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Caseck s’est arrêté de tirer parce qu’il est gêné par sa vache protectrice. Là-dessus, pendant les deux secondes de répit, la souris blonde veut jouer les Cavalière Elsa. Elle s’empare d’un bronze à la noix représentant un joueur de tennis et s’approche de moi pour me faire sauter la malle arrière. Je vois venir la prune et je fais un mouvement de retrait… Le bronze percute le lambris du mur et le malheureux joueur de tennis, qui en a vu d’autres, se tord la raquette.

Moi, pas folle pour une guêpe, je profite de ce que la môme est penchée pour lui empoigner la tignasse. D’un geste brusque je la ramène contre moi. Maintenant j’ai aussi mon baudrier. Elle gigote et rouscaille, mais le San-Antonio est une mécanique solide.

Je la tiens plaquée devant moi et je lance à Caseck…

— Sors tout de suite de derrière ton tas de viande ou j’emplâtre ta morue !

Je ne sais pas s’il comprend un français aussi savant. En tout cas, il a la réaction lente. Moi je trouve que je me fais vioquard ! Bon Dieu, quoi, les coups de pétoire ont dû ameuter la caserne, non ? Surtout que j’ai laissé la lourde ouverte. Qu’est-ce qu’ils attendent, les voisins du Gros, pour jouer V’là l’régiment qui passe avec le précieux concours de la Garde républicaine, hein ? Est-ce qu’ils auraient les chocottes, ou bien se sont-ils farci les portugaises à la cire à cacheter ?

Peut-être, tout simplement, regardent-ils le journal parlé à la télé et comme on leur montre une guerre quelconque ils confondent, les pauvres anges ! En attendant qu’est-ce que je maquille, moi, avec ma sauterelle qui remue du valseur sur mes sensibles ? Et l’autre tordu de Caseck avec son bouclier de viande ?

— Alors, Caseck, lancé-je, on se fait cuire une escalope ou on va prendre le train ? Qu’est-ce que tu espères, hein, trésor ? Tu ne crois pas que ton compte est bon ?

Je passe la main sous l’aisselle de ma proie. Je vise le haut de la fenêtre et je presse la détente. Le carreau fait des petits… Là, il se trouvera bien un glandulard dans la strasse pour monter voir ce qui se passe ou pour prévenir le guet !

Mais je pige pourquoi personne ne radine. Juste en dessous, il y a un bal nègre… Et ça fait un boum-boum fracassant. Ils commencent tôt, les négros…

— Jette ton feu, Caseck…

Il le jette, mais en pièces détachées. Pour commencer ce sont les pruneaux qu’il m’envoie. Il se voit foutu, il sait qu’il n’a rien à espérer, alors il tente l’impossible. La fille blonde cesse de ruer et devient toute chose contre moi. Elle a étouffé les pralines au passage… Moi j’éprouve une cruelle morsure au côté. Cette vipère lubrique m’a touché malgré mon cataplasme humain… Je pousse la blonde en avant. Deux pralingues viennent à sa rencontre… Je cours droit à la mère Béru, laquelle pousse des cris qui fendillent le marbre de la cheminée. La prise de contact est sévère. Je file un coup de boule dans l’estome de la vioque pour l’obliger à tomber. Elle fait couac et s’écroule comme une bouse de vache. Me voici face à face avec le Tchèque.

Il est en train de mettre un chargeur de rechange dans son appareil distributeur. Il est tellement fébrile que sa main sucre les fraises. Il lève le pétard par le canon, voyant qu’il n’aura pas le temps matériel de le recharger. La massue c’est son violon d’Ingres. Je prends un gnon qui m’arrache le cuir au-dessus de l’oreille gauche. Il me semble que je viens de recevoir l’Empire State Building sur la margoulette. Ça vrombit sous mon bol. Une gerbe d’étincelles éclabousse ma raison. J’ai droit à la chandelle romaine et au grand soleil en supplément de programme. Je titube, mais la rage, la soif de vivre me font surmonter cette défaillance. Je m’annonce droit sur le mec. J’ai mon pétard à la hauteur de ma hanche. Je l’y tiens fortement plaqué pour que ça me serve de support, et je défouraille à tout va. Caseck se met à prendre une drôle de frime. Ses sacrées paupières de crapaud se soulèvent un peu, découvrant un regard blanchâtre.

