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Les fiancés devinèrent son tourment et l’entourèrent avec sollicitude. Il les serra contre lui et leur murmura des paroles qu’eux seuls purent entendre.

— C’est grâce à votre amour et à votre foi inébranlable que vous avez redonné espoir au monde. Vous avez eu assez de volonté pour sacrifier votre vie à cette promesse, et chacun a sauvé l’existence de l’autre. Le soleil brille à nouveau, mais le crépuscule descend, et la nuit est proche. Pour vous aussi, mes amis. Vous devrez traverser les ténèbres avant d’atteindre l’aube. Mais votre amour vous éclairera comme une torche.

Elistan recula d’un pas et harangua l’assemblée. À mesure qu’il parlait, sa voix enrouée devenait claire et forte. Il sentait la paix divine tomber sur lui. Les dieux donnaient leur bénédiction aux époux.

— La main gauche est celle du cœur, dit l’officiant en plaçant la main de Lunedor dans celle de Rivebise. Joignons ces deux paumes pour que l’amour qui habite le cœur de cet homme et de cette femme devienne un fleuve puissant. Qu’il coule à travers toutes les contrées, explorant de nouvelles voies avant de rejoindre la mer de l’éternité. Reçois leur amour, Paladine, dieu suprême, bénis-le et fais descendre la paix dans leurs cœurs, puisqu’elle n’existe pas en ce monde dévasté.

Dans le silence, les hommes et les femmes se prirent par le bras et restèrent enlacés. Les amis et les enfants se pressèrent contre eux. Les cœurs rongés par le désespoir se consolèrent. La paix était avec eux.

— Échangez vos serments et les anneaux qui lieront vos cœurs, dit Elistan.

Lunedor regarda Rivebise et prononça son serment :

La guerre s’est installée dans le nord Les dragons ont pris possession du ciel « Le temps de la Providence est venu » Déclarent le sage et celui qui va le devenir. Au cœur de la bataille, on a besoin de braves. Les promesses que la femme fait à l’homme Sont dépassées par de plus grands desseins. Mais toi et moi, malgré les steppes en feu. Les ténèbres qui obscurcissent le monde, Déclarons que cette terre et son peuple, Le ciel qui leur a donné naissance, Le souffle divin qui passe entre nous, L’autel où nous tenons, Tout cela est grandi par la promesse Que la femme fait à l’homme.

Rivebise parla à son tour :

Revenu dans le ventre de l’hiver, Où la terre et le ciel ne sont que grisaille, Au cœur des neiges immobiles, Le temps est venu de dire oui Aux vallons boisés et bourgeonnants, Aux frondaisons verdoyantes, Car tout cela est plus important Que le serment d’un homme à sa fiancée. Par la promesse que nous nous faisons, Née du plus profond de la nuit, Soutenue par la présence de héros, Tendue vers l’avenir d’un printemps de lumière, Les enfants verront les lunes et les étoiles Remplacer les dragons dans le ciel. La plus humble des choses produit des miracles, Quand un homme donne sa foi à sa fiancée.

Lunedor et Rivebise échangèrent leurs anneaux. Celui de Rivebise était composé des cheveux de Lunedor liés par des fils d’or et d’argent.

Le barbare avait trouvé à Solace un fragment d’arbre que le feu n’avait pas consumé et il l’avait gardé. Dans ce bois, il avait sculpté l’anneau de Lunedor.

Voyant la couleur claire du bijou, elle se souvint de la nuit de leur arrivée à Solace avec le bâton au cristal bleu. Les larmes lui montèrent aux yeux.

— Bénis ces anneaux, Paladine, dit Elistan, car ils sont les symboles de l’amour et du sacrifice. Dieu puissant et lumineux, dieu des hommes et des elfes, dieu des kenders et des nains, accorde ta bénédiction à tous tes enfants. Que l’amour semé aujourd’hui dans leur cœur soit nourri par leur âme et donne naissance à un arbre de vie qui les protège. Par l’échange du serment, et par ces anneaux, toi, Rivebise, petit-fils de l’Errant, et toi, fille de chef, n’êtes plus qu’un dans vos cœurs, devant les hommes et sous le regard des dieux.

