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L’imagination a fait le reste !

En voici un autre exemple, tiré de Baise-ball à la Baule  : podologue — stupitre premier — déconnitre II — abrutitre III — couillonnitre IV — débilitre V — enfoiritre VI — minusitre VII — pauvrite VIII — lamentablitre IX — dégueulassitre X — crétinitre XI — navrite XII — cudaillitre XIII — idiotitre XIV — merditre XV — ahuritre XVI — hébétitre XVII — demeuritre XVIII — intelligitre XIX — foutitre XX — finitre XXI — concluette et… épiglotte.

Et un dernier pour la route… pioché au chapitre XIV de Faites chauffer la colle. Il est assorti du renvoi en bas de page suivant : 1. Venant après le chapitre XII, celui-ci devrait être le XIII. Mais en auteur consciencieux qui prend en compte la superstition de certains lecteurs, je suis passé directement au XIV. Ne me remerciez pas, ça ne m’aura coûté que les quelques lignes de ce renvoi.

Cinéma muet

Journaliste ou pas, Frédéric n’aurait raté la cérémonie pour rien au monde : l’enterrement de Louis Lumière ! Il lui doit tant. Oh ! il n’a pas à jouer des coudes, le cortège est clairsemé, et la foule des curieux se disperse vite, déçue de ne pas apercevoir une Gaby Morlay, un Marcel Carné, un Pierre Fresnay ou un Jean Cocteau. On passe par le paisible quartier lyonnais de Monplaisir, puis on gagne l’immense carré des morts du cimetière de la Guillotière. Là, quelques hauts fonctionnaires prononcent des paroles passe-partout sur cet homme de génie. Tout ce qu’on leur en a dit, c’est-à-dire pas grand-chose, nous rapporte le rédacteur en chef, Frédéric Dard, dans son numéro de juillet 1948 de L’Écho de Savoie. En voyant cette foule d’anonymes, il s’est demandé où étaient toutes ces vamps au sirop de pomme qui encombrent la profession et ces messieurs au masque convulsé, que le générique de chacun de leurs films affirme comme étant le premier acteur de France. Et les nababs de Hollywood, croyez-vous qu’ils auraient dépêché un des leurs pour la circonstance ? Pourtant, tout ce petit monde du cinématographe n’existerait pas sans ce génie du nom de Louis Lumière !

Non, monsieur Lumière, il n’y a pour vous accompagner aujourd’hui que la tourbe des petites gens, ceux qui vous doivent les Chaplin, Keaton ou Disney, et qui peuvent s’offrir à volonté de l’oubli, de la force, de l’aventure et de l’amour. Frédéric n’est même pas déçu, il comprend soudain que les vrais acteurs sont ces anonymes qui suivent le char funèbre, ces spectateurs qui le temps d’une projection se prennent pour des Hercule, des Ulysse ou des César. Après tout, les rôles de l’ombre, c’est ce que le cinéma a de plus grand.

Sur la route du retour, Frédéric repense au cinéma Le Petit Dauphinois où son père l’emmenait, tout gamin, voir des films muets. Il revoit Mlle Longbec au piano qui accompagne les scènes langoureuses et le gros plouc qui bruite les explosions dans les films de gangsters ou de guerre. Il sait que son imagination vient de là. Chaque fois qu’il lit un de ces cartons entre deux scènes, il s’invente la suite. Autant d’histoires à raconter aux copains !

Puis il a vu son premier film parlant, Doublepatte et Patachon, croit-il se rappeler. La déception, la page qui se tourne d’un spectacle où la magie vient des reparties que l’on improvise. Le cinéma était poétique parce qu’il était silencieux. Il est mort en devenant bavard. De ce jour, quand il est à l’étranger, il aime bien aller au cinéma, voir un film sans sous-titres, dans une langue qu’il ne comprend pas !

Frédéric est dans son salon. Il a la gorge en feu. Il essaie de la calmer avec un vin sucré et brûlant. « Chaud sur chaud et au dodo », aurait dit Félicie, jamais à court de maxime. Il regarde la télé, sans la voir, des parlottes de tas de cons en couleurs qui disent des conneries. Quand, soudain, il se voit à l’écran, un enregistrement qu’il s’était empressé d’oublier, tant il avait honte des questions paquebots qu’on lui posait, et plus encore de ses réponses, pleines de fausse assurance, pleines d’un abject contentement. Moi qui m’appelais au secours et qui ne m’écoutais pas pour laisser les autres m’entendre.

À la hâte, il coupe l’image, et se prend à rêver d’une interview muette, comme le cinéma de son enfance. Un carton :

Et Frédéric de répondre, le regard fixe, le poing en avant, avec le doigt du milieu dressé.

Réponse : ma gueule figée, juste une larme qui perle.

Le feu au fond de sa gorge s’est un peu atténué. Bizarre qu’il se tape encore des angines. Il croyait qu’il en était à l’abri depuis qu’on l’avait opéré des amygdales. Un drôle de souvenir :

« Que le streptocoque se mette là-dedans, monsieur Dard, et ça peut être l’insuffisance mitrale, l’avait alarmé le toubib. On aurait dû vous faire ça plus tôt, c’est des vrais choux-fleurs que vous avez là. » L’intervention s’est bien passée, mais, le lendemain, il a frôlé la double fracture ! Armand de Caro lui a apporté un somptueux cadeau pour ses trente ans et pour l’aider à se remettre. À se remettre au travail, bien entendu ! Bref, il s’est pointé avec un énorme paquet qu’il a malencontreusement laissé tomber sur les jambes de Frédéric. Cri de douleur, radio en urgence. Résultat : une grosse contusion sans plus de dommage. Ouf ! Frédéric est revenu dans sa chambre, soulagé et impatient de découvrir « la surprise du chef » : la première machine à écrire IBM à boule de l’Histoire ! La somptueuse 72/82 Selectric. Arrivée en direct des États-Unis, rien que pour lui. La première d’une longue série. Des grises, des noires, avec des dizaines de ces petites têtes d’écriture sphériques qu’on ôte en les déclipsant.

Je m’entraîne loin du récit, faut me pardonner. Un vrai déconographe. Sitôt que j’à-chevale un dada, hop, v’là que j’éperonne… Quand je serai descendu au sous-sol, rayon des arts-déménagés, je m’offrirai des cures de silence. Des infusions d’éternité. En attendant, on bavasse, quoi ! C’est de notre vie.

Repensant à cette anecdote, Frédéric se fait son cinéma. Il a soudain une idée. Il se munit d’un marteau et se rend à son bureau où il enlève la boule de son IBM. Puis il la casse en plusieurs morceaux. Demain, il se rendra à la bijouterie Duvoisin, à Carouge. Il leur demandera de créer un pendentif avec les brisures de la boule, en prenant soin de mettre en évidence les lettres A.M.O.U.R. Il rit de la surprise qu’il va faire à Françoise. La brûlure au fond de la gorge est déjà oubliée !

Cinéma parlant

— Pouno, t’es là-haut ? J’ai Jeanne Moreau au téléphone.

— Passe-la-moi au bureau… Jeanne, comment vas-tu ?

« Ça y est, Fred, je viens de finir de tourner La Vieille.