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— Nous avons besoin de vous, dit-il.

— Qui ça, nous ?

Goldman se mentait à lui-même, tentant de gagner encore quelques secondes de paix. L’autre fit, excédé :

— Je croyais que le colonel Igor vous avait donné une bonne leçon. Vous avez encore envie de faire l’imbécile ?

Serge Goldman réprima un tremblement. Le cauchemar recommençait.

— Que dois-je faire ? murmura-t-il.

— Rien de bien compliqué. Nous désirons que ce porte-documents sorte du pays. Vous allez l’emporter. Par le premier avion.

Les yeux de Goldman papillotèrent. Il jeta un coup d’œil effrayé au porte-documents.

— Mais, qu’est-ce…

Volodnyar Grinef eut un rire sec et sans joie.

— Rassurez-vous, ce ne sont pas les plans de la bombe atomique. Simplement quelques petites choses qui nous intéressent. Même pas un secret militaire. Vous ne risquez rien. De toute façon, vous n’avez pas le choix.

Ce n’était pas tellement pour rassurer. Ces gens-là mentaient si bien.

— Quand faut-il que je parte ?

— Maintenant, tenez…

Il sortit de sa poche un rouleau de billets qui fit loucher Goldman et compta dix billets de cent dollars. Goldman le regarda inquiet. La générosité du K.G.B. était toujours suspecte. Il aurait au moins de quoi se payer une belle couronne.

— Voilà pour vos frais. Partez immédiatement à Kennedy Airport. Il faut que vous soyez demain à Vienne, en Autriche. Quand vous serez en Europe téléphonez au numéro suivant à Vienne. Il tendit une feuille de carnet. Demandez Stéphane Grelsky. Il viendra vous chercher. C’est un grand type, près de deux mètres, très brun. Vous lui donnerez l’objet et votre mission sera terminée. A propos, mettez ce porte-documents dans une petite valise si vous voulez, mais gardez-le avec vous. Pas de risques, n’est-ce pas ?

Volodnyar Grinef se leva et transperça Goldman d’un regard à glacer le soleil :

— Il y a une clef collée dessus. Ne l’ouvrez pas, fit-il avec un sourire méchant. Cela pourrait être dangereux pour vous. Au revoir. Je veux que dans cinq minutes, vous soyez dans un taxi.

Serge Goldman approuva misérablement. Comme dans un rêve, il vit l’inconnu ouvrir la porte et la refermer doucement. Mais les billets et le porte-documents noir étaient bien là.

Volodnyar Grinef respira profondément quand il se retrouva sur le trottoir de la 52e rue. Les dés étaient jetés. Ce Goldman ne lui inspirait aucune confiance, mais il n’avait pas le choix. Il savait que le F.B.I. était sur ses talons. C’était une question d’heure. Ils avaient fait vite pour remonter jusqu’à lui. Mais maintenant, cela n’avait plus d’importance. Sa mission était terminée. En utilisant Goldman et Grelsky, il grillait les circuits classiques sur lesquels la C.I.A. allait se ruer. La veille, il était arrivé trop tard pour attraper un avion. Ensuite, il n’avait plus le temps de prendre de risque. Et il avait dû organiser l’échelon intermédiaire.

Il arrivait au coin de la première Avenue. Un taxi débarquait des passagers, il monta dedans, le cœur presque léger. Goldman n’oserait jamais désobéir, et encore moins ouvrir le porte-documents. Il avait été trop bien conditionné.

Plutôt abattu, Serge Goldman ouvrit la porte de la chambre. Marisa dormait sur le ventre, dans sa guêpière noire. Une vision à faire briser sa crosse à un archevêque.

La pomme d’Adam en folie, Serge la contempla un instant. Il prit alors, poussé par la luxure, la décision la plus folle de sa vie. Après tout, il n’avait pas grand-chose à perdre.

Exactement treize minutes plus tard, Serge Goldman franchissait le seuil de l’appartement, Marisa à son bras. A moitié ivre, à moitié endormie, elle répétait :

— Dis donc, Toto, c’est formidable, on va faire une chouette balade. En voyant les deux valises de Goldman, elle s’inquiéta :

— Et mes fringues ?

