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—     Vous m'aviez demandé des recherches sur les insectes. Il n'existe pas de boutiques qui en vendent à proprement parler. Les seuls établissements dans ce domaine sont les magasins de terrariophilie. Reptiles, amphibiens, sauriens, invertébrés, comme la mygale...

—      Ça, je le savais déjà. Quoi d'autre ?

—     A une cinquantaine de bornes d'ici, on trouve le CARAT, le Centre d'Acclimatation et de Reproduction d'Animaux Tropicaux. Une ferme d'élevage spécialisée dans la reproduction de reptiles, d'insectes et d'arachnides, vendus ensuite à des particuliers, laboratoires ou facultés de science. Suivi de près par les services de santé, avec des contrôles très stricts. Caméras, comptage quotidien des spécimens, fécondations limitées. D'après moi, la faille ne vient pas de là.

J'allumai une cigarette entre mes doigts tremblants. La première bouffée tapissa ma gorge d'un velours désiré. Saloperie de drogue.

—     Et pour les bourses d'insectes ?

—     Pas grand-chose. Organisées toutes les semaines, un peu partout dans Paris. Les marchandises vendues sont légales et inoffensives, des vérifications fréquentes ont lieu. Il existe aussi un gros volume d'échanges sur Internet. J'ai fourré le nez dans des forums publics traitant du sujet. A priori, rien d'irrégu- lier. Je te cède ma mante religieuse, tu me refiles ton papillon. Sanchez et Madison creusent plus en profondeur, on ne sait jamais.

Sibersky sortit d'une pochette une petite pile de procès-verbaux.

—     J'ai gardé le meilleur pour la fin. La détention illégale d'animaux...

—     Accouche !

—     Boas, pythons, lézards, il y en a des mille et des cents, mais j'ai recensé les cas les plus intéressants dans la région, ceux les plus proches de... nos aspirations.

Il me tendit le feuillet du dessus.

—      Celui-ci sort du lot...

—     Là, tu commences à me plaire.

—     J'ai joint l'officier de la police des animaux, chargé de l'affaire à l'époque. Ça remonte à l'année dernière. Une femme, hospitalisée suite à de violents accès de fièvre, des hallucinations, de graves nausées. Les médecins constatent, sur son mollet, deux trous minuscules...

Sibersky se pencha sur mon bureau, appuyant sur le papier.

—     Les examens toxicologiques ont été formels, la vieille dame avait été piquée dans son appartement par une... malmignatte, l'une des araignées les plus dangereuses d'Europe, inexistante dans nos régions ! Immédiatement, la mamy pense à son voisin de palier. Elle l'a déjà vu entrer avec de petites boîtes bourrées de sauterelles. Lorsque les flics débarquent chez lui, ils ne trouvent que des vivariums peuplés en effet de sauterelles, des documents traitant des insectes, mais rien de plus. En fouillant les poubelles, au sous-sol, ils découvrent cependant deux souris mortes, frappées par des poisons très violents. Après analyses, on conclura à de l'atraxine et de la robustine, des protéines caractéristiques du venin de YAtrax robus tus, une aranéide australienne mortelle pour l'homme !

—     Très très intéressant. Et ça s'est terminé...

—     Sans suite. Le type, Amadore, a nié en bloc. Biologiste, il a prétendu avoir ramené le duo de cobayes de son labo. Expérience sur les neurotoxines, qu'il disait. L'enquête n'est pas allée plus loin, par manque de

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preuves. Ni la malmignatte, ni VAtrax robustus n'ont été retrouvés et les lois sur le recel illicite d'animaux n'en sont qu'à leurs balbutiements... On ne voyait pas réellement de quoi l'incriminer.

Je m'enfonçai dans mon fauteuil, l'air satisfait.

—     Bon boulot ! La filière des détentions illégales d'animaux... Je n'y avais pas pensé...

—      Je n'ai fait que mon job.

—     Tu en connais davantage sur ce... Vincent Ama- dore?

