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— Oui », approuva Danny dans un murmure fragile. Il était incapable de plus.

« Mais il avait la braguette ouverte et sa quincaillerie qui en sortait. Je suis désolé de te raconter tout ça, Danny, tu es trop jeune pour entendre des choses pareilles, mais il faut que tu saches.

— T’es enfin allé le dire à ta Grand-Ma Blanche ?

— Il a bien fallu. Car je savais ce que tu sais: qu’il continuerait à revenir. Pas comme les… Tu as déjà vu des morts, Danny ? Des morts normaux, je veux dire. » Il se mit à rire car ça lui paraissait une drôle de façon de le dire. À Danny aussi. « Des fantômes.

— Quelquefois. Un jour, j’en ai vu trois debout à un passage à niveau. Deux garçons et une fille. Des adolescents. Je pense que… peut-être qu’ils étaient morts là. »

Dick approuva d’un signe de tête. « Souvent, ils restent dans les environs du lieu de leur mort, et quand ils se sont habitués à leur nouvel état, ils s’en vont. La plupart de ceux que tu as vus à l’Overlook étaient de ceux-là.

— Je sais. » Le soulagement de pouvoir parler de ça — en parler à quelqu’un qui savait — était indescriptible. « Un autre jour, j’ai vu une femme dans un restaurant. Enfin, dehors. Tu sais… où ils mettent des tables en terrasse. »

Dick fit oui de la tête.

« Celle-là, je pouvais pas voir à travers elle, mais personne d’autre que moi la voyait, et quand la serveuse a repoussé sa chaise, la dame-fantôme a disparu. Tu en vois, toi, des fois ?

– Ça fait des années que je n’en ai pas vu, mais ton Don est plus puissant que le mien. Il diminue un peu quand on vieillit…

— Tant mieux, dit Danny avec ferveur.

— … mais je pense qu’il t’en restera encore une bonne dose quand tu seras grand, parce que tu as commencé dans la vie avec une grande réserve. Les fantômes normaux, ça ne ressemble pas à la femme que tu as vue dans la chambre 217 et que tu as revue dans ta salle de bains. J’ai raison, n’est-ce pas ?

— Oui, dit Danny. Mrs. Massey, elle est bien réelle. Elle laisse des traces. Tu les as vues. Maman aussi… et maman a pas le Don.

— Rentrons, décida Dick. Il est temps que tu voies ce que je t’ai apporté. »

8

Ils marchèrent encore plus lentement au retour parce que Dick était essoufflé. « Les cigarettes, expliqua-t-il. Ne commence jamais, Danny.

— Maman fume. Elle croit que je le sais pas, mais je le sais. Dick, elle a fait quoi, ta Grand-Ma Blanche ? Elle a dû faire quelque chose, parce que ton Grand-Pa Noir, il a jamais réussi à t’attraper.

— Elle m’a offert un cadeau, le même que celui que je vais t’offrir. C’est ce que fait le maître quand l’élève est prêt. Apprendre est un cadeau en soi, tu sais. Le meilleur que quiconque puisse offrir ou recevoir.

« Elle appelait jamais Grand-Pa Andy par son nom, elle disait juste… » — Dick sourit à cette évocation — « le père-vert. Je lui ai dit ce que tu m’as dit, que c’était pas un fantôme, qu’il était bien réel. Et elle m’a dit oui, que c’était vrai, parce que je le rendais réel. Par le Don. Elle m’a dit que certains esprits — des esprits en colère, la plupart du temps — refusent de quitter ce monde parce qu’ils savent que ce qui les attend sera encore pire. La plupart d’entre eux se désintègrent par manque de nourriture, mais certains trouvent de quoi manger. “C’est ce que notre Don est pour eux, Dick, m’a-t-elle dit. De la nourriture. Tu nourris ce père-vert. Tu le fais malgré toi, mais tu le fais quand même. Il est comme un moustique qui arrête pas de te tourner autour et qui se pose pour te sucer encore plus de sang. Ça, tu ne peux rien y faire. Mais ce que tu peux faire, c’est retourner ce qu’il vient te prendre contre lui.” »

