Dans le même esprit, citons :
— Tout San-Antonio, de Jean-Claude Soyer et Jean-Jacques Dupeyroux (Julliard, 1970),
— Les Mots en épingle, choisis par Françoise Dard (Fleuve Noir, 1980),
— Les San-Antoniaiseries, sélectionnées par Daniel Demange (Fleuve Noir, 1989),
— Les Aventures galantes de Bérurier, de nouveau par Françoise Dard (Fleuve Noir, 1992),
— Les Pensées de San-Antonio (Le Cherche-Midi, 1996),
— Mes délirades, sélectionnées par Paul Désalmand et Yves Feugeas (Fleuve Noir, 1999),
— et une dizaine de recueils de citations, présentés sous le titre Réflexions (passionnées, appuyées, énamourées, jubilatoires, etc.) sur : nos semblables, la jactance, la connerie, les femmes, la philosophie, l’existence, etc., rassemblés par Raymond Milési, Philippe Taurisson, Thierry Gautier, et parus au Fleuve Noir (1999–2000).
Dans un genre un peu différent, signalons Les Contrepets de San-Antonio de Patrice Dard parus chez Fayard en 2002. En 2017 devraient paraître les minutes des congrès de Belfast de mai 2015 et les premiers Cahiers Frédéric Dard, édités sous la responsabilité de l’université de Dijon.
Enfin, en bonne place dans ma bibliothèque, en raison de la personnalité de son auteure, la qualité de ses textes et la richesse de son iconographie : Frédéric Dard, mon père : San-Antonio, de Joséphine Dard, aux éditions Michel Lafon (2010).
Bipolaire
Je suis un cyclothymique.
Je rigole gras, puis je m’embaume dans la mélancolie.
Malgré tout, il sut faire preuve de cohérence, puisque doté toute sa vie d’un cœur gros comme ça envers ses contemporains, il mourut toute sa mort d’une insuffisance cardiaque, un gros cœur épuisé d’avoir trop donné, ni plus ni moins !
Écrivain génial et complexé, Frédéric Dard, dit San-Antonio, né cyclothymique tendance maniaco-dépressif, est l’inventeur et le seul vrai représentant de la littérature bipolaire ! Une littérature à deux versants, autorisant tout comme l’écrivit un jour Pierre Georges : « Le facile et l’incroyable. Le pathétique et le merveilleux. Le scatologique et le poétique. Le désespoir de vivre et la fureur d’aimer, en un inimitable flot linguistique, emportant tout sur son passage. Et d’abord les imaginations, les angoisses et les rires. » Une littérature racontant un homme et un écrivain sans cesse en déséquilibre au bord de lui-même, ne sortant de ses plages de bonheur que pour vivre en état de catastrophe. « Content d’un rien, je suis mécontent de tout », comme son ami Scutenaire.
« Jamais je n’ai rencontré tant de génie et de simplicité réunis. Jamais je n’ai vu coexister gaieté plus franche et désespoir plus complet. Jamais je n’ai observé en une même personne si peu d’illusions sur l’homme et tant de bonté pour lui » (Philippe Bouvard).
À la fin des années 1970, sous la pression de son éditeur-beau-père et sous la pile de ses dizaines de millions de livres vendus, Frédéric Dard abandonne son patronyme, au profit de son héros plus célèbre que lui, le commissaire San-Antonio. San-Antonio et son double titre quarante ans plus tard un de ses fins connaisseurs, Dominique Jeannerod. Nous posant de fait cette question sans réponse : mais qui est qui ? Pensez, lors de ses premières interventions télévisées, on découvre San-Antonio sous l’aspect d’un homme jovial, à la bonhomie rondouillarde et, plus étrange encore, au langage très châtié. Rien à voir avec l’idée que l’on se fait alors de l’auteur-héros, tombeur de ces dames, personnage truculent au verbe argotique et imagé. Tout le mystère est là ; mystère et parfois désarroi d’un homme dépassé par le fruit de son imagination, mystère d’une personnalité double et torturée où épisodes dépressifs et débordements d’activité alternent, mystère enfin d’une œuvre signée Frédéric Dard (et ses nombreux pseudonymes), noire, réaliste, tourmentée, et, d’une autre, sans rapport évident avec la première, signée San-Antonio, un hymne au rire, à l’amour et à la joie de vivre. En réalité, à ce jeu cruel et ambivalent, aucun des deux auteurs ne perdit ni ne gagna, et leur tombe les associa pour l’éternité sous la seule mention : Frédéric Dard, dit San-Antonio. Ou plutôt, si, il y eut un gagnant : la littérature, les traductions de ses ouvrages en trente-cinq langues et les millions de lecteurs qui le découvrirent dans le monde entier.