— Je t’achèterai tout là-bas, fit-il, superbe.

Il venait de calculer que les mille dollars couvriraient les deux billets et quelques gâteries.

Instruit par le passé, il ignorait si le porte-documents contenait vraiment des documents importants, si c’était un piège tendu par le K.G.B., ou par les Américains. En tout cas, il était bien décidé à s’offrir une indigestion de chair fraîche comme il n’en avait pas connu depuis longtemps. Après, on verrait.

Ils trouvèrent un taxi au coin de la première Avenue, un énorme « Checker » vert et jaune qui fila à travers Harlem, vers le pont du Triboro, le chemin le plus rapide pour rejoindre John Kennedy Airport, à travers la circulation démentielle du vendredi soir. Dans la voiture Marisa se réveilla un peu et demanda d’une voix pâteuse :

— Vienne, c’est dans quel Etat ?

Le taxi les déposa devant l’International Building, d’où partaient tous les vols transcontinentaux. Goldman se précipita aux informations, dans le hall central, traînant une Marisa complètement dépassée.

— Je vais en Autriche, à Vienne, expliqua-t-il. Quelle ligne dois-je prendre ?

La fille blasée et blonde se plongea dans son horaire. Après des pointages compliqués, elle annonça à Goldman :

— Il n’y a pas de vol direct. Vous pouvez prendre Swissair, Lufthansa ou Scandinavian Airline System. Les autres sont déjà partis. Mais moi, je ne peux pas vous délivrer de billets. Et dépêchez-vous, tous ces vols partent dans l’heure qui suit.

Affolé, Goldman se précipita vers le guichet d’Air France, le plus proche. Une foule compacte et piaillante encerclait chaque comptoir. Goldman parvint à se frayer un chemin jusqu’à un employé galonné.

— Vous avez encore deux places ? demanda timidement Goldman. L’autre le regarda comme s’il avait demandé à parler au général de Gaulle.

— Dans trois jours, si vous voulez. On était en grève, alors vous comprenez…

Goldman n’écoutait plus. Happant au passage Marisa et les bagages, il se rua à la Lufthansa.

Là, il n’y avait personne. Un employé affable renseigna Goldman :

— Nous venons d’embarquer, il y a cinq minutes. Désolé.

La petite phrase de l’inconnu tournait dans la tête de Goldman. « Il faut que vous soyez demain à Vienne. » Le hall de la Scandinavian Airline System bourdonnait d’activité. Un groupe de touristes bronzés revenant du Mexique se mélangeait à une armada de veuves partant à l’assaut du soleil de minuit. Chacune portait religieusement un éventail de dépliants décrivant les principales villes de Scandinavie, offert par la S.A.S.

Serge Goldman évita une veuve aux coudes terriblement pointus et visa un comptoir occupé par une ravissante blonde souriante :

— Vous avez un avion qui part maintenant pour Copenhague ? Elle découvrit des dents éclatantes de blancheur. Une seconde, Goldman se demanda s’il n’allait pas partir seul… Il chassa vite cette affreuse pensée.

— Nous avons deux vols, annonça-t-elle. Le SK 912 dans une heure, à 20 heures, qui arrive à Copenhague demain matin à 8 heures, et le SK 904 à 21 heures. Ce vol-là s’arrête à Bergen, en Suède, et arrive un peu plus tard : 10 h 40 à Copenhague.

— C’est que je ne vais pas seulement à Copenhague, précisa Goldman. Je continue sur Vienne, en Autriche. Je voudrais une correspondance.

— Ah !

Elle se plongea dans l’énorme ABC, répertoire des transports aériens et releva la tête deux minutes plus tard.

— Dans ce cas, vous devez prendre le vol SK 912. A Copenhague, vous aurez une correspondance pour Vienne à 11 h 50, le SK 875, avec arrêt à Düsseldorf, de 13 h 05 à 13 h 35. Arrivée à Vienne à 15 h 10. Je vais voir s’il y a de la place. Combien de personnes ?