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— Spiro est toujours là, me dit-il. Et Roche n’a vu personne entrer depuis la fermeture des portes à dix heures.

Nous étions garés dans une rue adjacente bordée de modestes maisons attenantes, hors d’atteinte du halo des réverbères. Aucune lumière aux fenêtres. Le Bourg était une communauté de couche-tôt/lève-tôt.

On resta assis dans un silence reposant pendant une petite demi-heure à observer le salon funéraire. Le vieux tandem de justiciers qui faisait son travail.

Minuit passa. Rien à signaler à part des fourmis dans mes jambes.

— Il y a quelque chose qui ne colle pas, dis-je. Spiro ne reste jamais aussi tard. Il aime l’argent gagné facilement. Il n’est pas du genre à se tuer à la tâche.

— Il attend peut-être quelqu’un ?

— Je vais jeter un coup d’œil, dis-je, m’apprêtant à ouvrir ma portière.

— Non !

— Je veux m’assurer que le capteur est branché.

— Tu vas tout faire foirer. Tu vas faire fuir Kenny s’il est dans les parages.

— Peut-être que Spiro a coupé le système et que Kenny est déjà à l’intérieur ?

— Non.

— Comment peux-tu en être aussi sûr ?

— Mon flair.

Je fis craquer mes articulations.

— Il te manque une qualité de base pour être une bonne chasseuse de primes, me dit Morelli.

— A savoir ?

— La patience. Regarde, tu es nouée de partout.

Il appuya avec son pouce à la base de ma nuque et remonta lentement jusqu’à la racine de mes cheveux. Mes yeux devinrent plus lourds et ma respiration plus régulière.

— Ça va mieux ? fit-il.

— Mm, mm.

Il me massa lentement les épaules.

— Il faut que tu te relaxes, me dit-il.

— Si je me relaxe plus que ça, je vais fondre.

Ses mains s’immobilisèrent.

— J’aime bien quand tu fonds, dit-il.

Je tournai la tête vers lui et nos regards se croisèrent.

— Non, lui dis-je.

— Pourquoi pas ?

— Parce que j’ai déjà vu ce film et que je déteste la fin.

— Peut-être qu’elle sera différente cette fois.

— Ou peut-être pas.

Il fit glisser son pouce le long de mon cou et quand il parla, ce fut d’une voix basse et aussi râpeuse que la langue d’un chat.

— Et le milieu du film ? demanda-t-il. Tu avais aimé ?

Il s’était envolé en fumée.

— J’en ai vu de plus prenants.

Morelli se fendit d’un grand sourire.

— Menteuse !

— De toute façon, on est venus ici pour surveiller Spiro et Kenny, pas pour autre chose.

— Ne t’en fais pas. Roche les a à l’œil. S’il voit quoi que ce soit, il me bipe.

Était-ce de cela dont j’avais envie ? Faire l’amour avec Joe Morelli dans une Buick ? Non ! Quoique…

— Je vais attraper froid, protestai-je d’une petite voix. Le moment est mal choisi.

Morelli se moqua de moi en minaudant.

Je poussai un soupir et levai les yeux au ciel.

— C’est tellement ado ! m’écriai-je. Je ne m’attendais pas à ce que tu aies cette attitude.

— Je sais, fit Morelli. Ce que tu attends de moi, c’est de l’action.

Il m’embrassa de nouveau et je me dis, bof, après tout, s’il veut choper la crève, ça le regarde. Et puis, c’était curieux, mais, le froid, je ne le sentais plus. Peut-être qu’il faisait meilleur que je ne pensais…

Morelli m’enleva ma chemise et fit glisser les bretelles de mon soutien-gorge.

Un frisson me parcourut et je me racontai que c’était à cause du froid… et non à cause du pressentiment d’une catastrophe imminente.

— Tu es absolument sûr que Roche va te biper s’il voit Kenny ?

— Mais oui, marmonna Morelli, qui faisait glisser sa bouche jusqu’à mes seins. Ne t’inquiète de rien…

Que je ne m’inquiète de rien ? Il avait sa main dans ma culotte et il me disait de ne m’inquiéter de rien !

