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« Les intercepteurs sont la priorité ! reprend Tancrède, haletant. Que tous les archers se concentrent sur les H6 ! Ils doivent les abattre coûte que coûte ! Et les guerriers doivent protéger les archers ! Sans eux, la bataille est perdue !

— Bien reçu ! »

Un autre soldat, juste sur sa gauche, le met en joue. Ils sont nombreux à vouloir éliminer le chef de la rébellion. Tancrède remarque aussitôt qu’il a le doigt sur la queue de détente du lance-grenade. Coup de folie ou erreur due à la panique ? S’il tire à bout portant, il mourra aussi sûrement que sa cible. Le Normand laisse ses réflexes de Méta-guerrier déclencher la réaction appropriée : son bras gauche se détend d’un coup sec et percute le canon du fusil en diagonale. Le coup part vers le haut.

Tancrède effectue une rotation rapide pour donner de la vitesse à son coup suivant et frappe le casque de son adversaire avec le pommeau de son épée. L’impact est si violent que la visière hémisphérique vole en éclats, projetant une myriade de débris dans les yeux du soldat qui recule de surprise. Vingt mètres au-dessus d’eux, la grenade explose, jetant à terre plusieurs combattants. Mais l’ex-lieutenant de l’ECM n’y prête pas attention, il a anticipé l’onde de choc. D’une manchette, il déséquilibre son adversaire pendant que celui-ci porte les mains à son visage ensanglanté, puis lui plante sa lame dans le dos de l’exo, là où le semtac est plus épais. C’est le logement des batteries principales. Des bouffées d’étincelles jaillissent puis l’homme s’écroule par terre, incapable de supporter le poids de son armure, désormais privée d’énergie.

« Binôme deux à Tancrède ! Binôme deux à Tancrède ! Il se passe quelque chose à la Nouvelle-Jérusalem !

— Quoi ? Que… »

Un Weiner-Nikov remplit soudain son champ de vision. Il lève son épée, prêt à frapper, lorsqu’il sent ses servomoteurs se bloquer et qu’une alerte clignote sur son HUD : CIBLE AMIE.

Il reconnaît les couleurs de Liétaud. Il a failli attaquer son ami.

« Merci aux sécurités anti-bavures ! fait celui-ci. Sans elles, je me faisais embrocher ! »

Même si la radio déforme les voix, Tancrède perçoit parfaitement le ton facétieux de son ami. Comment trouve-t-il les ressources pour faire preuve d’humour en un tel moment ? Le binôme deux continue à crier dans son casque, sa voix est si aiguë qu’elle est à la limite du supportable.

« Il semble que Bohémond de… Il semble qu’il… Attends, je te répercute le signal vidéo que je viens d’intercepter ! »

Une image tremblotante se forme sur le HUD de Tancrède.

« Liétaud, couvre-moi un instant ! » demande-t-il à son ami. Le géant flamand se campe aussitôt devant lui, T-farad en joue.

En surimpression sur la visière de son casque, Tancrède voit s’afficher l’image temps-réel de la caméra d’un policier militaire piratée par le centre opé. Il reconnaît sans problème le quartier des Normands de Sicile, à la Nouvelle Jérusalem. Autant qu’il puisse en juger malgré la mauvaise qualité du signal, les troupes de Bohémond de Tarente font face à un détachement de PM, largement en sous-nombre. Ces derniers paraissent débordés. Les Normands de Sicile ont l’air furieux. Ils lèvent le poing ou leur fusil en scandant quelque chose d’inaudible. Ceux qui sont sur un méca-percheron cabrent leur monture volontairement afin d’avoir l’air plus intimidant.

« Ils refusent de sortir du camp ! s’exclame le binôme deux. La police militaire a été envoyée, mais elle ne peut rien faire, c’est tout le régiment qui est concerné ! Soixante-quinze mille bonshommes !

— Répète ça ? » articule lentement Tancrède. Il est certain d’avoir mal compris. « Les Normands de Bohémond refusent de se battre ?

