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— Hé ! minute, les amoureux. Avant de monter en ligne, j’aimerais savoir ce qu’a donné le téléphone de notre ami Trabadjalamouk !

— Ouhaoooô, yes  ! ulule la dulcinée de mon pote. I omit an important thing.

Et de roucouler, en pigeon précolombien, que son histoire de paquet a fonctionné formidablement. Son vieux, la tête dans la musette, a dit de faire livrer le pseudo-paxif à l’adresse que voici marquée sur une feuille de bloc.

Merci, tantine, vite à la lime, occupez-vous du compte-gouttes gyroscopique de M. Bérurier dont l’envie de vous égoïner fait peine à voir.

Ils courent à la louche. Bravo ! Pour ma part, j’ai pointé Vera toute la noye, tant si fort qu’elle roupille encore, la gosse.

Magine-toi qu’elle exigeait que je lui fasse un enfant, tant tellement sa ferveur était intense, tant tellement elle voulait sacraliser la chose, la prolonger coûte que coûte à travers les avenirs. Mais les gosses, c’est des cons futurs donnés aux cochons, moi je trouve. Faut savoir réprimer son instinct de reproduction lorsqu’on vit nos temps de haulte merde. On verra plus tard, quand les Russes ou les Chinois seront là, qu’aura plus d’Occident, juste trois points cardinaux maçonniques. A ce moment-là, je reconsidérerai la question à propos de mon obole à la race humaine. Pour l’instant, je m’abstiens, je me garde pour moi, je me place le foutre sur un compte dépôts.

Et tandis que Béru aligne sa rombiasse, que Vera dort, que le juge et sa greffière continuent de morfondre au sous-sol, ligotés avec du fil de fer, moi, le Tonio joli, j’examine ma précaire position.

Mohamed Kriss, « Sherazade House », El Al Hachiass. Avant tout, m’occuper de cet homme. Ensuite, on avisera. Seulement j’ai besoin de certaines indications et du concours actif de Dom Béru.

Me faut attendre. Je branche la télé. Ça passe un dessin inanimé américain. Toujours pareil à ceux qui l’ont précédé et qui le suivront : un chien qui court après un chat, ou un chat après un rat, ou un flic après un voleur. Y z’ont trouvé que ça à animer, depuis le tout début. Courir, emplâtrer des murailles qu’ils trouent en y imprimant leurs silhouettes. Moi, le dessin animé, c’est comme l’opéra ou la politique, ça me fait archichier, c’est toujours du kif : le bull-dog, le chat de gouttière, le rat des villes, le flic capitaliste, le socialiste à la rose entre les miches, le communiste qui reste accroché à sa faucille par le fond de son bénouze, et cinquante-trois ou quatre millions de Français qui se branlent devant la téloche ou au buffet campagnard des Galeries Barbès, Meeeeeeerde ! Bon, le dessin animé, il glapit en arabe. Moi, ça m’amuse un instant, Popeye qui jacte bédouin. Et puis quoi ? Le général de Gaulle causait bien mexicain, lui. Manofrance dans le mano ! Sombre héros et lentilles ! Heureusement que ça ne dure qu’un moment. Au suivant : Grand pif, Gros sourcils, l’Ampoule-électrique, le Masque-aux-dents-blanches… A suivre ! Mais de loin. Trois petits tours de con et ils s’en vont ! Y a que Poher qui reste. Tu vas voir qu’il nous fera encore un petit tour de piste septennal quand il arrivera un turbin au petit Néron (du bey du radada) ; je le sens revenir, le Popo, sur ses roulettes de cérémonie. Moi, je vais te dire, en définitive, y a que lui. Toujours prêt. Il moufte jamais, serre des louches, toutes les louches, fait chier personne, mais reste à dispose. T’as besoin d’un extra pour faire le président ? T’appelles le palais du Luxembourg. M’sieur Alain, vous voulez-t-il bien nous interpréter un petit bout d’intérim, on vous paiera le taxi pour venir ? Et, poum, l’vlà ! Impec. Souriant. C’est le grand-père de la France, cet homme. On serait moins chiens, on devrait se cotiser pour y offrir quéqu’chose : des charentaises, une pipe à son effigie, un presse-papiers de verre avec la tour Eiffel dedans. Mais je t’en fous, on est trop ingrats, les hommes. Ou alors on se rend pas compte. On néglige les vraies valeurs, on leur passe outre, fiers comme Barabbas. Moi, je vous aime bien, m’sieur Poher, parole ! Des fois, je pense à vous, le soir en m’endormant, ça me rassure, j’ai moins peur. J’oublie les bruits qui courent, comme quoi ce serait pas Tino Rossi qui serait mort, mais le président et qu’on aurait profité de leur ressemblance pour continuer de faire croire, jusqu’aux élections. Vous devriez vous gaffer, m’sieur Poher. Parce que si par hasard c’est fondé, là on vous fait tricard d’intérim. A votre place j’exigerais une expertise, je lui ferais chanter Marinella, au président.

