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— Voici plusieurs numéros où vous pouvez me joindre, lui dis-je en lui tendant ma carte.

La porte de derrière s’ouvrit et se referma avec fracas. Quelques instants plus tard, Spiro faisait son entrée, raide comme un piquet. Ses chaussures vernies noires et le bas de son pantalon étaient saupoudrés de cendres. Ses joues étaient d’un rouge maladif et ses yeux noirs et porcins dilatés à l’extrême.

— Oui ? fit-il, le regard fixé sur quelqu’un derrière moi.

Je me retournai et vis Morelli qui traversait le hall.

— Vous cherchez quelqu’un ? lui demanda Spiro. Si c’est Radiewski, il est dans l’annexe.

Morelli exhiba son insigne.

— Je sais qui vous êtes, lui dit Spiro. Il y a un problème ? Je m’absente une petite demi-heure et quand je reviens, il y a un problème !

— Aucun problème, dit Morelli. J’essaie simplement de mettre la main sur le propriétaire de plusieurs cercueils qui se sont envolés en fumée.

— Vous l’avez devant vous. Et ce n’est pas moi qui les ai brûlés. On me les avait volés.

— Vous aviez porté plainte ?

— Je ne tenais pas à ce que cette affaire s’ébruite. J’avais loué les services de miss Prodige ici présente pour les retrouver.

— Le cercueil que les flammes ont épargné m’a paru un peu simple pour le Bourg, fit Morelli.

— Je les ai achetés en solde à l’armée. Du surplus. J’envisageais de les revendre en franchise dans un autre coin. À Philadelphie, peut-être. Ils ont pas mal de pauvres par là-bas.

— Vous m’intriguez avec cette histoire de surplus militaire, fit Morelli. Comment ça fonctionne ?

— Vous faites une offre auprès de l’armée. Si elle est acceptée, vous avez huit jours pour venir prendre votre merde à la base.

— De quelle base parlez-vous ?

— Fort Braddock.

Morelli était d’un calme olympien.

— Kenny Mancuso travaillait bien à Braddock si je ne m’abuse ?

— Ouais. Comme beaucoup de gens.

— Bon, fit Morelli, donc ils ont accepté votre proposition. Comment vous y êtes-vous pris pour transporter les cercueils ?

— Je suis allé les chercher en camion avec Moogey.

— Une dernière question, fit Morelli. Avez-vous la moindre idée de la raison pour laquelle quelqu’un volerait vos cercueils pour les brûler ensuite ?

— Absolument. Ils ont été volés par un fou. Excusez-moi, mais mon devoir m’appelle. Vous en avez fini ?

— Pour le moment, oui.

Ils se mesurèrent du regard. Un muscle tressauta dans la mâchoire de Spiro. Il fit volte-face et s’éloigna vers son bureau.

— On se retrouve au ranch, me lança Morelli.

Et le voilà parti lui aussi.

Spiro avait fermé la porte de son bureau. Je frappai et attendis. Pas de réponse. Je frappai plus fort.

— Spiro ! criai-je. Je sais que vous êtes là !

Spiro ouvrit la porte à toute volée.

— Quoi encore ?

— Mon… fric.

— Dieu du ciel, j’ai d’autres choses à penser qu’à votre argent de mes deux !

— Ah oui ? Et à quoi par exemple ?

— À ce frapadingue de Kenny Mancuso qui fout le feu à mes cercueils par exemple !

— Comment êtes-vous sûr que c’est lui ?

— Qui d’autre ? Qui d’autre ? Il est fou à lier et il m’a menacé.

— Vous auriez dû en parler à Morelli.

— Oui, c’est ça. Ce serait le bouquet. Je n’ai pas assez d’ennuis comme ça, je vais me foutre les flics au cul !

— J’ai cru comprendre que vous n’aimiez pas trop la police.

— Les flics, ça craint.

Je sentis un souffle sur ma nuque et me retournai pour me retrouver nez à nez avec Louie Moon.

— Excusez-moi, dit-il, mais faut que je parle à m’sieur Spiro.

— Je t’écoute ! s’exclama Spiro.

