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— Pas mal construit.

Je vide mon godet, demande du geste qu’on renouvelle nos mignons abreuvoirs.

— Seulement, y a un os. Traqué, l’Allemand a une réaction qu’on n’attendait pas de lui. Soucieux de préserver sa fille et son ex-beau-frère, au lieu d’aller demander refuge chez ce dernier, il décide de faire appel à une agence de police privée. Peut-être l’idée lui en vient-elle en apercevant notre plaque. Bref, il vient me trouver et bonnit tout. Gueule de ces dames en constatant qu’on vient flanquer la merde. Trouille. Panique ! Je risque de tout fiche par terre. Elles ne savent plus ce qu’est devenu Hans Kimkonssern. Mais moi, tout beau, que fais-je ? Je le montre à Laura en lui demandant si elle l’a déjà vu… Et sais-tu pourquoi, dis, Van Gogh ? Parce que sa voix figurait sur l’enregistrement.

« A ce propos, il faut que je te dise quelque chose, Mathias, mon chéri. Tu es un grand technicien, un grand expert, et, comme tous les grands esperts, il t’arrive de commettre des erreurs. Car, Mathias, cette voix que nous attribuions à l’Allemand, n’était pas la sienne, la chose m’a été confirmée par Maud, mais celle d’un ami de la fille, un étranger plus ou moins germanique, lui aussi. N’importe, c’est grâce à cette erreur que nous sommes allés de l’avant. A cause de cette erreur aussi que Kimkonssern a été assassiné puisque cela m’a amené à montrer sa cachette à Laura. En sortant de chez nous, elle s’est empressée d’affranchir la mère Angèle. Puis, comprenant que nous saurions aussitôt qu’elle nous avait doublés, elle s’est fait accidenter par un cycliste. »

Mathias s’empresse de liquider son verre de Chartreuse pour laisser de la place à la nouvelle consommation qu’on lui apporte.

Mais dites-moi, patron…

— Mon grand cierge ?

— Puisqu’ils voulaient lui faire avouer où se trouvait son trésor, pourquoi l’ont-ils assassiné ?

— Ça, c’est autre chose. La vieille, loin de vouloir le trucider, a été rassurée à son propos en le sachant planqué. Comme il nous avait fourrés dans le circuit, elle ne tenait plus à ce qu’il se fasse arrêter. J’ai une réputation, bien que n’appartenant plus à la Rousse, officiellement. Alors elle a décidé d’avoir une monnaie d’échange et de kidnapper… ma mère ! Il est probable que si j’avais toujours été de la Grande Taule, elle n’aurait pas agi de la sorte.

— Mais, l’assassinat de Kimkonssern, à l’agence.

— Maud.

— Toute seule ?

— Oui. N’oublie pas qu’il la prenait pour sa fille.

— Il l’avait rencontrée ? Tu étais présent lorsque la petite bonniche nous a dit qu’il était allé dîner un soir, à Bougival ? En réalité, Lhurma l’avait déposé devant un petit hôtel de banlieue où Maud, la fausse Gertrude, l’attendait dans une chambre, comme une amoureuse. Retrouvailles émouvantes. Instant de qualité. Le marrant, c’est qu’un rien aurait suffi pour tout faire craquer : Lhurma attendait son ami, en bas. Lhurma qui se respirait Maud à l’occasion, qui savait réellement qui elle était ! C’est pas farce, ça ? Seulement, ils se sont tous entourés de tant de précautions, que, tout comme dans les pièces de Feydeau, personne ne voyait personne. Au cours de ces retrouvailles, la garce de Maud joua le rôle de façon pathétique. Hans Kimkonssern, fou de tendresse, de bonheur, de tout ce que tu voudras, lui révéla où se trouvait le magot. Son cadeau de retrouvailles, quoi. Logique ?

— Naturellement. Si bien que, ne me soufflez pas, patron, c’est elle qui est venue lui couper le cou chez nous sans rien dire ?

— Gagné, Mathias, dix sur dix !

— Je vois… La vieille ne savait pas. Dans la soirée, elle entreprend l’expédition chez vous, qui foire. C’est Maud qui pilotait la voiture ?

— Exact. En comprenant que la cheftaine venait de se faire assassiner, elle s’est dit que la police allait remonter la filière, s’enquérir des relations d’Angela, de ce fait se brancher aussitôt sur Albrecht puisqu’il se trouvait chez elle. Elle a rameuté le reste des effectifs pour le liquider, lui et sa femme, la vraie fille Kimkonssern. Elle se trouvait dans l’auto qui a défouraillé sur le diplomate : à preuve, son imperméable sentait la poudre lorsque Béru est allé la chercher. Elle chocotait vilain, une fois chez les Albrecht, puisqu’elle avait elle-même, au nom de sa patronne défunte — mais les autres ignoraient encore cette mort —, commandé la Saint-Barthélemy avenue du Président Lucien-Saillet. C’est une fille de qualité, hein ? Qui n’a pas froid aux châsses, mais qui pourtant fait preuve de faiblesse lorsque sa peau est en danger, la preuve, dans l’effarement qui a suivi la mitraillade chez Gertrude, en cinq minutes, le temps que radinent les perdreaux, je lui ai tout fait avouer.

— Y compris où se trouve le trésor ?

Je hausse les épaules.

— Ça, non. Mais elle y viendra.

— En taule, vous savez…

— Qui te parle de taule ?

— Où est-elle, alors ?

— Je l’ai évacuée précipitamment par l’escalier de secours jusque chez nous.

— A l’agence ?

— Yes, monsieur. Et tu sais quoi ? Je l’ai enfermée en tête-à-tête avec le cadavre de son faux papa. SON mort à elle, fignolé main, coupe rasoir… Elle est ligotée, enchaînée à lui. Elle a un bâillon sur la bouche. Je la laisserai dans cette position jusqu’à ce qu’elle parle. Ça ne tardera pas. Tiens, veux-tu parier qu’en rentrant ?…

25

On arrive à la maison, Gertrude et moi.

M’man, que j’ai informée de notre arrivée, se précipite avant les présentations.

— Antoine, vite, le Vieux, au téléphone.

Elle se reprend, confuse :

— Enfin, je veux dire, monsieur… heu… qui tu sais ?

— Dis-lui que je ne suis pas là, m’man…

— Mais, mon grand, je lui ai dit que j’entendais ta voiture…

— Va lui expliquer que tu t’es trompée, qu’il s’agissait de l’épicier… Et puis tu laisseras le téléphone décroché, j’ai envie de calme, ce soir.

Pendant qu’elle obéit, le gars Toinet se pointe, la morve au pif, matant Gertrude avec plein d’admiration, déjà, ce petit dégueulasse.

— Antoine ! fais-je sévèrement, mouche ton nez, et dis bonjour à la dame !

FIN