, gaffez-vous des contrefacteurs (ils sonnent toujours deux fois). Et souvenez-vous que la dose à administrer varie selon la taille et l’âge du sujet.
Une fois le short écossé, le short en est jeté, le slip constitue un jeu d’enfant polisson. Si ténu, si arachnéen. Pelure d’oignon, si tu me permets. Vlouff ! le temps d’un soupir il est à dache.
Moi, ce que je trouve affriolant, c’est de calcer une frangine dans un boxon fermé depuis deux mille ans. Je l’entreprends à la langoureuse, puis je lui dénote mes intentions, les précise, les lui signifie avec accusé de perception.
Tu connais le Danemark ?
Non ? Eh bien approche-toi pour visionner un peu l’hémisphère Sud de cette gosse ! La perfection ! Des cuisses que je savais déjà, mais, fallait les avoir dans leur entier pour mesurer leur à quel point. Une toison pas bête du tout, d’un blond un peu fauve, et pas taillée en brosse, ni crêpée, mais mousseuse, tu piges ? C’est beau comme une belle fleur. Je la mettrais à ma boutonnière, si j’osais, mais je n’ai pas de veston. On commence par le « Y » renversé. C’est délectable. L’endroit est couvert de graffitis. Parmi beaucoup, je lis, en français authentique : Si tu veux en prendre une comme celle à Priapos, viens chez moi, Lucienne, et oublille pas la vaseline. Dédé. Un de mes compatriotes est donc passé par là ! Et il a eu la noble idée de laisser une trace de son passage. Un message patiemment gravé dans la pierre et qui défiera les siècles à venir. Ah ! cher Dédé inconnu, mon frère, comme bien t’en a pris de t’exprimer avec tant de fougue en ces lieux vénérables. Comme ces mots traduisent parfaitement l’âme d’une nation !
Je ressens un élan formidable pour damner ma Danoise. Une propulsion forcenée.
Je la gloutonne à perdre haleine. Puis me l’acalifourchonne à la cosaque.
Allez ! Allez ! France !
Elle mène grand tapage. Ne s’exprime plus que dans sa langue paternelle (sa mère est bulgare, je te le rappelle). C’est pas harmonieux, le danois, faut convenir. Ça gutture vachement. C’est plein de trémas partout, mais qu’est-ce qu’on en a à branler en ce divin moment, Ernest ? Tu peux me le dire ? L’héroïque langage du pied est international. La douleur et la jouissance ont des accents d’une éloquence qui confine à l’évidence. Je me rappelle avoir vu, jadis, dans une provinciale ville, un gros monsieur sous les roues d’un tramway. Ah ! Dieu qu’il criait ! Comme il clamait son horreur en sonorités éloquentes ! Comme sa trouille et sa souffrance étaient bien dites, incontestables. Il y avait du goret saigné dans sa clameur. Son épouvante avait je ne sais quoi de grandiose, qui me retenait de compatir ; tu ne trouves pas ça surprenant, toi ? J’étais là, à le considérer sous ce monstre de ferraille rouge, à faire sa connaissance tant bien que mal ; et je m’arrêtais devant sa grosse trogne hallucinée comme devant une toile de Jérôme Bosch, me disant qu’elle était extraordinairement belle et surprenante ainsi vouée à l’indicible.
Selma, du point de vue intensité de l’expression, elle rejoint mon écrabouillé d’autrefois. Faut l’entendre dans l’ancien boxon d’Ephèse, annoncer son panard au monde immense et radieux. Foin des insectes bourdonneurs. Leurs crépitements ont cessé. Il n’y a plus que les cris de délivrance infinie de cette jeune femme deshortée, que je fourre à présent côté pile tandis qu’elle prend appui des deux mains contre un mur en ruine. Cette position n’est pas à la portée de toutes les bourses, tu le sais. Faut pas tricher sur les érections municipales dans ces cas-là. Le gonzier qui baise à la limite du hors jeu, avec un chausse-pied, de la vaseline et des pensées salaces peut aller se rhabiller. L’exploit est prohibé pour les chipoteurs du gland. S’agit de payer cash, d’avoir du muscle, des nerfs, du souffle et le temps devant soi ! Si mauviette, mal bandant, asthmatique, s’abstenir.
Tu aurais vu M. Anatole, tiens ! Un maître. Il m’arrivait, avec des copains étudiants, d’aller au bouic de la mère Ripaton qui possédait une salle de manœuvre avec glaces sans tain, uniquement pour visionner les prouesses de M. Anatole, un petit gus à la Dubout, maigrichard, mal poilé, blême et tapissé de veines bleues pas agréables. T’embroquait des gaillardes comme un gorille, M. Anatole. En levrette, toujours, comme s’il eût ignoré toute autre position. Braqué moyen, mais seigneur, quelle énergie ! Le godoman royal. Il l’avait en arc de cercle, la tronche tournée vers le haut. Et fallait le voir s’approcher de l’établi : sûr de lui et dominateur, aurait dit de Gaulle ! La trique bastonnante déjà, fouettant l’air comme un métronome pour faire ses gammes avant-coureuses. Il avait tout de l’animal ; une preuve ? Il se servait jamais de ses mains, M. Anatole. Il emplâtrait ces dames au jugé, au jaugé plus exactement. Ah ! il mettait pas longtemps pour trouver son chemin. A croire qu’il se téléguidait Coquette, l’artiste. Elles raffolaient de lui, les petites dévergondées à maâme Ripaton. C’étaient des bourgeoises gentilles qui se refilaient l’adresse et venaient éponger leurs glandes, temps à autre, pour dire de voir Naples et mourir avant d’aller chercher leurs mômes à l’Institut Saint-Frusquin. Mme Ripaton les appréciait beaucoup parce qu’elles étaient plus salopes que les vraies putes, ce qui comblait ses clients. Elles montaient en ligne crânement, de tout leur cul, de tout leur cœur, manière de se déténébrer le matrimonial, si fastidieux souvent, avec ces cons qui ne pensent qu’aux affaires et au tennis et juste des adresses de restaurants ; cocus, va !