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Bon, on grimpe dans le bus. Dans le milieu, il y a une double porte pneumatique au niveau du marchepied. Les gamins grimpent sur celui-ci en brandissant leurs pauvres denrées. Et puis, soudain, l’un d’eux pousse un cri de trident et la volée de mômes s’égaille en un instant.

— Attention ! hurle le guide.

Lui sait. Nous on demande à comprendre.

— Descendez tous ! glapit l’homme au drapeau blanc.

Il a donné l’exemple, et le chauffeur idem qui vient de plonger par sa fenêtre.

Un Flamand rose et sa Flamande rigolent de cette agitation en s’entre-interrogeant à propos de quoi elle rime. D’autres gens paniquent. Moi, j’ai pigé. L’un des gamins a virgulé une bombe dans le bus au moment où la porte pneumatique se fermait. J’ai déjà lu ça dans les baveux. Et cette bombine, tu sais quoi ? Une boîte de Coca-Cola bricolée. Je l’aperçois sous le fauteuil du Flamand, justement. Ça va être la fête à ses miches, cet homme. Anvers et contre tout ! Boum !

N’écoutant que son courage, un homme se précipite, chope la boîte. Et alors, il cherche une issue. N’oublie pas que la porte s’est refermée. Faut donc aller à l’avant du véhicule pour jeter la box à l’extérieur. Et cet homme indomptable s’y précipite. Tu lui filerais trois noisettes entre les fesses, il te presse illico trois litres d’huile. La fenêtre du chauffeur est baissée. Il lance la boîte à l’extérieur, tant si fort qu’il peut.

T’ai-je dit que l’homme héroïque en question se nomme San-Antonio ? Qu’il a son certificat d’études primaires, une photo de sa chère maman dans son portefeuille et une certaine manière de regarder les dames qui est source d’auréoles ? Je t’avais pas dit ? Quel étourdi ! Eh bien ! tout ça.

Ce que je dois t’ajouter, c’est que la boîte de Coc’ valdingue jusque dans un landau découvert, tiré par un cheval arabe guidé par un cocher juif, lequel promène deux touristes bataves. Elle choit sur les pinceaux de l’homme. Furax, celui-ci s’en saisit et la balance dans notre direction. La boîte rerentre dans le car. Sympa, non ? J’avais vu un truc de ce genre dans « Les Marx’ brothers à Beyrouth », mais, franchement, c’était moins bien réglé. Comme cette boîte a été déguisée en bombe, et que cette bombe en a marre d’attendre, que veux-tu que je te dise : elle explose.

Les armes ou assimilé, faut toujours s’en gaffer comme de la chtouille car elles finissent toujours par te niquer vilain.

Alors là, c’est la toute belle gerbe. Le bus ressemble à un éléphant qui veut faire le beau malgré sa crise de rhumatismes articulaires aigus. Il se soulève de l’avant, puis retombe pesamment. Tout le bloc moteur est séparé du reste. L’onde de choc nous a fissuré les tympans. Ça pue une sale odeur.

Des débris n’en finissent pas de pleuvoir. On vit tout ce bigntz au ralenti. Les passagers se mettent à bieurler comme des foutus. Et pourtant y a pas de morts. Juste un bras endommagé, un œil crevé, une tête fêlée, un nez sectionné, plus des broutilles, comme par exemple le stimulateur cardiaque de mistress Brindzing qui s’est arrêté : elle est obligée de cardiovasculer branchée sur son propre secteur, mais pour quelques heures, elle s’arrangera.

Des soldats israéliens, alertés, se radinent en trombe, en troupe.

On arrête le touriste du landau, que des témoins ont vu jeter la bombe. Il a beau protester, M. Van Moulinha, il se chope des coups de bottine dans les tibias et de crosse dans les gencives. C’est con, car il se trouvait en voyage de noces et le genou militaire qu’il dérouille dans les roustons lui transforme les boules en pommes d’escalier.

Les secours s’organisent. Nous évacuons le car. On ambulance nos blessés. Le Flamand rose est devenu rouge parce qu’il pisse le sang à plein bord. La tronche fendue c’est lui. Tout le son qui la lui emplissait se barre par la plaie. Qu’ensuite, faudra, je suppose, le moderniser en lui emplissant le caberlot de polyester, rembourrage nettement plus confortable.

