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— Eh bien, nous l’espérons.

— Mais vous n’en êtes pas sûr ?

— On ne peut pas en être sûr. Capek prétend qu’on ne possède pas beaucoup de connaissances cliniques au sujet de l’effet de doses aussi massives. Il y a des réactions personnelles et cela dépend aussi du dosage exact de la drogue employée.

Cela me rappelait la fois où la doublure m’avait fait prendre un purgatif puissant juste avant la représentation. (Mais j’avais tenu bon quand même, ce qui prouve bien la supériorité de l’esprit sur la matière. Après quoi je l’avais fait flanquer à la porte.)

— Alors si je comprends bien, Rog, vous êtes en train de m’expliquer qu’on lui a administré cette énorme dose inutile, avant de le laisser aller, uniquement en vue de ce qui se passe à présent ?

— Écoutez, c’est mon sentiment. C’est aussi celui de Capek.

— Ce qui laisserait croire que Quiroga est derrière le kidnapping, et que nous aurions eu un gangster comme premier ministre ?

Rog branla du chef :

— Ça n’est pas obligatoire. Ce n’est même pas probable. Non. Cela laisserait croire plutôt que ce sont les mêmes forces qui sont derrière les actionnistes et derrière le Parti de l’Humanité. Mais vous ne pourrez jamais le prouver. Ils sont hors d’atteinte. Ils sont ultra-respectables. Mais il est en leur pouvoir de faire savoir à Quiroga qu’il est temps de passer la main et d’aller faire le mort. Et que Quiroga comprenne et obéisse. Et vraisemblablement sans lui fournir d’explication !

— Sapristi ! Vous voulez dire que l’homme le plus important de l’Empire se replie en deux et prend congé, comme ça ! simplement parce que quelqu’un dans les coulisses lui a soufflé que c’était ce qu’il fallait faire ?

— Je crains que ce soit exactement ça.

— Eh bien, la politique, quel sale jeu !

— Mais non ! pas du tout ! Il n’existe pas de sale jeu. Il y a de sales joueurs.

— Je ne vois pas la différence.

— Elle est énorme. Quiroga est un politicien de dix-huitième ordre. Et selon moi, il est la créature de gangsters. Mais il n’y a rien qui soit de dix-huitième ordre chez John Joseph Bonforte, et jamais, au grand jamais, il n’a été la créature de qui que ce soit. En tant qu’exécutant, il croyait à la cause. En tant que dirigeant, il dirige par conviction et il agit selon cette conviction.

— Au temps pour moi, dis-je humblement. Dans ces conditions, qu’est-ce qu’on fait ? On peut empêcher Dak de peser trop lourdement sur l’accélérateur de manière à n’atteindre la Nouvelle Batavia que quand le patron sera de nouveau en forme ?

— On ne peut pas s’attarder. Bien sûr, on n’est pas forcé de marcher sous plus d’un G. Personne ne s’attend qu’un homme de l’âge de Bonforte subisse une fatigue cardiaque exagérée. Mais pas de retard supplémentaire. Quand l’empereur vous fait appeler, on vient.

— Alors quoi ?

— Mmm…

Rog ne répondit pas. Rog se contenta de me regarder sans rien dire. Et tout soudain, je m’affolai :

— Attention, Rog, n’allez pas vous lancer de nouveau dans de folles idées. Toute cette histoire ne me regarde pas, tout simplement. Pour ce qui est de moi, c’est fini, fini ! A part quelques apparitions sur votre astronef, plus rien ! Il vous reste à me payer et à me renvoyer dans mes foyers. Sale ou pas, la politique est un jeu auquel je ne joue pas. Je vous promets même de ne plus jamais me faire inscrire sur les listes électorales.

— Mais vous n’auriez sans doute rien à faire. Il est presque certain que le Dr Capek l’aura remis sur pied entre-temps. Mais ce n’est pas commes’il s’agissait de quelque chose de difficile. Rien à voir avec cette cérémonie d’adoption. Non ! il s’agit simplement d’une audience de l’empereur et…

— L’empereur !… avais-je hurlé.