Rivebise prit son anneau des mains de Lunedor et le fit glisser à son doigt. Il s’agenouilla devant elle pour lui passer le sien, selon la coutume Que-Shu. Lunedor secoua la tête.

— Relève-toi, guerrier, dit-elle en souriant.

— C’est un ordre ?

— Le dernier que te donne la fille de chef.

Rivebise se releva. Il la prit dans ses bras et ils échangèrent un baiser. L’assemblée poussa des acclamations de joie tandis que le soleil disparaissait derrière la montagne, teignant le ciel de pourpre et d’écarlate.

Les mariés descendirent de la butte, signe que les réjouissances pouvaient commencer. De grandes tables en bois de pin avaient été dressées sur l’herbe et garnies de gibier rôti, de légumes et de fruits.

Tanis et Sturm, assis côte à côte, discutaient calmement. De temps à autre, le regard du demi-elfe se posait sur Laurana. Assise à une table voisine, elle s’entretenait sur un ton animé avec Elistan. Comme elle avait changé ! Il ne restait rien de l’adolescente énamourée et têtue qui l’avait poursuivi hors du Qualinesti. Mais de quoi pouvait-elle parler avec Elistan qui fût si excitant ?

La pression de la main de Sturm sur son bras le tira de ses pensées. Tanis sursauta.

— Qu’y a-t-il ? demanda-t-il vivement.

— Chut ! Tais-toi et ne bouge pas ! ordonna Sturm. Regarde l’autre table, juste en face de moi.

Tanis tourna la tête dans la direction indiquée. Un homme seul était assis, le visage penché sur son assiette. Quand on s’approchait, il se renfrognait comme quelqu’un qui a peur. Se sentant observé, il releva la tête et croisa le regard du demi-elfe. De stupéfaction Tanis en laissa tomber sa fourchette.

— Mais c’est impossible ! dit-il d’une voix nouée. Nous avons vu les blocs de granit l’écraser, lui et Ebène. Qui pourrait survivre à cela ?

— Je ne m’étais donc pas trompé, dit Sturm. Tu l’as reconnu, toi aussi. J’ai cru que je délirais. Si nous allions lui parler ?

Mais l’homme n’était déjà plus là. Ils fouillèrent des yeux l’assistance en liesse sans pouvoir le découvrir.

Il avait disparu.

Quand la lune d’argent et la lune rouge s’élevèrent dans le ciel, la musique et les chansons emplirent la nuit. Hommes, femmes et enfants se mirent à danser autour des feux. Rivebise et Lunedor, enlacés, rayonnaient de bonheur.

Laurana et Gilthanas exécutèrent une vieille danse elfique pleine d’une grâce étrange. Sturm et Elistan discutèrent de leurs projets. Ils voulaient partir pour le sud à la recherche d’un port légendaire, Tarsis le Magnifique ; ils espéraient trouver des bateaux pour transporter les réfugiés hors du pays déchiré par la guerre.

Lasse de regarder manger Caramon, Tika harcela Flint jusqu’à ce que le nain, rougissant, accepte de danser avec elle.

Où est Raistlin ? s’étonna Tanis, qui se rappelait l’avoir vu attablé devant sa potion. Il lui avait paru singulièrement pâle et tranquille. Le demi-elfe partit à sa recherche.

Ce soir la compagnie du mage cynique et ténébreux lui conviendrait mieux que les rires et la musique.

Il trouva Raistlin assis sur un tronc d’arbre foudroyé. Sans mot dire, il s’assit à côté de lui.

Une petite ombre s’était glissée entre les buissons et observait les deux hommes. Il fallait que Tass sache de quoi allaient parler les deux hommes ! Raistlin avait les yeux fixés sur le sud. Le vent commençait à tourner, et la température à baisser. Le mage frissonna. Son visage éclairé par la lune frappa Tanis à cause de ressemblance avec celui de sa demi-sœur, Kitiara. Ce ne fut qu’une impression fugitive, mais elle lui rappela la jeune femme et les tourments qui lui étaient liés.