— Oui, oui ! Le comte de Tarente les a réunis comme pour partir au combat, mais au lieu de ça, il leur a fait un long discours. Depuis, ses troupes refusent de bouger et font du grabuge. Écoute ça ! »

L’opérateur humain du binôme deux pousse à fond le volume de la caméra piratée et Tancrède comprend enfin ce que les soldats crient :

« Mort à Robert le Diable ! Mort à Robert le Diable ! Mort à Robert le Diable ! »

13 h 04

« Monsieur ! Monsieur ! Je détecte une surcharge des capacités cognitives du Nod2 ! Je… je ne comprends pas d’où ça vient !

— Comment ça, vous ne comprenez pas d’où ça vient ? beugla Harbert. Comment pouvez-vous détecter une Bon Dieu de surcharge et ne pas savoir qui la provoque ? »

Il descendit de son fauteuil de superviseur général afin de se rendre à la console du pupitreur qui venait de sonner l’alarme. Les multiples salles aux parois de verre du Diamant scintillèrent dans la périphérie de son champ visuel. Au début, cet effet d’optique engendrait chez lui de terribles migraines ; maintenant, il n’y prêtait même plus attention.

Quatre mois plus tôt, Harbert avait été muté depuis le modeste pupitre 2CG des Échanges thermiques directement vers le Pupitre central. Il ne devait cette promotion exceptionnelle qu’à l’intense activité qu’il avait déployée auprès des cadres de la Legio Sancta dont la grande proximité avec le Préteur de la croisade n’était plus un secret pour personne. Cependant, ce poste prestigieux s’était révélé beaucoup moins agréable qu’il ne l’avait espéré. En accédant à des responsabilités plus importantes, la pression qui pesait sur ses épaules s’était accrue dans les mêmes proportions. Terminées les longues journées tranquilles aux Échanges thermiques. Désormais, il vivait dans la hantise de commettre une bourde majeure, de prendre une mauvaise décision. Surtout depuis que ces damnés évadés passaient leur temps à mettre en échec les sécurités internes de l’ordinateur central du Saint-Michel !

Il entra son code personnel sur la plaque de la console du pupitreur. La vision de celui-ci se désopacifia partiellement afin qu’il puisse le voir en même temps qu’il lui parlait.

« Expliquez-vous ! » lança-t-il sur un ton agacé.

Avec la bataille capitale qui faisait rage en bas, ce n’était vraiment pas le jour pour découvrir un problème dans les circuits de ce foutu bioStruct.

« Les indicateurs d’activité cognitive du Nod2 viennent de saturer brutalement, Monsieur ! bredouilla le bio-informaticien. C’est comme si dix mille pupitreurs accédaient simultanément au bioStruct !

— Dix-mille ? C’est stupide ! Ils ne sont même pas deux cents au Diamant !

— Je sais, Monsieur. Mon relevé indique en effet qu’ils ne sont que cinquante-trois à pupitrer en ce moment ! Nous sommes très loin des limites de saturation du…

— C’est peut-être lié à la bataille en cours, non ? Peut-être que les requêtes des répartiteurs du Quartier Général de la Nouvelle-Jérusalem sont trop nombreuses ? »

Au moment où il prononçait cette phrase, Harbert sut qu’il se trompait. Cette brutale surcharge ne pouvait signifier qu’une chose, le Nod2 venait d’être piraté.

« Les répartiteurs ? Impossible, Monsieur. Ils ne sont pas autorisés à accéder directement au Nod. Ils sont sur un système annexe qui, en théorie, ne peut solliciter plus de trente pour cent de la bande passante générale de…

— Je m’en branle de vos théories ! Vous ne comprenez donc pas que les hackeurs sont de retour ? »

Les lèvres du pupitreur s’agitèrent nerveusement avant qu’il ne réponde.

« Mais, Monsieur… Comment feraient-ils ? Aucune connexion suspecte n’a été enregistrée, tous les pupitreurs en ligne sont identifiés et accrédités. De plus, personne ne travaille actuellement dans une zone sensible, donc même si quelqu’un se faisait passer pour…