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Au passage, je vais morfler une rafale, c’est du tout cuit… Je le sens, je le comprends… C’est aussi inéluctable que le retour du printemps !

Alors, mes bons vieux réflexes répondent à l’appel muet que je leur adresse.

Je flanque un coup de volant sur la droite, c’est-à-dire de manière à me trouver derrière la voiture inquiétante. Au lieu de freiner, j’accélère. Tant pis pour la tôle ondulée, je suis assuré tous risques. Cramponne-toi, Dudule, y fait du vent !

À moi les biscuits Gondolo !

Je percute à soixante-dix. C’est honorable. Du coude gauche, je me protège les châsses à cause du verre pilé !

Prran !

La 203 fait un bond en avant. Un bruit de métal tordu, de verre brisé…

J’ai sauté sur la droite de façon à éviter le volant pour le cas où ce dernier aurait des vues sur mon poitrail.

Par chance, la portière n’est pas bloquée.

Je sors de ma tire. Je dégaine mon feu…

Les occupants de la voiture télescopée ne songent pas à faire dresser un constat. Comme ils n’ont que l’arrière de défoncé, ils démarrent…

Le canon de la mitraillette passe par l’ouverture arrière, dont la vitre est tombée. Je me jette à plat ventre afin d’éviter la purée…

Et je fais bien, parce que les gars qui restent sur leurs deux pattes en pareille circonstance n’ont plus besoin d’aller voter !

La rafale secoue ma malheureuse voiture et déchire le voile de la nuit, comme dirait mon pote Lamartine, un drôle de loufiat qui avait le battant amoché par une certaine Elvire, dont je ne sais pas le blaze of family.

Je me redresse, la décharge passée. La 203 doit avoir quelque chose de faussé, car elle ne parvient pas à filer vite… Le pont arrière en a certainement pris un coup ; m’est avis que les têtes de fusées sont voilées comme des religieuses.

Je lève mon feu et je le vide, sans trop espérer faire mouche.

La voiture parvient à la hauteur du pont et s’y engage.

Je me redresse, époussette mes fringues et me mets en marche dans la direction de mes agresseurs. Ce n’est pas que j’espère les rattraper à pince, mais il faut que je donne l’alerte. Justement, à l’entrée du proche tunnel de Saint-Cloud se trouve un poste de motards…

Tout en marchant, je me dis que mes adversaires sont plus que fortiches : voilà qu’au lieu de me suivre, ils me précèdent ! Ça c’est le fin du fin ! J’ai jamais eu l’occase de me mesurer à une bande pareille. Car maintenant, je sais que c’est une bande qui est contre moi.

Et une bande décidée !

Faudrait voir à prendre d’urgence une assurance sur la vie. Dès demain, si je suis encore là, je passerai un coup de tube à mon ami Kossmann pour qu’il arrange ça… Félicie pourra me faire édifier un caveau grand comme le Panthéon… Tout en marbre rouge pour que ça fasse plus gai !

Je me détranche afin de voir où sont toutes les bagnoles de vicieux arrêtées.

Elles ont toutes fait demi-tour… Les conducteurs ont mis le cap sur une région moins bruyante…

La mitraillette, ça ferme les braguettes, comme la nuit ferme les volubilis !

CHAPITRE XIII

Ne faites jamais le jour même ce que d’autres peuvent faire pour vous

Le poste du tunnel est peint en clair, c’est dire qu’il est de conception moderne. N’empêche qu’il renifle ferme la sueur de flic, le cuir et le tabac.

Quelques gardes qui cognaient la belote sont gênés par mon séjour ici. Ils ont interrompu leur partie et ils se parlent à mi-voix en me regardant du coin de l’œil.

Depuis vingt minutes déjà le signalement de la 203 de mes agresseurs a été communiqué et quatre motards se sont lancés à leur poursuite… Il ne me reste plus qu’à attendre la bagnole que je viens de demander par téléphone à la permanence de la maison poulaga.