Comme presque tous les Américains, je ne comprends pas la monarchie, et, sans doute, je n’approuvais pas cette institution, dans le fond de mon cœur. Comme eux, j’éprouvais une sorte de crainte que je n’avouais pas, une crainte pas très franche à l’égard des rois. Après tout, nous autres Américains nous n’étions venus à la monarchie que par la petite porte. Au moment où nous avions accepté de troquer notre signature au Traité d’Association contre les avantages du statut de partenaire à voix entière dans les affaires impériales, il avait été convenu que rien ne serait changé à nos institutions locales, à notre constitution, et ainsi de suite. Tacitement, il avait été convenu, également, que jamais aucun membre de la famille royale ne visiterait l’Amérique. Peut-être était-ce une erreur. Peut-être que si nous étions habitués à une royauté, elle ne nous ferait pas tant d’effet ? Quoi qu’il en soit, il est connu que les Américaines démocrates sont plus tremblantes et plus anxieuses d’être reçues à la cour que les citoyennes de n’importe où ailleurs.

— Allons, du calme, voyons, me disait Clifton. Sans doute que de toute façon vous n’aurez même pas à paraître. Ce que nous voudrions, c’est que vous soyez préparé. Que vous puissiez le cas échéant. Je voulais vous dire aussi qu’un ministère d’intérim, chargé d’expédier les affaires courantes ne pose aucune espèce de problème. On n’adopte pas de loi. On ne modifie aucune politique. Je prendrai tout en main. Tout ce que vous devrez faire, c’est paraître devant le roi Guillaume ; et peut-être vous montrer à une conférence de presse préparée d’avance, une conférence de presse ou deux peut-être. Mais rien de tout cela n’est sûr. Cela dépend uniquement du temps qu’il lui faudra pour se remettre. Ce que vous avez fait jusqu’ici était incomparablement plus difficile. Et que nous ayons besoin de vous ou non, vous serez payé dans tous les cas.

— Je vous assure bien que l’argent n’y est pour rien. Non ! Vous connaissez le mot d’un de mes confrères : « Moi, pour ce qui est de la distribution, un rôle de fauteuil d’orchestre m’irait assez bien. »

Rog ne répondit rien. Mais Corpsman, sans frapper à la porte, faisait son entrée, nous dévisageait, demandait rudement à Rog :

— Alors, tu lui as dit ?

— Oui ! et c’est non !

— Sottise.

— Je ne crois pas, dis-je : à propos, cette porte par où vous venez d’entrer ne se plaindrait pas si vous vouliez bien lui frapper dessus. Dans ma profession, la coutume est de cogner en criant : « Est-ce que vous êtes convenable ? » J’aimerais assez que vous ne l’oubliez pas.

— Mon œil, il s’agit de ça, oui ! On n’a pas le temps. Qu’est-ce que c’est que ces blagues-là ?

— C’est sérieux. Je ne veux pas de ce travail.

— Ce que vous racontez est idiot. Peut-être êtes-vous trop bête pour le voir tout seul, Smythe. Vous ne vous rendez pas compte d’une chose ? Vous êtes dedans jusqu’au cou. Ce serait malsain pour vous si…

Je lui saisis le bras :

— Est-ce que vous seriez en train de me faire des menaces, peut-être, Corpsman ? Si oui, sortons.

Il me repoussa :

— Dans un astronef ! simplet, va ! Mais vous n’avez pas encore compris, avec votre grosse caboche, que c’est vous-même qui êtes la cause de ce grabuge ?

— C’est-à-dire ?

— Il veut dire, expliqua Clifton, qu’il est convaincu que la chute du gouvernement Quiroga est le résultat direct de votre discours. Il n’est pas impossible que ce soit vrai. Mais là n’est pas la question. Bill, tâche d’être modérément poli. Les chamailleries ne nous mèneront nulle part.