Puis il marmonne je ne sais quoi dans je ne sais quelle langue et s’adosse au mur… Pendant qu’il joue son baisser de rideau, je récupère. La pièce est pleine de fumaga et ça pue la poudre maintenant. Caseck a un léger hoquet. Il essaie d’attraper son ventre, mais il ne termine pas son geste et bascule de côté en raclant le mur. Bon baiser, à mardi, caresse aux enfants ! Il est out ! Et même septembre et octobre ! Je suis maître de la situation. La brouette à Béru est évanouie.

Je m’approche du Gros. Il ne lui reste qu’un œil de disponible, mais il s’en sert pour examiner la situation. J’arrache son bâillon et tranche ses liens avec des ciseaux qui se trouvent sur la table de chevet.

Ils l’ont réparé, mon collègue !

— Te voilà bien de ta personne, Gros, fais-je tristement.

Il lui manque son dentier, plus une molaire qui était restée fidèle au poste. Il a un œil fermé, les lèvres éclatées, le nez écrasé et le front plus cabossé qu’une casserole ayant servi de ballon de foot à des poulbots.

Il gémit :

— T’es un homme, San-Antonio.

— Ça fait une moyenne, rouscaillé-je, car comme lavement on ne fait pas mieux que toi…

— Et ma femme ? soupire-t-il…

— T’as pas de pot, gars, elle n’est qu’évanouie…

Il veut parler, mais je lui fais signe de ne pas moufter… Je délivre M. le pommadin qui, fraternellement uni à Béru, offre la même pauvre gueule ravagée. Après quoi je regarde Munhssen… Il est dans un état comateux… Il porte un pansement à la tête et ses yeux ouverts ont la même inexpression que sur la fameuse photo qui a tout déclenché.

J’ai idée qu’il va avoir besoin de soins éclairés, ce pauvre homme.

À ce moment, apparition de messieurs les cyclards enfin alertés par un voisin moins sourdingue. Ils ont le pétard au poing. Je m’empresse de leur crier qui je suis car, à la vue de ce carnage, ils sont prêts à distribuer leurs bons points au premier qui bouge. Ma personnalité les ramène au sang-froid.

— Que s’est-il passé, monsieur le commissaire ?

— Vous lirez la suite demain, dans les journaux dignes de ce nom ! Prévenez les ambulances du quartier et faites soigner tout ce populo d’éclopés…

— Bien, monsieur le commissaire.

Je me sens tout bizarre. Ça doit être cette éraflure au côté… Je… Je… Je…

CHAPITRE XV

Bérurier s’explique

Un régiment passe…

Il défile dans mon crâne et sa marche est scandée par un tambour. J’ouvre les châsses et j’avise, au bord de mon lit, Favier, le volcan humain en éruption.

Il me sourit.

— Nous sommes tout de même arrivés à nos fins, dit-il…

Tout en me parlant, il joue une marche sur le bois de ma table de chevet et ce martèlement rythmé m’emplit la calbombe d’un vacarme affolant.

« Nous ! » Il a des pluriels qui paraissent singuliers, comme dit Bérurier. Enfin, moi je veux bien…

— Favier, fais-je d’un ton pleurnicheur, cessez de vous prendre pour Lionel Hampton, vous me faites mal au bol.

Il s’arrête.

— Je suis allé à dame ? soupiré-je.

— Oui, il paraît. Vous avez pris une balle dans le côté, elle a heureusement dévié sur une côté, mais quelques centimètres plus haut et…

— Je passe toujours à quelques centimètres du coquetier, fais-je…

— Dans la vie, c’est parfois comme dans les films, déclare Favier, le héros sympathique en réchappe…

— Ça va, les autres ?

— Oui. La mère Bérurier a regagné son domicile et son auguste époux est actuellement sur le billard pour deux côtes fracturées…