En attendant qu’elle radine, je joue au feu de cheminée avec mon paquet de Gitanes. L’atmosphère s’épaissit de plus en plus et je vous prie de croire que j’y apporte ma contribution personnelle.

Il y a des gars qui ne peuvent penser que dans le calme. Moi, c’est plutôt le contraire… Pour que je gamberge à plein régime, il faut que je baigne dans un brouhaha ouaté…

Ici, c’est gentil comme coinceteau.

Les hommes de garde me lorgnent toujours avec le respect qu’on doit à des supérieurs, surtout lorsqu’ils sont valeureux. Et, sans m’administrer de coups de tatanes dans les chevilles, c’est le cas pour moi, non ?

Soudain, le bigophone grelotte.

Un brigadier à moustaches de jeune premier anglais décroche.

— Allô ! Oui ?

« C’est pour vous ! ajoute-t-il en me tendant le biniou.

Il s’agit d’un des motards. Il est essoufflé comme le mec qui a franchi le mur du miles…

— Nous avons retrouvé la voiture ! triomphe-t-il.

— Et ses occupants ?

— Non, elle était abandonnée…

Je fais la grimace. Mais, enfin, quoi, ça vaut mieux que rien, quand on trouve des coquilles d’œufs les poules ne sont pas loin !

— Où était-elle ?

— Sur le quai… Les gangsters ont pris la route à droite du tunnel, et non pas le tunnel comme vous l’aviez cru. Ils sont revenus à la Seine et ont descendu leur véhicule sur la berge, espérant sans doute gagner du temps… Seulement, un marinier qui survenait a tout vu… C’est lui qui nous a prévenus, car il a vu les types s’enfuir…

— Combien étaient-ils ?

— Deux…

— On a leur signalement ?

— Plus que vague… Deux hommes assez grands, avec des chapeaux et des imperméables. De loin et dans l’obscurité, vous savez…

— Je sais… Vous avez relevé le numéro minéralogique du véhicule ?

— Oui… Vous le voulez ?

— Évidemment…

— C’est le 2791 IF 69.

— Et le nom du propriétaire ?

— Mollard, 114, rue Ferrandière, à Lyon…

Je note ces renseignements.

— Rien d’autre à signaler ?

— Il y avait une mitraillette sous le siège arrière. Les bandits l’ont abandonnée…

— C’est tout ?

— Oui, monsieur le commissaire.

— Merci !

Je raccroche. La fatigue commence à me scier les cannes. Pour ce qui est des émotions, j’en ai eu mon taf aujourd’hui. Si vous êtes acheteur, je peux vous en vendre…

— Vous n’avez rien à boire, les gars ? je demande.

Ils se regardent. Puis le brigadinche sort une bouteille de rhum de son placard de fer.

Je liche deux verres bien tassés. Je me demande ce qu’ils font à la Grande Taule, depuis le temps que j’attends une guinde !

— On peut avoir l’inter avec votre grelot ? je demande.

— Mais oui, monsieur le commissaire.

— Alors, demandez-moi Lyon… la P.J.

Il s’empresse. J’allume une nouvelle cigarette.

— Tenez, vous l’avez ! exulte le brigadier, exactement comme s’il venait de capturer un diplodocus.

En effet, une voix acerbe demande ce qu’on lui veut.

— Le commissaire Mortier est-il ici ?

— À ces heures !

Comme si je venais de lui demander, à cette patate, si le cheval de bronze de la place Bellecour est allé se taper un picotin !

— Et l’inspecteur Turjot ?

— Je vais voir…

Une période de néant… Le standardiste branche des fiches dans des trous. Enfin, il m’annonce que Turjot est à l’écoute.

Je me présente au gars. Je le connais depuis un bon moment. C’est un grand type pâle qui a été champion de boules une année et qui, depuis, fait un complexe de supériorité.