« Pourquoi aller ailleurs ?
On est si bien chez soi… »
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Le sexe est joyeux comme un matin ensoleillé, aussi je m’applique à lui donner dans mes bouquins la place qu’il mérite, c’est-à-dire la première.
Nous voilà prévenus !
Quand le tricotin t’habite, ta bite a besoin de tricoter.
Maintenant, libre à nous de passer notre chemin si l’on se range du côté des pisse-chagrin, des empêcheurs de peloter en rond, des amoindris de l’entresol, des invertébrés de la membrane, des tourmentés de la coiffe, des chafouins du slip ou des sournois de l’Éminence. Autant avertir d’emblée les mateurs et amateurs de porno : si vous pensez trouver dans San-Antonio matière à vous chanstiquer la pensarde, et à vous astiquer le reste, le mieux est de passer votre chemin. Que cela soit clair une bonne fois pour toutes : si San-A. est un des plus grands poètes du cul de l’histoire de la littérature mondiale — comment ne pas lui associer Sade, Pierre Louÿs, Jean de La Fontaine ou autre Guillaume Apollinaire ? — , on peinerait à trouver dans ses 183 titres la moindre concession à une image dégradante du sexe. D’ailleurs, un de ces titres n’est autre que Fais pas dans le porno, on ne saurait être plus explicite ! Cette précaution étant prise, il n’en reste pas moins que le sexe est un des piliers de cette œuvre monumentale, ode au genre humain, à sa grandeur et à ses inévitables bassesses. Et point besoin de savoir lire entre les lignes pour découvrir l’objet de la célébration de ce qu’un de nos plus grands peintres, Gustave Courbet, a intitulé L’Origine du monde.
Car c’est bien à la naissance du monde et à la plus petite enfance de San-A. qu’il faut remonter pour comprendre cette nécessité vitale de l’écrivain à nous éclairer sur les choses du sexe et donc de l’amour. La baise, mon petit. La baise, c’est la vie. Une certitude qui me hante depuis que j’ai ma lucidité et du poil autour. Il ne vous aura pas échappé que San-A. est né Dard ! On voit là le premier signe du destin. Avec un tel patronyme, le choix était restreint : soit apiculteur, soit la plus fine épée de la langue française. Un goût précoce et immodéré pour la lecture, puis l’écriture, lui fit choisir la seconde option, pour notre plus grand soulagement.
Très vite, cette production littéraire a pour socle l’humour, le plaisir de la langue et la chasse aux cons (voir cette entrée). Deux derniers mots qui, par ailleurs, nous instruisent sur les « rapports » étroits entre la littérature et le sexe, dont San-Antonio va, livre après livre, devenir le maître.
— La langue française est un patrimoine que San-A. ne cesse d’enrichir. Mais, magie des mots, la langue est aussi le plus bel organe de l’amour, celui du premier pacte, du premier acte, prélude à la découverte l’un de l’autre, si souvent humide et presque toujours renversante.
— Quant au con, n’est-il pas à la fois le stigmate indélébile du genre humain et, argotiquement parlant, un des organes les plus délicats, féminin en diable, de l’amour entre sexes que rien n’oppose ?
Ajoutons une pensée récurrente chez San-A., qu’il semble partager avec le reste de l’humanité : Le trou inquiète l’homme, nous résume-t-il pour expliquer à la fois notre obsession du prochain trou, celui qui, vous l’avez deviné, a du poil autour, et notre angoisse du dernier trou, au Boulevard des allongés (l’Ange noir) ou Rue des Macchabées (San-A.).
Tout commence et tout finit par le fion. Le reste n’est que littérature de branleur.
Toutefois, la raison de la prolifération des scènes dites X dans l’œuvre de San-A. ne s’arrête pas à ces seules explications sémantiques. Pour comprendre sa constance à nous parler des choses de l’amour, car c’est de cela qu’il s’agit, il me faut vous emmener dans son enfance, celle dont il ne s’est jamais remis, selon lui. Sa poursuite enfantine de l’interdit — Le sexe, on le tenait caché, mais comme l’affreux Jojo, je ne pensais qu’à ça — s’est muée en un besoin irrépressible d’expérimenter très tôt la chose. Guère avare de confidences, San-A. ne nie pas avoir eu des prédispositions précoces : Après tout, moi aussi, à quatorze ans, je me laissais pressentir l’intime par Mme Ghirelli, la couturière de maman. Mais arrivent l’adolescence et un feu d’archifesse qui vont sans doute le venger des quolibets de son enfance dus à sa paralysie du bras gauche. Heureusement, le reste marche bien, et la revanche est éclatante. Me v’là revenu à mon époque adolescente, quand j’allais grimper des prostiputes chez la mère Poupin, cette bonne grosse si gentille qui demandait toujours, pendant que tu limais, si tu ne connaissais pas « quelqu’un dans le cinoche » pour pistonner sa fille qui voulait « faire actrice ». La France d’alors, celle d’avant guerre, sent peut-être venir la catastrophe. La solidarité est au programme, et la formation de la jeune génération une priorité. Élève appliqué, il apprend que le plaisir, s’il est affaire de technique, doit encore plus à l’imagination. À mes débuts casanovesques, j’ai bénéficié de la technique d’une femme d’expérience qui avait l’âge d’être ma tante (j’aime pas mêler le saint nom de « mère » à des baisouillances). Sa spécialité, Mme Larchaix, c’était le steeple-chaise. C’est dingue, ce qu’elle a pu m’enseigner sur une simple chaise de cuisine, la grosse chérie. Enfin, par un mimétisme dont il a le secret, sa quête de l’autre l’entraîne définitivement sur le trottoir de l’amour : Je fais le tapin, je suis un prostitué de l’affection.
Cette boulimie sexuelle et affective, si tôt déclarée, San-A. la projette dans son œuvre, avec cette grossièreté où l’on peinerait à trouver une pointe de vulgarité, et avec cet humour qui transforme tant de prouesses sexuelles en scènes de rire et d’anthologie.
San-A. for ever, San-A. fort et vert, sommes-nous tentés de conclure, en le qualifiant à notre tour comme il qualifia Béru dans Le Standinge, est un poète jubilatoire des scènes érotiques et, définitivement, l’écrivain de l’amour.