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Le diagnostic du syndrome San-Antonio est facile à établir, basé exclusivement sur l’observation. Il est posé quand, après la disparition d’un personnage ayant rendu service à la nation ou toute personne ayant été célébré de son vivant pour son talent, son humanisme ou son dévouement, les conseils municipaux, à commencer par ceux de sa ville ou de son village d’origine, rechignent à donner son nom à un espace ou un bâtiment public.

LOCALISATION

Le syndrome San-Antonio ne touche pas tous les élus de France. Et les patients présentent des degrés divers de gravité. Il épargne ceux des lieux où Frédéric vécut. Là, un certain nombre d’avenues, de rues ou de places portent son nom. C’est le cas à Bourgoin-Jallieu[66], où il est né, et à Saint-Chef où il vécut et où il est enterré. Sans que l’on sache pourquoi, on trouve des rues Frédéric-Dard à Pessac et à Saint-Jean-de-Monts. Quant aux Mureaux où sont nés les San-Antonio et où Frédéric habita pendant quinze ans, seul le cinéma porte son nom. Mais qu’en est-il dans la capitale et à Lyon, les deux villes françaises où il passa de nombreuses années et situa de très nombreux romans ? Paris s’est discrètement doté d’un petit jardin Frédéric-Dard dans le 18e arrondissement, inauguré en 2010. Rien ne fut trouvé de plus prestigieux et central pour l’auteur le plus lu du XXe siècle, objet, à sa mort, d’un hommage de la presse sans équivalent pour un écrivain. Juste un petit square perdu en haut de la rue Lepic pour l’auteur du poignant Les Derniers Mystères de Paris et de nombre de San-Antonio ayant la capitale pour décor. Pourtant, l’exposition « Le Paris de San-Antonio » en 2010 ne manquait pas de références pour rappeler la connaissance et l’amour de Frédéric pour sa ville d’adoption. Quant à Lyon, la mairie a baptisé généreusement, le 31 mars 2016, une aire de jeux pour enfants « square Frédéric-Dard, écrivain dialoguiste français père de San Antonio » (sans tiret), dans le 4e arrondissement ! Un hommage pour le moins tardif et discret, rendu à « l’écrivain lyonnais », comme le qualifiait pourtant avec fierté la municipalité, sur la plaque apposée sur l’immeuble de la rue Calas où il vécut. Mais Frédéric, qui n’avait jamais guéri de son enfance, aurait sans doute pris cette marque de reconnaissance avec bonhomie.

EXAMEN

Deux constatations à l’issue de cette phase diagnostique : l’attribution du nom Frédéric Dard à des espaces publics n’est pas en rapport avec sa notoriété. Plus troublant, on constate l’absence quasi généralisée du nom « San-Antonio », donc du nom complet, sur l’ensemble des plaques de rue ou de place concernées. Seule, à notre connaissance, l’espace parisien s’appelle le « jardin Frédéric-DARD [en gros] dit San-Antonio [en petit] ». Nulle part ailleurs, San-Antonio n’est mentionné, d’où le nom de ce syndrome. Rappelons qu’à partir des années 1980 Frédéric Dard, dit San-Antonio devint son patronyme complet, reconnu par l’état civil et inscrit tel quel sur son passeport ! Qu’il n’apparaisse pas sur une plaque commémorative est pour le moins étrange. À moins que… ! À moins que cette omission ne soit délibérée ! Un vieux fond de pudibonderie et de politiquement correct ne traînerait-il pas dans nos conseils municipaux ?

Un complément d’enquête s’impose.

TRAITEMENT

Encore faudrait-il que les sujets atteints manifestent l’envie de se faire soigner. Est-ce le cas ? En ce qui me concerne, personnellement, et après en avoir débattu avec moi-même, comme dirait Pierre Dac, je pense qu’une solution élégante existe : donner à une grande bibliothèque, un lycée et une école communale le nom de Frédéric Dard, dit San-Antonio[67]. À Lyon, par exemple, six ou sept bibliothèques ne se différencient que par le numéro de leur arrondissement. Voilà une belle occasion pour en baptiser une du nom (complet) du plus prolifique des écrivains lyonnais. À Paris, le boulevard Richard-Lenoir où Béru fit ses premières armes d’agent de la circulation s’enorgueillirait de prendre le nom de boulevard Alexandre-Benoît-Bérurier, prenant ainsi la place d’un roi du coton dont plus personne ne se souvient.

