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La porte se mit à vibrer. L’elfe noire était en train de passer au travers !

Alors une force qu’il avait ressentie deux fois dans sa vie – dans la Tour des Sorciers et devant l’autel du dragon noir, à Xak Tsaroth – envahit son être. Une voix familière qu’il n’avait jamais pu identifier lui parla distinctement, dictant des paroles magiques qu’il répéta à tue-tête sur un ton qu’il ne se connaissait pas : « Kalis-an budrunin kara-emarath ! »

De l’autre côté de la porte s’éleva un murmure de déception. Le bronze avait tenu bon.

Et le mage s’était évanoui.

Caramon tendit le bâton magique à Ebène et prit Raistlin entre ses bras. Tous se ruèrent dans le couloir obscur. Une nouvelle porte secrète ne résista pas à l’habileté de Flint. Elle débouchait sur une enfilade de tunnels jonchés de débris à travers lesquels ils se frayèrent péniblement un chemin. Ils aboutirent enfin à une vaste salle remplie du sol au plafond de coffres de bois. Sur les uns était inscrit « Solace », sur les autres, « Hautes-Portes ».

— Nous y sommes ! Nous nous trouvons à l’intérieur de la forteresse, dit Gilthanas, bouleversé par cette amère victoire. Nous sommes dans les caves de Pax Tharkas.

— Rendons grâce aux vrais dieux ! s’écria Tanis avec un grand sourire de soulagement.

Il se laissa tomber sur le sol à côté de ses compagnons. Alors ils prirent conscience de l’absence de Fizban et de Tasslehoff…

10

Égarés. Le plan. La trahison.

Après coup, Tass n’arriva plus à se souvenir de ce qui s’était passé au moment où avait éclaté la panique dans la Salle de la Chaîne. Il se rappelait avoir demandé « Une elfe noire ? Où ça ? » quand le bâton lumineux était tombé par terre. Il avait entendu crier Tanis, tandis qu’un autre son – une sorte de plainte stridente – lui avait fait perdre tout sens de la réalité. Des bras puissants l’avaient agrippé par la taille et soulevé dans les airs.

— Grimpe ! avait crié une voix derrière lui.

Tendant les mains, ses doigts avaient rencontré le métal froid de la chaîne. Il avait commencé à escalader quand il entendit un bruit de porte lointain et un deuxième hurlement. Le kender pensa que ses amis venaient d’échapper à la maléfique créature.

Tass commençait à désespérer quand il capta un marmonnement.

Fizban !

Il n’était pas seul ! Comme il faisait un noir d’encre, le kender avait dû grimper sans s’en rendre compte jusqu’à la jonction de la chaîne et du mécanisme car un courant d’air froid lui avait soudain caressé la joue droite. Si seulement il avait pu voir quelque chose ! Alors il lui vint à l’esprit qu’il était en compagnie d’un magicien.

— Il nous faudrait de la lumière, lança-t-il.

— Chaumière ! Quelle chaumière ? répliqua Fizban avec consternation.

— Pas chaumière, lumière ! corrigea Tass en riant. Je crois que nous sommes parvenus au bout de ce machin, et qu’il faudrait que nous y voyons un peu plus clair.

— Ah, mais certainement ! Voyons… de la lumière…

Tass entendit le magicien fouiller dans ses poches, puis lâcher un petit cri de satisfaction suivi de quelques murmures. Soudain, une boule de flammes jaunes apparut près du chapeau de Fizban.

Elle zigzagua vers le kender et tourna autour de lui, puis revint sur le chapeau du magicien. Tass était enchanté. Une multitude de questions lui montèrent aux lèvres, mais il les réprima. Ses bras n’en pouvaient plus ; le vieillard semblait épuisé. Il valait mieux trouver un moyen de sortir de cette inconfortable posture.

Tass leva les yeux au-dessus de lui. Ils se trouvaient bel et bien en haut de la forteresse. La chaîne s’enroulait sur un énorme engrenage de bois dont l’axe de fer était fiché dans le rocher. Les maillons s’encastraient sur des dents de la taille d’un tronc d’arbre, acheminant la chaîne jusque à un tunnel, sur la droite du kender.