Mais je suis là qui dis, débloque, divague, tartine.

Et pendant ce temps, Popeye fait chouïa barka avec ses épinards.

Et Béru déglingue le plancher de la chambre, lequel sert de plafond au salon, manière de rien laisser perdre. Il la hussarde à mort, son héroïque Albione. Elle a pas froid aux châsses, la mère ! Elle sait prendre des risques quand la rage du fion la mène.

Bon, les meilleures choses, naninanère…

Béru radine après son essorage. Guilleret, l’apôtre, beau neuf, comme on dit en Suisse.

Il va se verser un coup de pichetegorne pour se refaire une foutrée.

— Dedieu de Dieu ! me déclare-t-il simplement.

— Bravo ! applaudis-je. Maintenant, il faudrait se lancer un peu sur le sentier de la guerre.

Il opine (encore !).

— Paré, mec.

Puis, confidentiel :

— C’te Dorothy, j’voudrais pas trahir l’secret, d’Ia confection, mais ell’ a une babasse de jument. Tu connais mes menstruations, mec ? T’ignores pas qu’ j’sus chibré magnum, ben quand elle salive du frifri, faut qu’ j’ doive m’ cramponner aux branches pour pas déjanter.

Son souci du détail me court un peu dans la périphérie de la prostate. Faut toujours qu’il raconte ses copulations, l’artiste. Les naïfs, c’est leur grand dada, la précision.

L’arrivée de la gagnante met fin à ces confidences postopératoires.

— Chère vous, susurré-je, accepteriez-vous de nous prêter votre voiture pour une heure ?

Le Mammouth répond plus vite qu’elle :

— Je voye pas pourquoi elle refuserait. Elle nous prête déjà sa crèche, son concours et son cul, alors sa tire, tu permets !

En d’autres termes mieux venus, la dame confirme. Je lui demande de m’expliquer où se trouve El Al Hachiass et elle m’explique que c’est un endroit de rêve, sorte d’oasis posée au bord du Nil, où demeurent quelques nantis. Tu prends en direction du sud, tu sors du Caire, et puis quand t’arrives à un croisement où il y a des postes à essence et un ancien caravansérail à demi écroulé, tu obliques sur ta droite.

On dégauchit des fez dans la maisonnette du personnel, ainsi que des blouses grises. Ça et pas rasé, tu obtiens un autre homme.

Nous quittons la propriété au volant de la Métro rouge à médème Dorothy. C’est plein de zigotos en uniformes, un peu partout. Ils gardent des monuments, ou des immeubles, en s’adossant contre pour pas qu’ils tombent. Dans les rues, ils marchent résolument, coiffés de bérets verts en faisant sonner leurs grolles. Mais c’est à bord de leurs véhicules qu’ils ont le plus l’air méchant, les troupiers. Faut les voir foncer, toutes voiles dehors, à travers le flot ! Nous autres, on roule mollo, menu, pas attirer l’attention, que si jamais on nous réclame nos fafs, ça risquerait d’avoir des conséquences ultra-fâcheuses.

Je m’oriente au mieux. Faut admettre que c’est pas mal balisé. A force de chicaner, on finit par s’arracher à la cité tentaculaire. Et puis bon, c’est la route rectiligne sous le soleil, avec des bourricots trottineurs le long des talus, et des panneaux publicitaires vantant les avantages d’Avis, de l’American Express, des cigarettes Camel (ici, tu parles) et je te passe Coca-Cola qui s’écrit comme ça se boit : en rotant.