Et rien que pour voir la tête de Maigret. Comprenne qui pourra !

Affaire à suivre.

T

Tango chinetoque

Tango chinetoque se déroule en Chine. On s’en serait douté ! En revanche, on cherche vainement un rapport avec le tango. L’histoire commence à Paris. Devant le pavillon de Saint-Cloud où Félicie, la maman de San-Antonio, attend celui-ci, de retour de voyage. On ne sait pas d’où ! Dans le précédent épisode des célèbres aventures du commissaire, intitulé Vas-y, Béru !, on le quitte à la fin du Tour de France. Alors, d’où revient-il ? Mystère. Peut-être une histoire de femmes, le connaissant ! Ou bien il a écrit un San-A. qui se passe dans un pays lointain et dont le manuscrit a disparu. Quoi qu’il en soit, il débute le récit par une première digression sur l’anxiété protectrice des mères vis-à-vis de leurs enfants, histoire de se mettre en doigts ; cette réflexion se termine par l’affirmation suivante : Dans la monstrueuse indifférence de l’univers, la seule île dont le sol ne foire pas sous vos pieds, c’est l’amour maternel.

On se dit qu’on va avoir droit à notre dose régulière d’apartés philosophiques. On se trompe ; l’action est si intense que l’Antonio trouve rarement le temps de souffler. Jugez plutôt. Félicie annonce à son fils préféré que Mme Bérurier (Félicie est la seule personne au monde à appeler ainsi la Gravosse) a supplié qu’il passe la voir dès son arrivée. L’inquiétude gagne vite San-Antonio. Il fonce au Béru’s office sans prendre le temps de défaire sa valise. Il y est accueilli par un sermon : Tu fus toujours le plus généreux et le plus serviable des hommes […]. Le plus aimant des maris. Le plus sûr des amis. Le plus consciencieux des policiers. Toute ta vie fut un modèle, Alexandre-Benoît ; ta mort restera un exemple ! Horreur ; Béru est donc canné, se lamente San-A. : L’existence sans Bérurier, ça ne se conçoit plus. Il fait partie intégrante de ma vie. Il est le sol généreux de mon univers. Un sol un peu fangeux, mais duquel pourtant jaillissent de belles et blondes moissons. On voit que le chagrin ne lui ôte pas sa verve. Tant mieux. Pour nous. On a la trouille quand même. Mais non, Béru est bien vivant. Pas pour longtemps d’après lui, car il vient d’être chargé par le Vieux d’une mission, en Chine, de celles dont on ne revient pas. Parce que tous leurs espions se sont fait repasser. Zéro : terminé ! Pas un seul n’est revenu, que ça soye du côté ruski ou du côté ricain. Et même les gnaces de l’Intelligence Service sont restés au tapis comme les copains. C’est dire que Béru, qu’a juste voulu faire le fiérot parce qu’il était beurré comme un Petit Lu, n’a aucune chance d’en réchapper. S’ensuit tout un psychodrame chez le Vieux ; engueulade, chantage à la démission, bravade, le tout se terminant par le seul pleur connu d’Achille, le Yul Brynner de la Rousse, dans toute la saga san-antonienne.

— D’accord, San-Antonio… Vous partirez tous les deux… Mais à une seule condition !… C’est que vous en reviendrez tous les deux, vu ?

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66

Il existe une avenue Frédéric Dard à Bourgoin-Jallieu, la moindre des choses pour l’auteur de L’Homme de l’avenue !

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67

Une dizaine d’écoles portent le nom de Pierre Perret, notre génial auteur-interprète, par ailleurs très amateur de San-Antonio.