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Peut-être qu’un sourcier avec sa baguette magique pourrait me rancarder ?

Le standardiste pénètre dans mon bureau…

— Monsieur le commissaire, un nouveau message de Pinaud…

Je prends le papier et le parcours.

Suis arrivé Copenhague, stop. Fille Kessmann était service savant nommé Munhssen, stop. Munhssen disparu mystérieusement, stop. Pars pour Fredericia, stop. Nourriture danoise trop sucrée, stop. Téléphone à Mme Pinaud pour qu’elle fasse ressemeler mes chaussures jaunes pendant mon absence, stop. Amitiés malgré ton dernier message.

Inspecteur principal Pinaud

Je ne sais pas pourquoi, mais ces mots tracés hâtivement par le réceptionniste me chauffent le cœur.

— Une réponse ? s’informe celui-ci.

— Oui.

— Je vous écoute, monsieur le commissaire.

Inspecteur principal Pinaud, aux bons soins de la police de Fredericia, Danemark.

Enquête approfondie sur Munhssen, stop. Renseigne-toi pour savoir s’il avait ou non perdu la mémoire suite accident, stop. Manie-toi la rondelle.

Commissaire San-Antonio

— Ce sera tout, monsieur le commissaire ?

— Pour l’instant, oui !

Je le congédie et j’appelle Favier, l’incendie humain, le Van Gogh fait homme… Il ne met pas longtemps pour dévaler les deux étages qui s’interposent entre nos antres.

— Du nouveau ?

— Ne me parlez pas, ne me questionnez pas. Je suis en équilibre avec mon système nerveux.

Je lui donne la photo trouvée chez la mère Berthier et qui la représente pendant la guerre aux côtés de Caseck.

— Puisque vous êtes un champion de la photographie, mon petit Favier, vous allez faire un travail d’art.

— À votre disposition.

— Prenez cette photo, isolez-moi l’homme. Agrandissez-moi la tête de l’homme au maximum. Ensuite, retouchez-la légèrement pour le vieillir un peu et rephotographiez-la…

— Compris…

— Il vous faut longtemps ?

— Non, je vais me faire aider… Ne bougez pas d’ici…

Il s’en va. Le Vieux me fait mander sur ces entrefaites. Il me pèle l’haricot. Je fais répondre par le standard que je viens de sortir et je poursuis mon numéro de haute voltige cérébrale.

Lorsque j’aurai la photo, je pourrai la publier en première page des journaux avec un titre : « On recherche cet homme ». Je suis certain que les témoignages afflueront, seulement il faudra un temps inouï pour les vérifier… Et puis Caseck prendra les jetons en se voyant démasqué ! Il essaiera de filer ou bien, poussé dans ses ultimes retranchements, butera peut-être le père Munhssen… Il n’est pas à un meurtre près…

Je clos mes paupières et je pique une somnolence. C’est le fameux « relaxe » qui nous vient d’outre-Atlantique avec le Coca-Cola, les armes nucléaires et Marilyn Monroe. Ça repose singulièrement le couvercle.

Je passe plusieurs minutes dans cette pose prostrée. Et malgré l’inertie de ma pensée, ça continue de turbiner là-dessous. En filigrane, je continue de réfléchir.

« Mon petit San-Antonio, mon bijou, mon chéri…, pensé-je, tu as toujours dénoué les écheveaux compliqués, toujours résolu les problèmes les plus casse-bol, alors tu vas te choper par la menotte et te forcer à conclure… Tu n’es pas bonnard pour le travail en grosse équipe. Toutes ces forces policières que tu déclenches ne te serviront à rien… C’est toi tout seul qui vas dégauchir la vérité. La vraie, celle qui dégage la grosse lumière… »

Toc-toc ! Qui qu’est laga ? C’est re-Favier avec ses tifs en feu d’artifice et ses pauvres doigts bouffés par les acides. Il me tend une photo.

— Ça va comme ça, commissaire ?

Je zieute. Formide ! On dirait une photo en direct de Caseck-les-Mahousses-Cocardes.

— Encore un beau boulot, Favier…

— Merci…

— Tirez-en un paquet, ça va peut-être servir.

Je chope l’image et la pose sur le verre de ma lampe de bureau, j’allume, bien qu’il fasse jour, pour hâter le séchage.

Après quoi, je tube au commissariat de Malakoff pour demander si la voiture abandonnée est toujours en place. On me répond que oui, vu qu’il n’y avait pas d’instructions. Je dis de ne rien toucher et je me renseigne sur son emplacement exact. C’est devant le 18 de la rue de la Tour.

La photo est pratiquement sèche. J’arrache un morceau de buvard sur mon sous-main pour la plier dedans. Il m’arrive d’être méticuleux, vous voyez…

CHAPITRE XIII

Des fils… à retordre

La rue de la Tour est une petite voie étroite dans un quartier mité, au-delà des boulevards extérieurs. On y trouve de vieilles masures, des hôtels particuliers délabrés, des arbres rabougris, des jardinets flétris et une population mêlée, composée d’artistes, d’Arabes, de vieilles bonnes femmes et de marmots sales.

J’aperçois la Vedette abandonnée. Elle est rangée dans un renfoncement de façon très orthodoxe.

Les portières ne sont pas verrouillées. L’intérieur est pourvu de housses en plastique bleu… Bien entendu, je fouille la boîte à gants, mais je n’y trouve qu’une peau de chamois cradingue, une bougie usée et une boîte d’allumettes.

C’est chétif. Notez que de la part d’un renard comme Caseck, je n’espérais pas trop trouver son adresse écrite à la craie sur la banquette. Il n’y a pas non plus d’indice sur le plancher ou sous les sièges… Rien, rien… Du reste, ces voitures de louage sont désespérément anonymes.

Eh bien, attaquons. La Vedette représente mon dernier lien avec EUX. Caseck est venu l’abandonner là, puis il a disparu… À moi de retrouver le sinistre personnage.

Je sors de l’auto et regarde autour de moi. En face de la voiture, de l’autre côté de la ruelle, il y a une toute petite maison. Une de ses fenêtres donne sur la rue. Elle est située au rez-de-chaussée. Je vais cogner au carreau. La fenêtre s’ouvre, et une dame paraît. C’est la brave mère de famille. Elle ressemble à Bécassine et elle a un nez comme un champignon de Paris.

— Excusez-moi, fais-je en lui présentant ma carte.

Elle murmure « Police » d’une voix pâmée. Son vieux achète Le Parisien tous les matins en allant au charbon et on y parle beaucoup de la rousse.

— Qu’est-ce qu’il y a eu ? fait-elle.

Elle se tourne vers l’intérieur de l’humble logis et demande d’une voix angoissée :

— Tu t’es encore battu, Léon ?

Je découvre alors, dans le clair-obscur qui envahit la pièce, une silhouette d’homme attablé.

— Vous permettez que j’entre ? demandé-je d’un ton courtois. Nous serons mieux pour parler.

— Je vous en prie, fait la femme, seulement l’entrée se trouve dans l’autre rue.

— Inutile !

— Je fais un rétablissement et en deux temps, deux mouvements, j’atterris dans la cuisine. Ils n’en reviennent pas. Il y a là le père, un zig au visage cabossé et au teint rouge, et un gamin rigolard qui joue avec une petite auto sur le parquet.

— J’enquête au sujet de l’auto stoppée devant chez vous, dis-je. Elle a été abandonnée là par un type qui nous intéresse beaucoup et que nous voulons à toute force retrouver… Avez-vous vu l’homme qui est sorti de l’auto hier matin ?

— Moi, oui, fait le mari.