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Toede, dont les bourrelets adipeux ballottaient de peur, se jeta éperdument dans les explications.

— Celui-ci, dit-il en donnant un coup de pied à Sestun, a aidé les esclaves de Solace à s’enfuir, et celui-là errait autour de Hautes-Portes, territoire interdit à quiconque est étranger à l’armée.

— Que veux-tu que j’en fasse, imbécile ? Qu’ils aillent rejoindre le reste de la racaille dans les mines !

— Je p…pensais q…que l’humain p…pouvait être un espion…

Le seigneur des Dragons examina l’homme en haillons avec attention. De haute taille, les cheveux blancs, le visage rasé et buriné, il devait bien avoir une cinquantaine d’années. Vêtu comme un mendiant, ce qu’il était probablement, pensa Verminaar avec dégoût, il ne présentait pas de signe particulier, n’était un regard jeune et franc. Ses mains aussi avaient un aspect juvénile. L’homme devait avoir du sang elfique…

— C’est un simple d’esprit, déclara Verminaar, en faisant un geste vers le prisonnier, qui restait bouche bée. On dirait un poisson échoué hors de l’eau.

— Je c…crois q…qu’il est sourd-muet, seigneur, dit Toede, en nage.

Verminaar fronça le nez. L’odeur répugnante du hobgobelin pénétra jusque sous son masque.

— Tu as réussi à capturer un nain des ravins et un espion sourd-muet ! Bravo, Toede, de mieux en mieux ! Maintenant, tu pourrais peut-être aller me cueillir un bouquet de fleurs !

— Comme il plaira à Son Excellence, répondit Toede, en s’inclinant avec onction et componction.

Verminaar éclata de rire malgré lui. Toede était somme toute assez amusant ; quel dommage qu’il sente si mauvais !

— Débarrasse-moi le plancher, Toede, ordonna le seigneur. Le nain des ravins fera un excellent dîner pour Ambre. Quant à ton espion, envoie-le à la mine, mais garde l’œil sur lui, il a vraiment l’air redoutable !

Verminaar quitta son trône et rejoignit sa table de travail, où il rangea ses cartes. Il interpella Pyros :

— Occupe-toi de transmettre les ordres. Nous nous envolerons demain matin pour le Qualinesti, que nous anéantirons. Sois prêt quand je t’appellerai.

Les portes de bronze claquèrent derrière le seigneur des Dragons. Pyros se leva et arpenta la pièce de long en large, s’énervant quand on frappa à la porte.

— Le seigneur Verminaar s’est retiré ! vociféra-t-il, furieux d’être dérangé.

La porte s’ouvrit.

— C’est toi que je voulais voir, Majesté, chuchota un draconien en entrant.

— Bon ! Mais dépêche-toi !

— Notre espion a réussi, Majesté, dit le draconien. Il est parvenu à s’échapper un moment sans attirer l’attention. Mais il a dit que la prêtresse…

— Au diable la prêtresse ! grogna Pyros. Cette nouvelle n’intéresse que Verminaar ! Va le lui dire. Non, attends un instant…

— Je suis venu te le dire d’abord, comme convenu, répondit le draconien, prêt à se retirer.

— Reste ici, ordonna le dragon. Après tout, cette nouvelle n’est pas sans intérêt pour moi. Il y a d’autres choses en jeu… Je vais rencontrer notre ami. Amène-le ce soir dans mon antre. Verminaar sera bien trop occupé avec le Qualinesti…

Le draconien s’inclina et quitta la pièce. Pyros reprit ses allées et venues, méditant sur ces heureuses circonstances.

11

La parabole de la gemme. Le traître démasqué. Le dilemme de Tass.

— Nous voilà arrivés au-dessus de la salle du trône, constata joyeusement Tass. Cet escalier y descend. L’endroit doit fourmiller de gardes draconiens !

Il colla son oreille à la porte et guetta les bruits. Rassuré, il poussa les deux battants.

Il s’arrêta et écouta de nouveau, puis entra à l’intérieur de la salle suivi de Fizban et de sa boule de lumière.

— On dirait un musée, remarqua Tass en découvrant les peintures qui couvraient les murs.

Par les fenêtres placées en hauteur, il vit la ligne sombre des montagnes se découper sur le ciel étoilé. Après avoir soigneusement repéré les lieux, il compléta le schéma qu’il s’était fait mentalement.

