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— Regardez-vous, Yaël. Arrêtez de vous flageller pour ce qui s’est passé avec votre Marc. Ne vous rabaissez plus. On ne gagne rien à être soumise. Les hommes n’aiment pas ça, croyez-en mon expérience.

Une porte claqua au loin.

— Iris, mon amour ! Tu as fini ?

— Nous sommes là, répondit-elle à Gabriel.

Elle s’éloigna de moi. Je me jetai un dernier regard ; j’avais fait tout ce que j’avais pu. Je m’étais livrée à Marc, je lui avais tout expliqué il y avait des mois de ça à présent. Je m’étais excusée. J’avais trouvé un équilibre. J’étais prête à croire en nous, à me battre pour nous. Mais s’il n’acceptait pas celle que j’étais, je ne m’épuiserais plus. Mes yeux se remplirent de larmes. Et en même temps, j’eus envie de rire. J’avais l’impression de respirer à fond pour la première fois depuis des semaines. Alors je ris. Je m’y autorisai enfin. Je ris. Je ris. Encore.

— Décidément, il s’en passe des choses dans cette pièce.

Je ne compris absolument pas ce que voulait dire Gabriel, et je m’en moquais. Encore hilare, les yeux pleins de larmes, je me retournai vers eux. Iris, dans le creux de l’épaule de l’amour de sa vie, après avoir échangé un regard lourd de passion avec lui, m’adressa son beau sourire.

— Je vous invite à dîner, leur proposai-je.

Gabriel, plus canaille que jamais, me tendit son bras libre.

Nous étions en avril, soit la dernière ligne droite de la grossesse d’Alice. Elle était de plus en plus fatiguée. Je passais mon temps libre avec elle et surtout ses enfants ; je prenais le relais en jouant à la tata gâteau, et ça me plaisait. Avec Marius, je récoltais des bleus : il avait décidé d’apprendre à faire du patin à roulettes avec moi ! Je pouvais maintenant affirmer que ce n’était pas comme le vélo, puisque je passais le plus clair de mon temps les quatre fers en l’air… Le monde des poupées et des princesses avec Léa me reposait, en comparaison, mais ma nièce était devenue une vraie pipelette, elle jonglait sans s’arrêter d’une langue à l’autre avec une facilité déconcertante, au point que même moi, parfois, je ne savais plus comment lui répondre ! Au grand soulagement de ma sœur, ça retenait notre mère de venir tout régenter ! Ma présence et l’aide que j’apportais à Alice suffisaient pour le moment à la tenir à distance. Mais nous avions conscience toutes les deux que maman était dans les starting-blocks, au grand désespoir de Cédric : « J’adore ma belle-mère, vous le savez, les filles, mais je ne peux pas l’avoir un mois chez nous, ça, c’est impossible ! »

Mon téléphone sonna une fois, puis deux, puis trois. J’ouvris péniblement les paupières, et l’attrapai à tâtons sur ma table de nuit.

— Allô…

— C’est une fille ! hurla mon beau-frère à l’autre bout de la ligne au point que je dus décoller le combiné de mon oreille quelques secondes. Elle s’appelle Élie.

— Félicitations ! Comment va Alice ?

— Tu la connais, d’ici trois heures, elle sera fraîche comme une rose.

Je levai les yeux en l’air pour chasser mes larmes de joie. J’étais fébrile, brusquement.

— Et le bébé ?

— Très bien, elle va bien, c’est une vraie crevette. Elle fait à peine 2 kg 7.

Je ris.

— Marius et Léa sont où ? Tu veux que je m’en occupe ?

— Non, merci, tu es gentille. On les a déposés cette nuit chez mes parents, je les récupère tout à l’heure.

— Je peux venir quand ?

— Quand tu veux. Elle t’attend, non, elles t’attendent.

— Je viendrai en fin d’après-midi et, si tu veux, je reste un peu ce soir pour te relayer avec les enfants.