—     Un métier à rallonge, biologiste au laboratoire de zoologie des arthropodes du muséum d'Histoire naturelle de Paris. Vingt-huit ans, physique fluet. Il a déménagé depuis cette salade et vit maintenant au nord de Paris, un hameau du nom de... Rickebourg. Il habite dans un ancien... pigeonnier...

—      Un pigeonnier ?

—     Ouais, bizarre, mais je n'en sais pas plus... En tout cas, il est chez lui. J'ai appelé et simulé un faux numéro...

Je fermai un instant les yeux.

—     D'après ton document, l'incident s'est déroulé en octobre 2003. Passe des coups de fil auprès du muséum, des collègues d'Amadore, ont-ils eu vent d'un voyage en Australie ? Mais je crois connaître la réponse. À mon avis, une personne ou un réseau organisé refile des bestioles dangereuses dans notre proximité...

Je claquai des doigts, alors qu'il disparaissait déjà dans le couloir.

—     Attends ! Laisse-moi tous les autres P-V, je vais quand même y jeter un œil.

—     Au fait, le zig de l'IGS... ça s'est déroulé comment ?

Je lui envoyai un sourire discret.

—      Pas de soucis...

Une fois ma porte fermée, je tirai les persiennes, déclenchai le ventilateur et engloutis trois gobelets d'eau. Un psy... Oser me coller un psy aux fesses... Leclerc ne manquait pas d'audace...

J'eus à peine le temps de baisser les paupières que Del Piero débarqua sans frapper, le visage déformé par une détresse d'aliénée.

—      Commissaire ! Venez, tout de suite !

—             Quoi ! Quoi encore ? Un autre interrogatoire à la mords-moi le nœud ?

Elle plaqua le poing sur la table.

—     Venez ! ! !

Elle pivota dans le couloir et me poussa devant elle. La porte de son bureau, qui jouxtait le mien, était fermée.

—             Ils... ils sont entrés par la fenêtre, il y en a une dizaine derrière cette porte ! Allez-y et regardez à quoi joue cette espèce de fumier !

—      De quoi vous parlez ?

—      Poussez cette porte, nom de Dieu ! ! !

J'ouvris avec prudence et elles me sautèrent au

visage, cinglantes dans leur blancheur de marbre.

Les têtes de mort. Elles me frôlèrent avant de fondre sur la chevelure de Del Piero, qui battait des mains dans tous les sens.

Les gros sphinx noirs se mirent alors à crier...

Chapitre quinze

Leclerc grinçait des dents, ses pieds fustigeaient le plancher de colère. Il pressait entre ses doigts nerveux un message, fixé sur le thorax de l'un des lépidoptères.

—             Déluge de papillons, en attendant bientôt le pire... Ce petit malin joue avec nos nerfs, il cherche à nous ridiculiser. Jette un œil par la fenêtre !

Dehors, un bel attroupement. Flashs en tout genre et badauds ahuris.

—             Un journaliste de Libé a reçu un coup de fil anonyme, expliqua-t-il, lui demandant de se pointer devant nos locaux à seize heures précises, afin de voir des papillons prendre d'assaut les bureaux de la Crim' ! T'imagines le délire ! Ce téléphone n'arrête pas de sonner ! ! !

—            Notre homme est un original. Mais s'il avait voulu parler des anophèles et du paludisme à la presse, il ne s'en serait pas privé. Il veut juste nous prouver qu'il a les cartes en mains. C'est un joueur.

—     Un joueur, oui ! Un putain de joueur !

Del Piero réapparut brusquement. Son teint avait blêmi.

—     Alors ? envoya Leclerc.

—     L'entomologiste a passé une lampe à ultraviolets

sur la carrosserie de ma voiture. Elle a révélé de minuscules traces de phéromone. J'ai dû m'en imprégner au simple contact avec ma portière. Courbevoix m'a fait une démo. Ces saloperies volantes se précipitaient sur tout ce que je touchais, même après m'être lavé les mains !