— Si mes calculs sont bons, résuma-t-il, la salle du trône est à l’ouest, et l’antre du dragon se trouve juste derrière. Elle ouvre forcément sur le ciel, ce qui nous permettra de voir d’en haut ce qui s’y passe.

Absorbé par son étude, il ne s’était pas rendu compte que Fizban ne l’écoutait pas. Le vieux magicien examinait les peintures avec intérêt.

— Ah ! la voilà, murmura-t-il. Tasslehoff !

Le kender tourna la tête. Il vit une des peintures s’illuminer d’une lueur diffuse.

— Oh ! Mais qu’est-ce que je vois là ! fit-il. Voyons ! Des dragons…, des dragons rouges, comme Ambre. Ils attaquent Pax Tharkas et… (Il se tut.) Des hommes…, des Chevaliers de Solamnie chevauchant d’autres dragons les combattent ! Ces dragons dorés et argentés irradient de lumière ! Les armes des chevaliers aussi !

Soudain, Tass eut une révélation. Il existait de bons dragons de par le monde, et si on arrivait à les trouver, ils lutteraient contre les mauvais et…

— La Lancedragon ! murmura-t-il, pris dans son rêve.

— Oui, petit, chuchota le vieux mage. Tu as compris. Tu as trouvé la réponse. Souviens-t’en. Mais pour l’instant, oublie…, oublie…, dit-il en tirant sur la queue-de-cheval du kender.

— Des dragons. Qu’est-ce que j’ai dit ?

Tass ne se souvenait de rien. Il se demanda ce qu’il faisait planter devant une peinture que la poussière rendait pratiquement invisible.

— An oui ! s’écria-t-il. L’antre du dragon. Si mes calculs sont exacts, c’est par là.

Il partit en trottinant. Le vieillard le suivit, un sourire aux lèvres.

— Arrête, polisson ! s’indigna Caramon en flanquant une tape sur la main qu’Ebène avait glissée sous sa jupe.

Devant les pitreries des guerriers déguisés, les trente-quatre femmes entassées dans la prison éclatèrent de rire. Leurs conditions de vie étaient épouvantables, mais l’arrivée des compagnons leur redonnait espoir. Celle qui se nommait Maritta voulut tranquilliser Tanis, soucieux de ne pas attirer l’attention des gardiens.

— Nous sommes de votre côté, et nous avons compris ton plan. Nous ferons l’impossible pour qu’il réussisse, mais à une condition… Nos enfants ne doivent courir aucun risque !

Elle se tourna vers ses compagnes, qui hochèrent la tête en signe d’approbation.

— Je ne peux malheureusement pas vous le garantir. Il nous faudra nous battre contre un dragon avant de pouvoir les libérer…

— Contre Flamme ? dit Maritta, incrédule. Il n’y a pas grand-chose à craindre de cette pauvre créature. Si vous lui faisiez le moindre mal, les enfants vous mettraient en pièces. Ils l’adorent.

— Ils adorent le dragon ? s’enquit Lunedor. Comment s’y est-il pris ? Il les a ensorcelés ?

— Non. Je ne crois pas que Flamme soit en état de jeter un sort, souffla tristement Maritta. La pauvre créature a presque perdu la tête. Ses rejetons ont été tués à la guerre et elle s’est mis dans la tête que nos enfants étaient les siens. Je me demande d’où le seigneur l’a sortie, mais il devrait avoir honte ! J’espère bien qu’il le paiera ! Il ne sera pas difficile de libérer les enfants. Flamme dort tard dans la matinée ; nous leur apportons à manger et nous les prenons pour une petite promenade. Elle se rendra compte qu’ils ne sont plus là quand elle se réveillera. La pauvre bête !

Les femmes mirent la dernière main aux déguisements qu’elles avaient confectionnés pour les compagnons. Vint le tour du chevalier de revêtir le sien.

— Me raser !

Sturm avait accepté tant bien que mal l’idée de se déguiser, puisque c’était le seul moyen d’aller de la forteresse aux mines sans se faire remarquer. Mais il préférait succomber à la torture plutôt que sacrifier sa moustache. Tanis parvint à le calmer en lui suggérant de s’envelopper la tête dans un fichu.