— On fait comme ça. Ah si, j’oubliais… tes parents débarquent demain matin ! ajouta-t-il tout joyeux. Ta mère n’était pas loin d’affréter un jet privé cette nuit ! Ça promet !

Puis il raccrocha. Je m’assis dans mon lit en remontant mes genoux sous mon menton. Alice était maman pour la troisième fois, ce n’était pas une journée ordinaire qui débutait. La famille venait de s’agrandir, mon cœur se gonflait déjà pour ce bébé. Alors même que ma sœur serait encore plus occupée qu’avant, je savais que cette naissance allait nous rapprocher. Je ne passerais pas à côté des premières années d’Élie, comme je l’avais fait avec Marius et Léa. Cependant, je ne pouvais m’empêcher d’avoir le cœur serré, ça me renvoyait à ma solitude.

En arrivant au bureau, la première chose que je fis fut de faire livrer un bouquet de fleurs à la maternité, malgré l’insistance d’Angélique pour s’en charger. La naissance d’Élie la mettait dans tous ses états : « J’adore les bébés ! » Son excitation m’amusait et me dissipait, même si je n’avais pas franchement besoin d’elle pour avoir la tête ailleurs. À 14 heures, je lâchai l’affaire, je n’arriverais pas à booker mes urgences. Tant pis, je resterais injoignable jusqu’au lendemain.

— J’y vais, Angélique, il faut que j’aille la voir.

— On va se débrouiller, filez ! Vous nous montrerez des photos demain ?

— Mais oui !

— Je suis là, moi, s’il y a un souci, dit dans mon dos Benjamin, mon nouveau bras droit.

— Je sais que je peux compter sur toi ! lui répondis-je, heureuse et sereine.

La scène qui s’offrit à mes yeux était totalement magique et me cloua sur place, la gorge nouée : Cédric allongé à côté d’Alice, son bras autour d’elle, leurs deux regards tournés vers le berceau — surveillé de près par Marius et Léa qui semblaient monter la garde. Je mis ma main sur ma bouche pour tenter de me contenir ; mon Dieu que c’était beau une famille ! Ma sœur dut sentir ma présence, elle leva le visage et me vit. Son sourire fatigué et rayonnant était une des plus belles choses qu’il m’avait jamais été donné de voir. Mes talons me semblèrent déplacés, et, comme je refusais de rompre le charme, je m’avançai pieds nus. Cédric me vit alors, et il me sourit en se levant.

— Marius, Léa, dites bonjour à Yaël.

— Yaya !

— Chut ! dis-je aux enfants en m’accroupissant pour réceptionner Léa.

Après les bisous, Marius m’attrapa par la main.

— Viens voir ma p’tite sœur !

— Non, c’est à moi, l’interrompit Léa.

Remarque qui nous, les adultes, nous fit étouffer un rire. Le mien cessa instantanément quand je me penchai au-dessus du berceau.

— Elle est belle, me dirent en chœur le grand frère et la grande sœur.

— Oui, elle est belle et… blonde.

Puis je lançai un regard amusé à ma sœur.

— Encore raté ! lui dis-je. Tu es bonne pour un quatrième !

— C’est décidé, je n’aurai jamais d’enfants avec tes cheveux !

— On vous laisse poursuivre ce débat capillaire, les filles, nous interrompit Cédric. J’emmène les enfants faire un tour, et on revient plus tard.

— Après, je m’occupe d’eux chez vous, comme ça vous serez tous les deux, lui proposai-je.

— Merci, me dit-il en me prenant dans ses bras. C’est bon de t’avoir avec nous.

Il disparut en tenant ses aînés chacun par la main. Je m’assis sur le lit à côté d’Alice, elle prit ma main dans la sienne.

— Jamais je n’aurais cru ça possible. Ma petite sœur, working girl surbookée, en plein après-midi à la maternité, et qui en plus semble à l’aise. Pour Marius et Léa, tu étais arrivée à la fin des visites, le téléphone vissé à l’oreille et tu avais gueulé sur les aides-soignantes !