— Nous pourrions escalader l’engrenage et ramper le long de la chaîne jusqu’au tunnel, proposa Tass. Peux-tu diriger la lumière par là ? dit-il en pointant un doigt.

Tass atteignit rapidement la première dent de la roue. Sa large tunique relevée jusqu’aux cuisses, Fizban le suivit avec une agilité déconcertante. La boule de lumière dansait devant eux, comme si elle les avait guidés vers le tunnel.

Le kender examina l’intérieur du tunnel. Haut de sept pieds, il abritait une quantité de petites chaînes reliées à la principale et lestées d’énormes poids.

— Quelle heure peut-il être ? demanda Tass.

— L’heure de manger, répondit le vieillard. Nous pouvons très bien le faire ici. Cet endroit est aussi sûr qu’un autre pour se reposer.

— Flint, pour la dernière fois, je te répète que je suis aussi malheureux que toi d’avoir perdu Tass, dit Tanis d’un ton grave. Mais nous ne pouvons pas retourner en arrière ! Songe qu’il est avec Fizban. Tels que nous les connaissons, ils réussiront sûrement à se tirer d’affaire.

— Si toutefois ils ne font pas s’effondrer la forteresse ! marmonna Sturm.

Le nain s’essuya les yeux et lança un regard noir à Tanis, puis il lui tourna le dos et s’accroupit dans un coin, la mine sinistre.

Tanis se rassit. Il comprenait ce que ressentait Flint. Aussi étrange que cela paraisse, le kender, qu’il aurait parfois étranglé de bon cœur, lui manquait cruellement. Son indéfectible bonne humeur en faisait un compagnon irremplaçable. Tous les kenders ignoraient la peur, mais, de surcroît, Tass ne se laissait jamais abattre, toujours prêt à faire face au danger. Tout ce que Tanis pouvait espérer, c’est que la nouvelle épreuve que son ami traversait ne serait pas la dernière.

Les compagnons se reposèrent pendant une heure et se restaurèrent. Voyant Gilthanas absorbé par l’étude d’une carte, Tanis approcha. Passant devant Laurana, assise seule, il lui sourit. Elle détourna la tête. Tanis soupira : il regrettait de lui avoir parlé si durement. Force était de reconnaître qu’elle s’était remarquablement comportée en des circonstances périlleuses. Il envisagea de s’excuser auprès d’elle, mais d’abord, il fallait parler à Gilthanas.

— Quel plan caresses-tu ? demanda-t-il en s’asseyant près de l’elfe.

— Où nous trouvons-nous exactement ? s’enquit Sturm.

Bientôt, tous les compagnons furent rassemblés autour de la carte.

— Voilà la forteresse de Pax Tharkas, entourée de la zone des mines, dit Gilthanas en pointant un doigt. Nous sommes dans les caves du niveau inférieur. Sous ce passage, environ à cinquante pieds d’ici, se trouvent les geôles des femmes et un poste de garde. Là, dit-il en appuyant sur le parchemin, c’est l’antre d’un des dragons rouges, celui que le seigneur Verminaar appelle Ambre. L’antre communique avec les appartements du seigneur, au premier.

« Les enfants sont prisonniers derrière la chambre de Verminaar. Le seigneur des Dragons n’est pas idiot. Il a séparé ses otages, sachant que les femmes ne s’évaderont pas sans leurs enfants, ni les hommes sans leur famille. Un deuxième dragon rouge monte la garde devant la prison des gamins. Les hommes, environ trois cents, travaillent dans les mines creusées sous la montagne, en compagnie de plusieurs centaines de nains des ravins. »

— Tu sembles bien informé, dit Ebène.

— Que veux-tu insinuer ? répliqua Gilthanas.

— Rien du tout ! Je me borne à constater que tu connais bien Pax Tharkas, pour quelqu’un qui n’y est jamais allé. Je me demande donc pourquoi nous nous sommes jetés dans les bras d’un monstre qui a failli nous tuer.