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— Certainement, mais

— Alors, voilà ce que tu vas faire. Tu vas demander à ton binôme d’envoyer un escadron de Yaze’ers vers vous, et équiper leurs archers avec ces grenades.

— Tu veux qu’ils bombardent la plaine ? Mais ils risquent de toucher des Atas avec…

— Non, ce n’est pas de cela qu’il s’agit. Écoute-moi bien, c’est très important ! Il faut qu’ils survolent la Nouvelle-Jérusalem et qu’ils bombardent le QG de l’état-major…

— Mais c’est absurde ! Très peu réussiront à passer les tours de défense primaires et en plus, des grandes AENL ne suffiront jamais à détruire un tel bâtiment !

— Aucune importance, c’est le toit qu’ils doivent détruire, juste le toit !

— Albéric, ça ne rime à rien ! Des dizaines de Yaze’ers devront se sacrifier pour que quelques-uns réussissent à atteindre le QG ! Et tout ça, juste pour détruire le toit ?

— Absolument ! Clotilde, je te le redis, tu dois me faire confiance ! Par contre, qu’ils arrêtent de bombarder dès que le toit est éventré. C’est vital ! Plus de grenades une fois que le toit est détruit ! »

15 h 04

Le combat que mène Tancrède contre le Méta-guerrier inconnu est le plus difficile qu’il ait jamais livré. Ce Classe 4 maîtrise des techniques de très haut niveau et surtout, se trouve dans une rage folle. Tancrède se ressaisit rapidement et mobilise toutes ses ressources.

L’un et l’autre ne reculent qu’en dernière extrémité, ne se servent de leur bouclier que s’ils ne peuvent agir autrement. Ils préfèrent contre-attaquer que parer, frapper qu’esquiver ; les lames ionisées se heurtent, glissent l’une contre l’autre en produisant des arcs électriques ; les coups pleuvent, du poing, du coude, du pied, de la garde de l’épée, du manche de la lance.

Une attaque réussie de l’un provoque un redoublement de la colère chez l’autre qui riposte à son tour d’un coup plus rageur que jamais, attisant ce brasier de fureur qui consume les deux adversaires en même temps dans un cycle infernal.

L’arène de leur duel s’élargit peu à peu à mesure que les combattants alentour s’écartent devant cette tornade enfiévrée. L’affrontement se mue en une danse mortelle tandis que l’un et l’autre se rapprochent, s’empoignent, se heurtent les casques, se cognent les bras. Trois fois, d’une prise en étau, Tancrède parvient à bloquer son ennemi, et trois fois, celui-ci parvient à se dégager pour relancer une attaque.

Soudain, comme si la corne signalant la fin d’une simulation sous dôme venait de retentir, les adversaires s’écartent, prennent de la distance. Tancrède est hors d’haleine et suppose qu’il en va de même pour l’autre. Tous deux sont blessés, du sang coule abondement des larges entailles que les lames ionisées ont infligées au semtac des exosquelettes. Les duellistes décrivent un cercle face à face, telles des bêtes sauvages attendant le meilleur moment pour bondir et saisir leur proie à la gorge. Si, à cet instant, il serait simple de se servir des roquettes percussives des WN, ni l’un ni l’autre ne semble prêt à s’affronter autrement qu’à l’arme blanche.

« Ton nom ! crie Tancrède sur le canal général. Dis-moi qui j’affronte ! »

Pour toute réponse, son adversaire se rue sur lui. Le mouvement est fulgurant, Tancrède se jette sur de côté pour ne pas se retrouver embroché par la lance qui s’est morphée pendant l’attaque, s’allongeant de plus de cinquante centimètres. Le geste était terriblement dangereux, toutefois l’adversaire n’enchaîne pas le suivant aussi vite qu’il le devrait. La fatigue nuit à son efficacité, il vacille un court instant, avant de relancer son attaque. Pendant ce bref moment de vulnérabilité, Tancrède a remarqué un geste insignifiant, un mouvement à peine discernable, mais terriblement familier. Il connaît son adversaire, il en est certain ! Cette brusque pensée le décontenance une infime seconde. C’est suffisant pour le guerrier sans nom qui s’engouffre dans cette faille. Il se fend d’une attaque basse qui perfore la jambe gauche du Normand.

