— Le pastiche de titre de livre célèbre : Le Casse de l’oncle Tom.
— Le pastiche de titre de film célèbre : Vol au-dessus d’un lit de cocu.
— Le pastiche de titre de chanson célèbre : Ma cavale au Canada.
— Le pastiche de conte célèbre : Le Loup habillé en grand-mère.
— Le pastiche de titre de peinture célèbre : Ceci est bien une pipe.
— Le pastiche de nom d’avenue célèbre : Sucette boulevard.
— Le pastiche de nom de personnage célèbre : Buffalo Bide.
Mais ils peuvent être l’expression :
— d’une supplique : Fais-moi des choses ;
— d’une prière : Si ma tante en avait ;
— d’une politesse : Tout le plaisir est pour moi ;
— d’une crainte : Meurs pas, on a du monde ;
— d’un soulagement : Si maman me voyait ! ;
— d’une démangeaison : Du sable dans la vaseline ;
— d’une interrogation : Faut-il vous l’envelopper ? ;
— d’une déraison : J’ai peur des mouches ;
— d’un avertissement : T’assieds pas sur le compte-gouttes ;
— d’un oxymore : J’ai bien l’honneur de vous buter ;
— d’un enfantillage : Maman, la dame fait rien qu’à me faire des choses ;
— d’un élan sportif : Vas-y, Béru ! ;
Ou être simplement, c’est fréquent :
— une exclamation : T’es beau, tu sais ! ;
— une absurdité : Les eunuques ne sont jamais chauves ;
— une affirmation : Ça ne s’invente pas ;
— une recette : Sauce tomate sur canapé ;
— un ordre : Tire-m’en deux, c’est pour offrir ;
— un mot d’ordre : Votez Bérurier ;
— un contrordre : Remets ton slip, gondolier ;
— un désordre : De l’antigel dans le calbute ;
— une onomatopée : Hue, dada ! ;
— un avertissement : Fais gaffe à tes os ;
— une minauderie : Princesse Patte-en-l’air ;
— une cochonnerie : Bons baisers où tu sais ;
— une réclame : Turlute gratos les jours fériés ;
— une lassitude : Les huîtres me font bâiller.
Et même une nostalgie d’un passé lyonnais révolu : San-Antonio chez les « gones ».
Si votre curiosité n’est pas assouvie, sachez que les références les plus nombreuses sont en réalité celles faites aux femmes (de Laissez tomber la fille à Mesdames, vous aimez ça, en passant par Mes hommages à la donzelle et Alice au pays des merguez), au sexe (de L’Année de la moule à Tarte aux poils sur commande et de Plein les moustaches à Bacchanale chez la mère Tatzi) et au corps humain, de Les Doigts dans le nez à Un os dans la noce et de Du plomb dans les tripes à Les Deux Oreilles et la queue, le tout sous le contrôle médical de Bravo, docteur Béru.
À notre connaissance, Frédéric Dard n’a jamais été interrogé sur cet artisanat du titre, et on ne peut que préjuger de son processus de création. Malgré les tentatives de clarification, il y a fort à parier que la plus joyeuse improvisation a présidé à leur choix. Au mieux, on peut y voir quelques influences tenant à l’époque, depuis celle des années 1950 et du roman policier (de Du plomb dans les tripes à Messieurs les hommes) à la grande libération sexuelle des années 1980 (de Papa, achète-moi une pute à Dégustez, gourmandes !). Point besoin d’autre explication ; les San-Antonio sont avant tout une vaste entreprise de divertissement, de moquerie de soi et des autres. À moins que M. de Caro-Beau-Papa n’ait mis de temps en temps son grain de sel d’éditeur pour tempérer la créativité du gendre-écrivain. L’avertissement suivant, accompagnant le 114e San-Antonio, Remouille-moi la compresse, va dans le sens d’une collaboration entre les deux hommes sur certains aspects des textes. Jugez vous-mêmes ! Mon constant souci de la vérité m’oblige à révéler que j’avais initialement intitulé cet ouvrage « La Chartreuse de Parme », car vous verrez, au cours de ces pages échevelées, que Pinaud y boit de la Chartreuse verte et que Béru y commande du jambon de Parme. Mais mon éditeur, fin lettré et homme intègre sous son bandage herniaire, me fit remarquer qu’un autre écrivain dauphinois, également embusqué sous un pseudonyme, avait utilisé ce titre avant moi ; chose que j’ignorais de la tête aux pieds. En conséquence, je décidai spontanément de laisser au sieur Beyle ce qui appartenait à Stendhal et optai pour un autre titre qui, tout compte fait, se révèle plus moderne et cerne mon histoire de plus près. Et quand ni l’un ni l’autre n’a tranché, c’est vers nous, la garde rapprochée, que San-Antonio se tourne, confiant dans notre conscience professionnelle de lecteur : J’ai déjà le titre : « Contre vents et marées » ; qu’en pensez-vous ? ou : Que diriez-vous par exemple de « Contre vents et diarrhées » ? Ce serait plus porteur.
