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« Esprit actif et remuant. » Montglas.

« Mme de Chevreuse avait beaucoup d’esprit, d’ambition et de beauté ; elle était galante, vive, hardie, entreprenante ; elle se servait de tous ses charmes pour réussir dans ses desseins, et elle a presque toujours porté malheur aux personnes qu’elle y a engagées. » La Rochefoucauld.

« Je n’ai jamais vu qu’elle en qui la vivacité suppléât le jugement. Elle lui donnait même assez souvent des ouvertures si brillantes, qu’elles paraissaient comme des éclairs, et si sages, qu’elles n’eussent pas été désavouées par les plus grands hommes de tous les siècles… Son dévouement à sa passion, que l’on pouvait dire éternelle quoiqu’elle changeât d’objet, n’empêchait pas qu’une mouche ne lui donnât quelquefois des distractions ; mais elle en revenait toujours avec des emportements qui les faisaient trouver agréables. Jamais personne n’a fait moins d’attention sur les périls, et jamais femme n’a eu plus de mépris pour les scrupules et pour les devoirs : elle ne reconnaissait que celui de plaire à son amant. »

Cardinal de Retz.

« … son plaisir l’avait menée, c’est-à-dire qu’elle s’était intéressée dans les affaires du monde seulement par rapport à ceux qu’elle avait aimés. » Mme de Motteville.

« On dit qu’elle remue beaucoup, mais qu’elle n’établit jamais une affaire.

« On dit qu’elle mêle bien une intrigue, mais qu’elle ne peut jamais la démêler.

« On dit qu’elle sort fort bien d’un labyrinthe, mais non pas sans s’engager d’abord dans un autre. »

La Vérité prononçant ses oracles (mazarinade).

« Bellissima e gentillissima. »

Ambassadeur de Venise.

« La dame du royaume la plus convaincue de factions. » Cardinal de Retz.

« Cet esprit est si dangereux qu’étant dehors il peut porter les affaires à de nouveaux ébranlements qu’on ne peut prévoir. » Cardinal de Richelieu.

« La France n’a été calme que quand elle n’était pas là. » Cardinal de Mazarin.

« Elle a été la perte de la reine. »

Cardinal de Richelieu.

« Lucrèce dame. » Chalais.

« Voilà le diable ! » Louis XIII.

« Je crois que je suis née pour l’objet de la folie des extravagants. » Marie de Rohan, connétable de Luynes, duchesse de Chevreuse.

Cîteaux

L’esprit continuera de souffler à Cîteaux tant qu’il y aura des moines. Il émane miraculeusement de la pierre à Fontenay (toujours en Bourgogne), à Sénanque, au Thoronet ou à Noirlac. Il souffle aussi à Aubazine, en Corrèze, où un copain de Bernard de Clairvaux, natif de mon plateau, fonda une abbaye. Il a soufflé dans toute l’Europe, à partir du début du XIIsiècle, lorsque l’abbaye mère implantée par Robert de Molesme rayonna par la grâce de saint Bernard. Ces deux réformateurs étaient bourguignons. La dissidence des cisterciens vis-à-vis des clunisiens (bures blanches contre noires) est un de ces moments où l’histoire de la chrétienté occidentale a été orchestrée par des Français. En grégorien. Moment grandiose à l’aube du gothique. Il y eut d’autres réformes du monachisme au Moyen Âge (saint Bruno, saint Dominique, saint François d’Assise), mais la cistercienne a éclos sur notre sol et saint Bernard — théologien, prédicateur, mystique, homme d’action et d’influence — peut être considéré comme notre plus grand saint. Le but était tout simple : revenir à la stricte observance de la règle de saint Benoît après la réforme de Cluny (déjà la Bourgogne) qui avait tourné court. Le génie créateur des cisterciens a initié une « révolution » tant spirituelle (évangélisation des Baltes et des Prussiens) qu’économique (élevage) pour le salut des hommes et leur prospérité aussi. Elle fut féconde à tous égards et a enfanté un art fait de rigueur, de pureté, de luminosité. Port-Royal était à l’origine une abbaye cistercienne et l’austérité janséniste rend un certain écho à l’exigence des premiers réformateurs. Le dernier sera Rancé, fondateur de la Trappe.

On comprend mal le tempérament français si on occulte l’influence du monachisme depuis saint Martin et saint Hilaire. Sans lui, nous serions moins enclins à quérir l’absolu ou à dévoyer cette aspiration en nous gargarisant d’utopies collectivistes ou réactionnaires. C’est souvent qu’au détour d’une route secondaire, dans un trou de verdure proche d’une rivière, on découvre les restes plus ou moins réhabilités d’un monastère, autour duquel la vie paysanne a gravité durant des siècles. Si le toit de l’église se contente d’un clocheton, si les murs sont nus, le chevet plat, les colonnes tronquées et les chapiteaux ornés seulement de feuilles d’eau, c’est un vestige de la grande aventure cistercienne. Sans doute la plus grandiose de l’histoire de France ; en tout cas la plus noble. Que l’on soit ou non croyant, on éprouve le sentiment de retrouver une maison de famille dont le siècle nous aurait dépossédé. Maintes fois j’ai été tenté de le fuir pour apercevoir en psalmodiant un reflet de l’invisible. Le siècle m’a toujours rattrapé, je n’ai pas la trempe d’un disciple de saint Bernard, loin s’en faut. Mais, en tant que Français, j’ai conscience d’une dette considérable à l’égard de Cîteaux. En tant qu’écrivain aussi. Consciente de ses infirmités, ma plume voudrait suggérer l’indicible avec les mots de tous les jours, au prix d’une ascèse qui reflète la visée de l’art cistercien. Pâle reflet d’une exigence dont il reste néanmoins un souci de sobriété et d’épuration assez récurrent dans notre histoire littéraire.

Classicisme

Une grâce, un naturel, une élégance empreinte de sobriété autant que de majesté, un équilibre caractérisent ce qui s’est construit en France entre les fins du règne de Louis XIII et de celui de Louis XVI. Bâtiment des Invalides, chapelles de la Sorbonne ou du Val-de-Grâce, coupole de l’Institut : perfection des volumes, modestie du décorum. Perfection de Versailles, grandiose sans grandiloquence. N’en déplaise à Sissi, Schönbrunn, qui prétend s’en inspirer, est tellement lourdingue en comparaison. Tellement plouc. La France a sauté ou presque la case du baroque (voir : Place des Vosges). Après la Renaissance, son génie s’épanouit dans un jeu d’équilibres qui produit une impression de charme féminin. Cent châteaux, mille chartreuses illustrent cette esthétique inconsciemment soucieuse de ne pas en rajouter sur la juste mesure. Place Stanislas à Nancy. Place du Capitole à Toulouse, place du Parlement-Sainte-Catherine à Bordeaux, place de la République à Nevers. Place Vendôme, place des Victoires, place de l’Odéon à Paris : même élégance qui serait austère, ou du moins un peu froide, si ne l’embuait une fragilité, presque une précarité. On le perçoit à Bordeaux, depuis que les éclairages bleutés métamorphosent la place de la Bourse en une manière d’apothéose féérique et crépusculaire de l’idée qu’on se fait de la civilisation. Tous les bâtiments publics (Rochefort), toutes les villes (Richelieu), toutes les façades au bord d’un fleuve ou d’une rivière (Bordeaux, Besançon), tous les hôtels construits au XVIIe et au XVIIIe reflètent cet équilibre miraculeux. Ceux entre autres de l’ancien faubourg Saint-Germain, où sont implantés la plupart des ministères, depuis Matignon jusqu’à l’hôtel de Noirmoutier.