Tancrède hurle de douleur tandis que son adversaire arrache la lance d’un geste sûr et recule de deux pas en armant son bras dans l’intention de placer une deuxième attaque, haute cette fois. Cependant, l’enchaînement est trop évident. Grisé par la réussite, son opposant ne réalise pas qu’il est vulnérable au moment où il tend son bras vers l’arrière, tentant de donner le maximum de puissance au coup de grâce, tout en se croyant hors de portée de l’arme de Tancrède. Il n’en faut pas davantage à l’ex-lieutenant.

Ignorant la douleur qui irradie de sa jambe labourée, il projette son épée de toutes ses forces. Le geste est extraordinairement difficile à exécuter ; il faut beaucoup de puissance et de précision, seul un instinct sûr permet de donner le bon effet à l’épée afin que la lame se présente de face. Mais, Tancrède de Tarente n’a pas usurpé sa légende guerrière et l’arme pénètre le semtac du WN de son adversaire en pleine poitrine. Sa vitesse est telle que la pointe ressort par le dos, projetant une brume sanglante à l’arrière.

Trop surpris pour arrêter son geste, le guerrier projette quand même sa lance vers Tancrède, mais la vie a déjà commencé à le fuir et l’attaque n’a presque aucune force. Tancrède esquive l’arme sans peine. L’autre reste immobile, comme frappé de stupeur en contemplant la lame qui lui traverse le corps, puis il chancelle.

« Tancrède… », fait une voix lointaine sur le canal général.

Tancrède se sent brusquement glacé. Le sol s’ouvre sous lui, toute la plaine s’effondre sur elle-même, se disloque dans un fracas apocalyptique ; la température autour de lui remonte et atteint des sommets tandis que des torrents de lave se déversent à l’intérieur de son exo, que des sirènes de fin du monde lui déchirent les tympans.

Un instant, il croit que les Croisés ont décidé de vitrifier la plaine par des frappes orbitales et qu’il s’embrase. Mais non, la plaine est toujours là, les combattants aussi.

Il vient simplement de comprendre qui est son adversaire.

Il veut crier, mais rien ne sort. Croyant étouffer, il ouvre son casque.

L’autre cesse de vaciller et tombe à la renverse. D’un bond, Tancrède est sur lui et se jette à genoux afin d’amortir la chute de ses bras. Il ne retire pas l’épée fichée dans le torse ; tant que la lame reste dans la plaie, l’hémorragie est contenue. D’une main tremblante, il cherche à tâtons le clapet d’ouverture d’urgence dans le dos du WN en espérant qu’il fonctionne encore. La visière se rétracte, le casque dévoile le visage ensanglanté de Clorinde. Ses yeux sont déjà clos.

« Non ! hurle Tancrède d’une voix rauque. NON ! »

Les larmes lui brouillent la vue, son menton tremble. Il ne souhaite qu’une chose, mourir là, tout de suite. Il caresse compulsivement les cheveux de la jeune femme.

« Clorinde, mon amour ! murmure-t-il en bredouillant. Pourquoi ? Pourquoi ne m’as-tu pas dit que c’était toi ? Pourquoi ? »

La Méta-guerrière soulève les paupières. Ses yeux, d’abord affolés, trouvent finalement Tancrède et se fixent sur lui.

« Tu es vivante ! s’exclame celui-ci en riant presque. Oh, seigneur, merci ! Je vais te conduire à la Nouvelle-Jérusalem. Les tapis nanochir de l’hôpital te sauveront, j’en suis sûr !

— Tan…crède… »

Un flot de sang jaillit de la bouche de la malheureuse, l’empêchant de continuer.

« Non, mon amour, ne parle pas, épargne tes forces, je vais te conduire là où on pourra te soigner. »