Ne nous prenons pas plus au sérieux que Sana lui-même. Savourons ses trouvailles pour ce qu’elles sont, une manifestation de plus de son imagination en ébullition et de plus en plus décomplexée au fil des années. Et si nous ne sommes pas encore convaincus du caractère purement ludique de ses titres, amusons-nous à lire ses innombrables sous-titres. Ils paraphent la dérision de tout cela. À (sous-)titre d’exemple, voici quelques qualificatifs des San-Antonio glanés çà et là : Roman… sublime, matelassé, splendide, délibéré, foutral, agricole, hypodermique, pathétique, presque littéraire mais pas chiant du tout, de première classe, de classe internationale, notoire, typiquement policier, à s’en arracher la peau des couilles pour en faire un sac à la dame de ses pensées, de mœurs facilitant le transit intestinal, d’une haute tenue morale et littéraire dans lequel l’auteur assure la concordance des temps et met un préservatif pour baiser, roman franchement magistral. Et à grand spectacle. Que tu peux pas croire que c’est moi qu’a écrit ça ! […] un chef-d’œuvre de plus de San-Antonio !
À PLUS D’UN TITRE
(Renifle, c’est de la vraie)
Moi, vous me connaissez, ce que je vais vous raconter, ça ne s’invente pas. Depuis cinquante ans, je suis à tue… et à toi avec San-A. et je le connais maintenant en long, en large et en travers. Un de ces soirs où on a du mouron à se faire, je promenais ma puberté boutonneuse dans une ruelle sordide de la ville, rue des Macchabés. Que voulez-vous, depuis tout petit, je suis comme ça ; dès qu’il y a un os dans la noce ou du sable dans la vaseline, j’ai beau avoir le trouillomètre à zéro et me dire, fais gaffe à tes os, quand y a de l’action, j’oublie que, d’ordinaire, j’ai peur des mouches. Ça a l’air idiot, mais je vous jure, j’ai essayé, on peut ! Bref, c’était pas la fin des haricots, mais je traînais quand même mon blues, bien décidé à faire un deuil express de mon adolescence. Hue dada !, donc, m’exhortai-je. C’est avec les donzelles que tu trouveras le salut. Une seule précaution : fais pas dans le porno. Non, tu verras, les souris ont la peau tendre. Alors, tu t’en mets plein les moustaches et tu t’abandonnes au concerto pour porte-jarretelles. Faut être logique, quoi ! Vous allez croire que je me vante. Pas du tout. Je pensais que si San-Antonio met le paquet, moi aussi je pouvais, en suivant bien ses conseils, poser mon culte sur la commode et jouer plein feu sur le tutu. Faut savoir qu’il y avait des gonzesses comme s’il en pleuvait. C’était l’époque bénie où les morues se dessalent et on pouvait leur jouer Al Capote pendant qu’elles te souhaitaient la fête des paires. En ce temps-là, y avait pas trop de maladies et on se mettait pas la rate au court-bouillon en changeant tous les jours de Princesse Patte-en-l’air.