Mes yeux se révulsèrent de nouveau. Mais quel était le problème ? J’étais adulte. J’avais des besoins. Qu’y avait-il de plus normal à ce que je les satisfasse une fois de temps en temps ? Ce n’était pas tous les jours que j’avais l’occasion de connaître un orgasme de qualité. Et ce n’était pas comme si je me faisais des idées. Je n’étais pas une petite gourgandine de seize ans qui s’attend à ce qu’on lui propose le mariage. Tout ce que je voulais, c’était un putain d’orgasme. Et je le méritais bien. Mon dernier orgasme mondain remontait à l’élection de Reagan, c’est dire.

Je vérifiai l’état des vitres. Toutes embuées. Parfait. Bon, me dis-je, vas-y. Je me déchaussai du bout du pied, puis tombai tous mes vêtements sauf mon string noir.

— À toi maintenant, dis-je à Morelli. Je veux te voir.

Il lui fallut moins de dix secondes pour se déshabiller, dont cinq consacrées aux revolvers et menottes.

Je restai bouche bée et vérifiai discrètement que je ne salivais pas. Morelli était encore plus superbe que dans mon souvenir. Et, dans mon souvenir, il était à tomber par terre.

Il glissa un doigt sous mon string et, d’un geste fluide, le retira. Il voulut se mettre sur moi, mais se cogna contre le volant.

— Ça fait un bail que je n’ai pas fait ça dans une bagnole, dit-il.

On enjamba les sièges avant et on s’écroula tous les deux sur la banquette arrière, Morelli en chemise en jean déboutonnée et en chaussettes de sport blanches, et moi en proie à un regain d’incertitude.

— Et si Spiro coupe l’éclairage et que Kenny entre par la porte de derrière ? fis-je.

— Roche le saurait, dit Morelli, m’embrassant sur l’épaule.

— Comment pourrait-il le savoir ?

Morelli poussa un soupir excédé.

— Parce qu’il a truffé le salon funéraire de micros.

Je le repoussai.

— Quoi ? Et tu ne me l’avais pas dit ? Depuis quand ?

— Bon, tu ne vas pas en faire un fromage !

— Tu me caches autre chose ?

— Non. Je te jure que non.

Je ne le crus pas une seule seconde. Il arborait sa tête de flic. Je repensai tout à coup au dîner, chez mes parents, où il avait surgi à l’improviste.

— L’autre soir, lui dis-je, comment savais-tu que ma mère avait fait un gigot d’agneau ?

— À l’odeur quand tu m’as ouvert.

— Tu me prends pour une conne ?

J’attrapai mon sac posé sur le siège avant et en vidai le contenu entre nous. Brosse à cheveux, laque, rouge à lèvres, bombe lacrymo, Kleenex, boîtier paralysant, chewing-gums, lunettes de soleil… émetteur en plastique noir.

Je sautai sur le mouchard.

— Salaud ! fis-je à Morelli. Tu m’espionnais !

— C’était pour ton bien. Je me faisais du souci pour toi.

— C’est inadmissible ! Comment as-tu osé me faire ça ? C’est une atteinte à la vie privée !

Et aussi un mensonge. Il avait surtout la trouille que je sois sur une piste et que je ne le mette pas au courant. Je baissai la vitre et jetai le bitonio sur le trottoir.

— T’es pas folle ? fit Morelli. Ça vaut quatre cents dollars ce truc.

Il descendit le récupérer. Je refermai la portière et la verrouillai. Qu’il aille au diable ! J’aurais dû réfléchir à deux fois avant d’accepter de faire équipe avec lui. Je repassai par-dessus les sièges et m’installai au volant.

Morelli tenta d’ouvrir la portière côté passager. En vain. Elles étaient toutes verrouillées et elles allaient le rester. Sa bite pouvait bleuir de froid, et je m’en fichais ! Ça lui servirait de leçon. Je fis tourner le moteur et démarrai, laissant Morelli au beau milieu de la rue, en chemise, chaussettes, la quéquette en berne.