La gentille Vera est lit vide.

Elle tremble comme une feuille de.

S’accroche à mon bras. Elle porte une égratignure au front. Comme un petit coquelicot, mon âme, un tout petit coquelicot.

— Tu as été formidable, me dit-elle, je t’aime, ne me quitte plus jamais, jamais, jamais !

Je l’enserre de mon bras puissant, sinon séculier. Et alors, un miroitement sollicite mon regard de lynx. Je vois passer une Rolls bleue, Royce à ne plus en pouvoir.

A l’arrière, je crois distinguer un visage déjà vu : celui d’El Babha Alakrem, mon « patron » ou du moins son chargé d’affaires bizarres.

Chapitre VIII

ÇA BARDE

Ciel d’azur, odeur d’épices, brouhaha.

Dans ce bureau de poste d’Alexandrie, j’obstine à obtenir le Néfertiti Palace du Caire. Ça carbure mal. Les fils du biniou ont dû s’emmêler. Mais la ténacité est toujours récompensée. La voix lointaine d’une préposée finit par m’affirmer qu’elle est le Néfertiti (ou qu’elle va faire pipi, je distingue mal). Je réclame à tout hasard mister Bérurier, chambre 707. Et comme je n’ai pas épuisé mon contingent de miracles, le ciel m’en débloque un en me fourrant dans les trompes d’Eustache l’organe du Mastar.

— Ah ! t’v’là enfin, éructe l’homme. T’étais passé où est-ce, mec ? J’commençais à m’ poser des questions.

— J’arrive, Gros. Ça boume avec ta Libanaise ?

— Elle est r’partie, mais je m’ai l’vé la femme du dirlo de c’ boui-boui, une créature d’ rêve. Angliche d’originalité. Pas lulure de nichemars, mais salope d’ formule I. Ça passe l’ temps. J’Ia carambole deux fois par jour, plus deux fois par nuit quand t’est-ce qu’ son vieux est de quart. Hier, é l’a voulu m’emmener au Sphinx. J’ai cru qu’ c’était un boxif, bédame le nom ! J’ pensais que médème comptait s’ payer un p’tit estra, style la scène du viol par toute la troupe ; mais j’en fiche ! Tu veux qu’ j’ vais t’ dire, Grand ? Son Sphinx, à elle, c’tait juste un gros matou d’ pierre qui r’ssemb’ à Raymond Barre. Av’c un mahomed qui cognait d’sus comme un sourdingue. J’ai pas plutôt descendu de voiture qu’une monstre pépie m’empoignait l’ gosier. Comment qu’on a rabattu à l’hôtel, mon pote ! Ici, au moins, y a l’air à condition et du champ’ frappé sur mesure !

Il se tait.

Je mets à profit :

— Va falloir boulonner, Gros.

— En quoi ça consiste-t-il ?

— Dans deux ou trois plombes, je vais me pointer à l’hôtel. Je serai en compagnie d’une jolie blonde qui m’a été « commandée ». Je veux que tu surveilles la chambre située exactement au-dessus de la mienne.

— Biscotte ?

— Si on me demande d’amener la môme à l’hôtel pour la calcer c’est qu’elle manigance un truc. A mon avis, on tourne une superproduc en chibre color sur écran large. J’aimerais que tu files le train des techniciens ; ils ne peuvent se placarder qu’au-dessus de ma turne.

— Compte sur moi. Tu veux griffer des droits de reproduction ?

— De ce côté-là, ils me servent des à-valoir convenables, mais je pressens autre chose qu’une simple affaire de films-cul.

— A cause ?

— Parce que les partenaires me sont imposées et on me les envoie séduire à dache. S’ils voulaient seulement des séances érotiques, ils me feraient tourner avec n’importe quelle jolie fille, une belle pétasse ferait l’affaire ; d’autre part, les conditions de tournage seraient meilleures. Tout prendre en plongée, c’est vite fastidieux, tu perds du spectacle. Alors sors des miches de ton Anglaise et attaque, Alexandre-Benoît, j’ai décidé de donner l’assaut.