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— Néanmoins, grommelle Bérurier, on prendra des allers simples. Pas la peine de mettre l’administration dans les frais !

L’émotion, on le voit, est à son comble.

Ah oui, j’ai oublié de dire que notre équipe est chargée de repérer une base chinoise d’où est parti un gigantesque satellite situé maintenant à l’aplomb de l’Amérique.

Action ! Accrochez vos ceintures.

Après vingt heures de vol dans un D.C.D. de l’armée de l’air américaine, nos deux héros se trouvent enfin au-dessus du Turkestan oriental, dans la province du Sinkiang — pour une fois, ça existe ! — , où ils doivent être largués. San-A. réveille Béru :

— Hé, bébé rose, j’appelle doucement, c’est ici qu’on prend la correspondance !

Il sursaute, regarde les banquettes, se frotte les carreaux et murmure :

— On est déjà à Chaussée-d’Antin ?

— Yes, mon pote, et pour le Père-Lachaise, faut prendre la direction Porte-des-Lotus.

Quelques instants plus tard, Béru saute sans hésitation dans le vide : gueulard, renaudeur, picoleur, soudard, et tout. Mais la témérité, c’est son lot. Sauf qu’une sangle le retient au rail scellé au plafond du zinc. Celle qui doit assurer l’ouverture automatique du parachute. Dans un fulgurant réflexe, Béru sort son ya et la tranche, croyant à un incident technique. San-A. saute à son tour, lesté d’une cantine militaire pour rejoindre le Gros. On peut pas tout raconter ! Faut laisser le lecteur savourer lui-même le suspens. Sachez seulement qu’ils s’en sortent. Mieux que le camembert que Béru trimballe dans sa poche ! Ayant récupéré la Jeep larguée en parachute, ils commencent à longer la frontière, quand ils sont attaqués par des loups. Béru fout le feu aux mauvaises herbes pour les éloigner. Ça marche, sauf que la Jeep explose et que nos deux héros se retrouvent quasiment à poil : Nous voici dépouillés jusqu’à l’os. Nous n’avons même plus de poils occultes, nous précise San-A. Qu’importe, reclus de fatigue, comme dirait Élisée, ils s’endorment. Béru rêve que Berthe joue les mutines : Arrête ! pouffe-t-il. Arrête, je peux plus ! Mais, en se réveillant, il s’aperçoit qu’en fait il s’agit d’un bélier en train de lui lécher les nougats. Les rescapés décident de suivre Cyprien. C’est le nom que lui a donné Béru. Stupre et faction, ils découvrent en plein désert un monstrueux chantier autour d’une machine qui fabrique une autoroute à seize voies, en roulant à quatre-vingts kilomètres à l’heure. C’est gigantesque, cataclysmique. Ça gronde, ça fore, c’est fort, ça edgarfaure. Béru se fait happer par une pelleteuse haute comme un immeuble de trois étages. Heureusement, le conducteur s’en aperçoit avant que le Gros ne soit broyé, concassé, émietté, goudronné, aggloméré avec la terre chinoise.

— Kétu-foû lao grang kong, s’écrit-il, soit à l’adresse de Béru, soit en poste restante.

Béru est fait prisonnier.

Pendant ce temps-là, San-A. s’empare d’une ambulance après avoir crevé un pneu et pendant que les chauffeurs réparent les dégâts.

— Cé pa tou ça fô kon chang la rou, se lamentent-ils.

San-A. se déguise en toubib. Après en avoir assommé un qui lisait Le Canard laqué enchaîné. Il retrouve Béru dans le wagon cellulaire et le délivre pendant que les gardes sont en train de parler de la mousson et du beau temps. Opportunistes, ils embarquent l’autre prisonnier, Lang Fou Ré, un Chinois qui cause français.

— J’ai été pendant dix ans pédicure à la Muette, leur révèle-t-il.

Ils rejoignent l’ambulance, mais au moment de partir, une masse sombre bondit dans le camion. Il s’agit du bélier de Bérurier, à nouveau échappé. Son amour pour les nougats du Gravos a été le plus fort. Il a voulu rejoindre Sa Majesté.