Ils avaient rejoint la Cadillac. Dick déverrouilla les portières et se glissa au volant avec un soupir de soulagement. « Il fut un temps où j’aurais pu faire quinze kilomètres en marchant et dix de plus en courant. Aujourd’hui, une petite promenade sur la plage et j’ai le dos cassé comme si un cheval me l’avait botté. Vas-y, Danny. Ouvre ton cadeau. »

Danny arracha le papier argenté et découvrit un coffret métallique de couleur verte. Avec en façade, sous le loquet, un petit pavé numérique pour le verrouiller.

« Ouah, génial !

— Ouais ? Il te plaît ? Impec. Je l’ai trouvé chez Western Auto. Pur acier américain. Celui que m’avait offert Grand-Ma Blanche Rose avait un cadenas, avec une petite clé que je portais autour du cou, mais il y a un bail de ça. Aujourd’hui, c’est les années quatre-vingt, mon pote, l’ère moderne. Tu vois ce pavé numérique ? Il te suffit de taper cinq chiffres que tu es sûr de ne pas oublier et d’appuyer sur ce bouton marqué SET. Ensuite, chaque fois que tu voudras ouvrir ton coffre, tu taperas ton code. »

Danny était ravi. « Merci, Dick ! Je rangerai mes trucs précieux dedans ! » Parmi lesquels il comptait ses meilleures cartes de base-ball, l’insigne de son club de scouts, sa pierre porte-bonheur verte et une photo de lui avec son père, prise sur la pelouse de l’immeuble qu’ils avaient habité à Boulder, dans le Colorado, avant l’Overlook. Avant que les choses tournent au vilain.

« Parfait, Danny. Mais je veux que tu fasses autre chose aussi.

— Quoi ?

— Je veux que tu apprennes à connaître ce coffre sous toutes ses coutures, intérieur et extérieur. Ne te contente pas de le regarder, touche-le. Tâte-le de partout. Ensuite, fourre ton nez à l’intérieur et vois si tu sens une odeur. Il faut que ce coffre devienne ton ami le plus intime, au moins pour un temps.

— Pourquoi ?

— Parce que tu vas en ranger un autre, exactement pareil, dans ta tête. Un qui sera encore plus spécial. Et la prochaine fois que cette sale garce reviendra, tu seras prêt. Je vais t’apprendre comment, tout comme ma Grand-Ma Blanche me l’a appris. »

Danny parla peu sur le chemin du retour. Il avait largement de quoi réfléchir. Il tenait son cadeau — un solide coffre-fort de métal — sur ses genoux.

9

Mrs. Massey revint une semaine plus tard. Encore dans la salle de bains, mais dans la baignoire cette fois. Danny n’en fut pas surpris. Après tout, c’était là qu’elle était morte. Cette fois, il ne s’enfuit pas. Cette fois, il entra et referma la porte derrière lui. Mrs. Massey, souriante, lui fit signe d’approcher. Danny s’avança, tout sourires lui aussi. À l’extérieur, il entendait la télé. Sa mère regardait Vivre à trois dans l’autre pièce.

« Bonjour, Mrs. Massey, dit-il. Je vous ai apporté quelque chose. »

Au dernier moment, la femme comprit et se mit à hurler.

10

Quelques instants plus tard, sa mère toquait à la porte de la salle de bains. « Danny ? Ça va ?

— Impec, maman. » La baignoire était vide. Il y avait un peu de machin gluant dedans, mais Danny pensait pouvoir nettoyer ça. Un peu d’eau et ça s’évacuerait par la bonde. « T’as besoin de la salle de bains ? J’ai fini. Je sors tout de suite.

— Non, non. C’est juste que… j’ai cru t’entendre appeler. »