— C’est au sujet de Mr. Loosey. Y a eu un accident.

Spiro ne dit pas un mot, mais son regard perçant sembla planter deux forets dans le front de Louie.

— J’avais mis Mr. Loosey sur la table, dit Louie, et je m’apprêtais à l’habiller, et puis j’ai dû aller réparer le thermostat et quand je suis retourné auprès de Mr. Loosey, j’ai vu qu’il lui manquait sa… hum… sa partie intime, quoi. Je ne sais pas comment ça a pu arriver. C’était là quand je suis parti, et quand je suis revenu ça y était plus.

Spiro écarta Louie du revers du bras et fonça en avant, hurlant :

— Nom de Dieu de putain de merde !

Quelques minutes plus tard, Spiro était de retour dans son bureau, le teint brouillé, les poings serrés.

— Je n’y crois pas ! rugit-il. Je pars une demi-heure et quelqu’un châtre Loosey. Vous savez qui c’est ? Kenny, évidemment ! Je vous confie ma boutique et vous laissez Kenny venir couper la queue de mes morts !

Le téléphone sonna. Spiro décrocha d’un geste sec.

— Stiva, annonça-t-il.

Il pinça les lèvres, et je compris que c’était Kenny.

— Tu es complètement dingue, dit Spiro. Trop de cocaïne. Trop de piquouses !

Kenny lui parla un petit moment, puis Spiro lui coupa la parole.

— Ta gueule ! fit-il. Tu ne sais pas de quoi tu parles. Et tu ne sais pas ce que tu fais en t’en prenant à moi. Si je te vois traîner dans les parages, je te bute. Et si je ne suis pas là, je chargerai la minette de le faire.

La minette ? Il voulait parler de moi ?

— Excusez-moi, lui dis-je, vous disiez ?

— Quel minable ! fit Spiro en raccrochant violemment.

Je posai mes mains à plat sur son bureau et me penchai vers lui.

— Je ne suis pas une minette. Et je ne suis pas une tueuse à gages. Et si je travaillais dans la protection, laissez-moi vous dire que je ne protégerais pas votre corps de limace. Vous êtes une moisissure, un furoncle, une merde de chien. Si vous dites encore à quelqu’un que je vais le tuer pour vous, je ferai en sorte de vous donner une voix de soprano pour le restant de vos jours !

Stéphanie Plum, docteur des menaces creuses.

— Laissez-moi deviner, fit Spiro. Vous avez vos ragnagnas, c’est ça ?

— En tout cas, une chance que je n’avais pas mon revolver sur moi, je lui aurais vidé le chargeur dessus.

— La plupart des gens ne vous paieraient pas un dollar pour avoir retrouvé de la marchandise calcinée, dit Spiro, mais étant donné que je suis un type correct, je vais vous faire un chèque. Nous considérerons que c’est un acompte. Je verrai si cela est opportun de continuer à avoir une nénette comme vous à mes côtés.

Je pris le chèque et partis. Je ne voyais pas l’intérêt de discuter ; il était clair qu’il était à côté de ses pompes. Je m’arrêtai à une station-service pour prendre de l’essence et Morelli vint se garer derrière moi.

— C’est de plus en plus bizarre, lui dis-je. J’ai l’impression que Kenny pète les plombs.

— C’est-à-dire ?

Je lui racontai la mésaventure de feu Mr. Loosey et le coup de fil de Kenny.

— Tu devrais lui donner du super à ta voiture, me dit Morelli. Tu risques de gripper le moteur.

— Dieu m’en garde.

Morelli grimaça.

— Fais chier ! dit-il.

Je trouvai que c’était une réaction un peu exagérée à mon manque de soins automobiles.

— Ce serait si grave que ça que mon moteur se grippe ?

Il s’appuya contre l’aile.

— Un flic s’est fait tuer dans le Nouveau-Brunswick hier au soir. Deux coups qui ont traversé son gilet pare-balles.

— Munitions de l’armée ?

— Oui, fit Morelli, levant les yeux vers moi. Il faut que je retrouve cette came. Je suis sûr qu’elle est sous notre nez.