On comprend qu’on va se trimballer le Cyprien jusqu’à la fin. Or on n’est qu’à la page 90 ! Bon ! C’est quand même San-Antonio qui décide. Passons. Incident à un barrage de police. Béru opère un toubib pour de vrai de l’appendicite, afin d’éloigner les policiers. J’ai pas le temps d’expliquer pourquoi. Enfin, ils atteignent une ville, celle de Chou Far Ci où Lang Fou Ré les guide chez son oncle brocanteur. Apparition d’une éblouissante jeune fille nommée Vao Dang Sing. Le cœur de San-A. fait tilt, ses lampions pavoisent en toute hâte, et il sent que sa merveilleuse moelle épinière tourne en crème fouettée. C’est vous dire. Nous, on n’est pas dupes et on sait bien que, le soir venu, le San-A. va pas se contenter du baiser pubère, mais la démarrer d’un grand mimi hydraté, avec contrôle des incisives, bouillon de culture interchangé et exploration de la membrane muqueuse. Ça manque pas ! Au premier petit soupir, le Tonio des familles en a de l’émoi dans tout l’hémisphère austral. Normal, il aime bien les gonzesses sonorisées, elles portent à l’incandescence. Pour lui, les silencieuses, ça plonge dans l’indécision. On a toujours l’impression, au plus fort de la chasse à courre, qu’elles se demandent si elles ont bien fermé le gaz avant de venir. Vao re-soupire, ce qui remet en mémoire à San-A. un vieux proverbe de Félicie : « Cœur qui soupire n’a pas ce qu’il désire. » Qu’est-ce qu’il ferait sans sa mère, celui-là ! Bref, il décide d’envoyer une commission d’enquête sur place pour s’assurer des aspirations de Vao et lui fait successivement : la chenille processionnaire, le médius caverneux, le contre-écrou inversé, le plissement alpin, la pelle-bêche-tête-bêche, le pointillé langoureux, le bourgeon sensoriel, le grand hypoglosse surmené, les fingers en gold[68], le petit escavateur télescopique et, pour conclure, l’homme de gro mognon. On n’est pas étonnés d’apprendre que, quand il actionne les rétro-fusées, la môme Vao ne sait même plus qu’elle est chinoise.

Faisons une pause ; à ce stade de l’action, l’auteur nous délivre un message, devenu culte, qui figure aujourd’hui en introduction des pages roses du Dictionnaire San-Antonio, pas amoureux celui-là, mais pas mal quand même : J’ai lu accidentellement la prose (je trouve pas d’autres qualificatifs) d’une ulcérée de la jarretelle qui, dans un article (je continue à ne pas trouver d’autres mots) publié par un bulletin (c’est pourtant vrai que j’exagère puisque j’appelle ça un bulletin) extrêmement confidentiel, déclare que j’en remets pour rassurer le lecteur sur sa propre virilité. Textuel ! Je crois qu’elle ferait mieux d’analyser ses urines plutôt que mes écrits, la Madame Pudeur en question. Et pour lui prouver que mon vocabulaire n’est pas indigent, je tiens à lui dire qu’elle est une ratée du sommier, une refroidie du rez-de-chaussée, une virtuose du solo de mandoline, une passée-outre, une pas-réussie, une chagrineuse, une punisseuse, une empêcheuse de baiser en rond, une déglandée, une courroucée, une sèche, une qui voudrait qu’on l’inculque en couronne, une pionne à tout, une patibulaire, une pas tubulaire, une… Oh ! et puis, flûte, de quoi je m’occupe, laissons donc les araignées tisser paisiblement leur toile sur le siège de sa vertu.

Revenons à l’action, mais avouons que, après cette séance de culbute dans les abîmes de la passion (sic), nous avons tous les nerfs à vif. Sauf Béru que San-A. sort d’un rêve où il se tapait un calendos avec Berthe. Ils doivent fuir quand Vao, revenue des vapes, apprend à San-A. que Lang Fou Ré est en fait un agent du Grang Poû La Gha. Béru se réveille, clappe à vide comme toujours en pareil cas et murmure d’une voix aussi fluide qu’un seau de goudron :

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68

Tiens, j’suis porté sur l’angliche, ce morning. San-Antonio.